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Ils s’infiltrent derrière les barreaux du monde entier

Le Vif

Un rapport accablant sur les prisons belges. Un portfolio sur les « oubliettes » du Burundi. Des témoignages d’enfants palestiniens sur leur incarcération. Depuis Lyon, dans le sud-est de la France, le site « Prison Insider » ouvre une fenêtre unique sur l’univers pénitentiaire.

« Nous vous proposons un voyage peu commun dans l’une des régions les plus méprisées du monde : le pays de l’enfermement et ses plus de dix millions d’habitants », explique dans un billet en ligne l’équipe du site, qui ambitionne de « le donner à comprendre et à voir ».

« J’ai démarré en 2014 de chez moi, en contactant des amis qui ont une connaissance du web », raconte à l’AFP le créateur de Prison Insider, Bernard Bolze, qui a pu lancer le projet grâce à une campagne de financement participatif.

M. Bolze est loin d’être un débutant: en 1990, il avait fondé l’Observatoire international des prisons (OIP), dont l’antenne française était à Paris et le secrétariat international à Lyon. En 1993 paraissait un premier rapport annuel mais le secrétariat interrompait ses activités en 1999, faute de financements.

« Amnesty soutient des prisonniers d’opinion, pour lesquels il est plus facile d’obtenir des dons. Le détenu lambda est moins porteur », estime Bernard Bolze, qui a quitté l’OIP dès les années 1990 – il se définit lui-même « plus initiateur que gestionnaire ».

Plusieurs antennes locales de l’OIP ont survécu à travers le monde – en Argentine, en Belgique et au Maroc notamment – mais l’organisme a perdu sa dimension internationale que le site « Prison Insider » espère précisément retrouver.

Mis en ligne mi-septembre, il compile des informations venues de partout, et sous toutes les formes: rapports, enquêtes et reportages ; témoignages écrits et audio, portfolio de photographes; « regards » artistiques ou graphiques, etc.

– Cachots surpeuplés –

Il propose aussi des « fiches-pays » rassemblant, pour chacun d’eux, quantité de chiffres et d’éléments – plus ou moins fournis selon les cas – sur le monde carcéral : le nombre de détenus et leur typologie ; le taux d’occupation des établissements ; les décès et suicides derrière les barreaux ; l’organisation de l’administration pénitentiaire et la législation en matière de répression ; les cellules et leurs équipements ; le quotidien des détenus: nourriture, santé, hygiène.

Celle du Sénégal a été mise en ligne cette semaine: on y apprend que le nombre de détenus y a doublé depuis quinze ans pour un taux d’occupation des prisons de 117%, semblable à celui de la France (114%).

Un outil permet aussi des comparaisons rapides: aux États-Unis, qui pèsent 5% de la population mondiale mais un quart des détenus de la planète, le taux d’incarcération est de 693 personnes pour 100.000 habitants, contre 238 en Turquie ou 47 au Japon…

Parce que leur réalisation nécessite un gros travail de documentation, 30 fiches sont disponibles pour l’instant. « On va sortir deux pays par mois dans les temps qui viennent », indique Bernard Bolze, qui dirige une quinzaine de personnes, bénévoles pour la plupart, avec un budget réduit.

A 66 ans, cet homme « de culture libertaire », ancien journaliste passé par la case prison à la fin des années 1970 pour insoumission, contrôleur des lieux de privation de liberté en France de 2008 à 2014, n’a rien perdu de son engagement.

« Ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir interroger la prison par tous les bouts, pour garder de la fraîcheur et ne pas s’habituer », dit-il.

Mis en ligne mercredi, le rapport 2016 de l’OIP belge, complété par des témoignages sonores et un portfolio, décrit une situation largement indigne. Les photographies prises au Burundi montrent, elles, des cachots surpeuplés où croupissent des enfants de dix ans.

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