Horst Seehofer © Reuters

Horst Seehofer à l’assaut de Merkel

Le Vif

Fier patriote bavarois ou comportement de gamin capricieux comme l’avancent certains médias? Le ministre allemand de l’Intérieur Horst Seehofer est devenu le détracteur le plus inflexible de la politique migratoire d’Angela Merkel et l’homme susceptible de mettre fin à son règne.

Après avoir proposé sa démission puis suspendu cette décision en évoquant un délai de trois jours, le Bavarois de 68 ans tient toute l’Allemagne en haleine car de son départ pourrait dépendre la survie de tout le gouvernement.

Il semble prêt à tout, y compris au ridicule, critiquaient lundi de nombreux médias allemands. « Jamais un chef de parti ne s’est comporté de façon aussi puérile », se désolait l’édition en ligne du magazine Der Spiegel.

En le nommant en mars à l’Intérieur lors de la difficile formation du gouvernement de coalition, Angela Merkel, qui dirige l’Allemagne depuis près de 13 ans, espérait pouvoir le garder sous contrôle. Lui et le très conservateur parti bavarois (CSU) qu’il préside.

Mais cette stratégie s’est retournée contre la chancelière. Les tensions permanentes entre la CSU et le parti de centre-droit d’Angela Merkel (CDU), suite à l’ouverture des frontières du pays à des centaines de milliers de demandeurs d’asile en 2015, ont atteint un sommet.

« Je ne peux plus travailler avec cette femme », aurait confié M. Seehofer à des proches, à en croire le quotidien Die Welt.

Dimanche, selon d’autres médias, il a déploré auprès de ses collègues de l’Union sociale-chrétienne (CSU) s’être « déplacé spécialement à Berlin » alors que la chancelière « n’a pas bougé d’un iota » sur les revendications migratoires du ministre.

– ‘Crazy Horst’ –

Car celui qui est surnommé « Crazy Horst » par ses détracteurs juge insuffisantes les mesures négociées à l’arraché par Angela Merkel au niveau européen pour réduire encore le nombre des arrivées de demandeurs d’asile. Le ministre veut les refouler à la frontière, la chancelière refuse en invoquant la libre-circulation et la préservation de l’UE.

Mais pour cet homme qui aura 69 ans mercredi, la Bavière compte par dessus tout. Cet « Etat libre », riche et très conservateur s’est toujours rêvé un destin à part dans l’histoire allemande.

Horst Seehofer juge d’autant plus légitime la fermeture des frontières à une large part des demandeurs d’asile que sa région constitue la principale porte d’entrée pour les migrants désireux de venir en Allemagne.

Ce catholique pratiquant est né et a grandi à Ingolstadt, fief de Audi, située entre Munich et Nuremberg. Issu d’un milieu modeste, M. Seehofer ne cache pas qu’il n’a pas obtenu son baccalauréat.

Entré en politique, il a toujours partagé sa carrière entre sa région de prédilection et Berlin, député pendant 28 ans puis chef de l’exécutif de Bavière (2008-mars 2018). Il a assumé plusieurs portefeuilles ministériels sous Helmut Kohl et dans le premier cabinet de Mme Merkel.

Sa carrière aurait pu tourner court en 2002. En soins intensifs pendant plusieurs semaines en raison d’une myocardie, il s’en est sorti avec un coeur affaibli.

– Anti-Merkel –

La contestation du cap d’Angela Merkel sur les migrants – alors que la CSU et la CDU sont alliés depuis 1949 – lui a redonné depuis trois ans une nouvelle énergie.

Mais avec ce bras de fer, ce géant d’1,93m veut surtout sauver l’emprise de sa famille politique sur la Bavière.

Car si la CSU dirige de façon ininterrompue la Bavière depuis 1957, sa majorité n’a cessé de s’éroder. Or les élections régionales d’octobre approchent, et l’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), surfant sur les inquiétudes liés aux demandeurs d’asile, grignote l’électorat conservateur bavarois.

M. Seehofer, qui juge que la question migratoire est la clé du vote en Bavière, a donc d’abord obtenu de haute lutte d’Angela Merkel le ministère de l’Intérieur et lui a accolé le nom de ministère « de la Patrie ».

Tout juste nommé, il déclenche sa première polémique en assurant que « l’Islam n’appartient pas à l’Allemagne », un pays où vivent 4 millions de musulmans. La chancelière l’a alors publiquement recadré.

Moins de quatre mois après sa prise de fonction, c’est la survie du gouvernement tout entier qui est en jeu.

Mais au-delà des considérations bavaroises, Horst Seehofer revendique une proximité avec des populistes et eurosceptiques européens, comme son homologue italien Matteo Salvini, le chef du gouvernement hongrois Viktor Orban, ou encore le chancelier autrichien Sebastian Kurz.

Et il paraît décidé à mener une forme de révolution conservatrice en Allemagne, éloigné du centrisme d’Angela Merkel.

Le quotidien Tagesspiegel résume ainsi sa ligne: « L’Allemagne d’abord, l’Europe en deuxième ».

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