Gilles de Kerchove, le 7 décembre 2015 à Bruxelles © Belga Image

« Il faut aller vers un contrôle systématique aux frontières de l’espace Schengen »

De nombreux aspects de la lutte contre le terrorisme progressent, a expliqué lundi le coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, le Belge Gilles de Kerchove.

Si les Etats échangent régulièrement des informations, ils n’utilisent pourtant pas suffisamment les plateformes communes pour le faire, regrette-t-il. Il faut aller vers un contrôle systématique lors du passage des frontières extérieures de l’espace Schengen, plaide-t-il également.

M. de Kerchove a participé lundi aux travaux de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont la commission des questions politiques et de la démocratie se réunissait au Sénat belge.

A l’ordre du jour: les combattants étrangers en Syrie et en Irak. « Je soutiens complètement le travail de fond du Conseil de l’Europe, complémentaire à celui de l’Union européenne », a déclaré le coordinateur à l’issue de la réunion. « Le Conseil de l’Europe vient par exemple d’adopter une convention qui définit en termes juridiques ce qu’est un combattant étranger. C’est très utile. »

Après les attentats perpétrés à Paris le 13 novembre, les ministres de l’UE ont convenu d’approfondir les mesures déjà décidées à la suite des attaques contre Charlie Hebdo en janvier. Et cela avance, selon Gilles de Kerchove. « Je félicite l’accord des ministres de l’Intérieur sur le Passenger Name Record (PNR) », a notamment indiqué celui qui est chargé de coordonner les travaux du Conseil européen en matière de lutte contre le terrorisme.

Le système PNR, qui doit encore recevoir l’approbation du Parlement européen, permet d’enregistrer les données de vol des passagers. La Commission européenne a préparé un paquet de mesures appelé « frontières intelligentes », qui doit améliorer les contrôles aux frontières de l’Union européenne, a aussi relevé Gilles de Kerchove. Pour lui, « nous devons aller vers un contrôle systématique à chaque passage des frontières extérieures de l’espace Schengen ».

Un tel mécanisme existe déjà aux Etats-Unis, et « la technologie le rend tellement facile et rapide. »

« C’est faux de dire que les Etats n’échangent pas d’informations entre eux. Depuis le 11 septembre 2001, ils échangent énormément d’informations. Mais ils doivent utiliser de manière beaucoup plus systématique les plateformes communes pour le faire: le Système d’information Schengen (SIS), Europol et Interpol », a par ailleurs affirmé le haut fonctionnaire.

Le processus législatif s’accélère car il y a aujourd’hui un sentiment d’urgence, a-t-il convenu. « La pression de la coalition internationale sur Daesh est forte. Or Daesh veut continuer à se montrer victorieux. Mon interprétation, c’est que plus Daesh est faible, plus il aura tendance à planifier des attentats dans les pays de la coalition. On voit aussi un déplacement de son action en Libye. La Libye est un gros sujet de préoccupation parce que cet Etat est encore plus proche de l’Europe que la Syrie et l’Irak. »

L’urgence provient, de plus, du retour des combattants étrangers, « qui pose un risque pour la sécurité intérieure de l’Union européenne mais aussi des pays du pourtour de la Méditerranée ». Malgré cette urgence, à côté du volet répressif et de la politique extérieure de l’UE, la lutte contre le terrorisme passe par « le chantier de la prévention », a insisté M. de Kerchove. Combattre l’islamophobie, développer un islam européen, ouvrir les esprits grâce à des programmes comme Erasmus: c’est cela aussi, lutter contre la radicalisation violente, considère-t-il.

Lundi, l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a approuvé en commission un projet de résolution sur les combattants étrangers présenté par le député belge Dirk Van der Maelen (sp.a). Dans certains pays, plus de 40% des individus partis combattre en Syrie ou en Irak sont des femmes ou des jeunes filles, d’après le rapporteur. Le projet de résolution demande notamment aux Etats européens d’adopter « une approche différenciée par sexe en matière de prévention et de réinsertion » et de « développer des contre-discours ciblant plus particulièrement les femmes ». Plus largement, le texte promeut un équilibre entre répression et prévention, et insiste sur l’importance de l’éducation et sur l’élaboration de contre-discours face aux propos extrémistes.

Le Conseil de l’Europe rassemble 47 Etats, dont les 28 Etats membres de l’UE. C’est la principale organisation de défense des droits de l’homme du continent.

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