Ouhoud Al-Roumi, ministre émiratie du Bonheur, figure parmi les lauréats. © DR

« Inscrivez le droit au bonheur dans la Constitution »

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

La Ligue mondiale pour le droit au bonheur remettra un Trèfle d’or au Vif/L’Express le 27 novembre pour son journalisme constructif. Mais quelle est cette association ? De qui est-elle composée ? Que vise-t-elle ? Et qu’elle est son pouvoir d’influence ?

Pourquoi pas un ou une ministre du Bonheur ? Pourquoi pas le droit au bonheur coulé dans la Constitution ? C’est la quête de Murielle van Boxem of Drax- Hilton, fondatrice en 2010 de la Ligue mondiale pour le droit au bonheur (LMDB). Des pays intègrent cette notion dans leurs lois fondamentales : Etats-Unis, Brésil, Japon, Corée du Sud, Bhoutan et France (dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1798). Ils voient le bonheur comme un but à atteindre et auquel doivent contribuer les institutions mises en place. Ce droit est-il seulement respecté ?

Depuis 1821, près d’une centaine de justiciables ont fait appel à la clause devant la Cour suprême des Etats-Unis. Il en ressort que ses juges se sont appuyés sur cette référence pour protéger d’autres droits qui rendent possible la quête du bonheur, tels que l’égalité ou la liberté.  » Deux résolutions des Nations unies, adoptées en 2011, puis en 2012, visent à promouvoir le bonheur comme un objectif universel « , précise Murielle van Boxem. Et celle qui dirige également Formark Europe, cabinet de conseil en management basé à Londres, cite Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies :  » Le bonheur n’est plus un luxe, ni une frivolité, il est le facteur de croissance économique mondiale « .

Concrètement, la LMDB veut amener les citoyens à faire pression sur les gouvernements et sur les entreprises pour qu’ils placent le droit au bonheur au centre de leurs priorités. Toutes les politiques doivent s’organiser autour de cette notion pourtant impossible à définir. Ainsi la ligue défend l’inscription dans une future Constitution de l’Union européenne du droit au bonheur comme le plus sacré des droits humains, un droit naturel et inaliénable. Une pétition a été déposée auprès du Parlement européen il y a quatre ans, mais elle n’a pas convaincu la commission des examens. L’association répétera l’opération l’an prochain.  » Ce serait un changement de paradigme que de voir ce droit servir de base aux plans d’action des gouvernements et des entreprises ; qu’il devienne réalité dans la vie quotidienne, en matière d’éducation, d’information, de culture, d’environnement, de consommation, de travail « , poursuit Murielle van Boxem. Des exemples ? Pour l’éducation,  » les handicapés, les autistes, les hauts potentiels qui sont malmenés  » ; pour l’information,  » le journalisme positif qui propose des solutions et recourt à un langage positif  » ; pour la consommation,  » il s’agit de favoriser des services et des biens qui rendent réellement les consommateurs heureux « .

Les Trèfles

Murielle van Boxem of Drax-Hilton, fondatrice en 2010 de la Ligue mondiale pour le droit au bonheur (LMDB).
Murielle van Boxem of Drax-Hilton, fondatrice en 2010 de la Ligue mondiale pour le droit au bonheur (LMDB).© DR

La ligue se rêve comme le porte-parole de tous ceux qui désirent être heureux – auquel aurait déjà adhéré une centaine de pays et plus de quatre millions d’individus. Ses moyens ? Des ressources écrites et des vidéos d’experts disponibles sur son site, une chaîne YouTube, des ateliers du bonheur, des conférences… Depuis 2016, elle a aussi ses Oscars à elle : les Trèfles d’or. Chaque année, à Monaco, siège de l’organisation, elle récompense celles et ceux qui s’engagent pour le bonheur. Parmi les lauréats 2019 (remise des prix le 27 novembre, à Paris) : Le Vif/L’Express ! Premier média à se voir décerner un Trèfle d’or, il est salué pour son journalisme de solutions. On trouve parmi les précédents lauréats Luc Ferry, philosophe, ancien ministre français de l’Education, Joseph Stiglitz, économiste américain et prix Nobel d’économie en 2001, Matthieu Ricard, moine bouddhiste et docteur en génétique cellulaire, mais aussi Xi Jinping, le président chinois, et Ouhoud Al-Roumi, ministre émiratie du Bonheur. La République populaire de Chine et les Emirats arabes unis honorés pour leur contribution au bonheur ?  » Il ne s’agit pas d’un plébiscite, réplique Murielle van Boxem mais d’un prix d’encouragement attribué à des pays où, oui, on a moins de chances qu’ailleurs d’accéder au bonheur.  »

L’organisation agit également au niveau des entreprises, qu’elle accompagne pour créer un environnement propice au bonheur.  » Les jeunes l’ont compris. Ils veulent choisir et faire ce qui les rend heureux, surtout au travail « , commente la responsable, spécialiste dans la prévention du stress et des risques psychosociaux. Cinq années à compiler des données, chercher, lire  » les travaux de 35 experts en économie, médecine, neurosciences et comportements, dont six Nobel  » lui ont permis de  » déterminer de manière concrète ce qui rend heureux les clients dans leur achat et les salariés dans leur travail « . C’est ainsi qu’est né le label Happiness, certifié par la LMDB, qui en confie les clés à des cabinets de formations dans une vingtaine de pays, dont HAPPYtude en Belgique.  » Notre démarche ne s’inscrit pas dans le développement personnel, parce qu’il ne remet pas en cause l’organisation du travail. Favoriser le bonheur au boulot, ce n’est pas offrir plus d’argent, une place de parking, une crèche d’entreprise, une salle de sport, un panier de fruits bio…  »

Le bonheur dans le travail

Murielle van Boxem propose de travailler avec des indicateurs couvrant 14 domaines : gestion des équipes, procédure, neuromanagement, talents, plaisir, sentiment d’être à la bonne place, absence de crainte ou frustration, amour et fierté et de son travail et de son entreprise… Tout se mélange et se combine pour aboutir aux équations :  » Un client heureux est toujours satisfait, un client satisfait n’est pas toujours heureux  » ;  » Un salarié heureux est toujours satisfait, un salarié satisfait n’est pas toujours heureux  » ; et  » Un salarié qui aime ce qu’il fait = un client heureux « .  » Il y a une grande différence entre « le bonheur au travail » qui confond bien-être avec bonheur et satisfaction avec performance, et « le bonheur dans le travail ». Notre but n’est pas de forcer les collaborateurs à être heureux, mais de les laisser exprimer ce qui les rend heureux dans leur travail « , conclut Murielle van Boxem, qui imagine déjà un incitant financier pour les sociétés qui souhaitent obtenir un label  » bonheur « , citant le Bhoutan où la notion inspire l’Etat, les entreprises, les autorités locales. On recense aujourd’hui une vingtaine de firmes engagées dans cette démarche. Sur le site de la ligue, on peut ainsi lire :  » Les résultats financiers et humains sont facilement quantifiables puisqu’un salarié heureux est neuf fois plus loyal, est jusqu’à 31 % plus productif, est deux fois plus créatif, deux fois moins malade et six fois moins absent…  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire