L'emplacement du centre d'hébergement pour sans-abris et migrants en lisière du bois de Boulogne. © AFP

Haro contre un centre pour sans-abri et migrants dans les beaux quartiers parisiens

Un centre d’hébergement pour sans-abris et migrants en lisière du bois de Boulogne, près des beaux quartiers de Paris? La perspective affole les riverains, dont plus de 40.000 ont signé une pétition pour s’opposer au projet.

Le XVIe arrondissement, ses immeubles cossus, son bois verdoyant et entre les deux… son centre d’hébergement d’urgence: six préfabriqués installés sur une allée qui sera fermée à la circulation.

Le projet porté par la mairie de la capitale française, dirigée par la gauche, devrait permettre à 200 personnes de sortir de la rue, où des milliers de personnes dorment chaque nuit à Paris, d’ici à l’été.

Le centre ne doit durer que trois ans. Malgré tout, il fait tousser une partie de ses futurs voisins, qui comptent bien saisir la justice.

« C’est un endroit qui n’est pas fait pour habiter », avance Christophe Blanchard-Dignac en désignant l’allée, en bordure du bois, où circulent cyclistes et autos. Cet ancien dirigeant d’entreprise s’est mué en défenseur de l’environnement. Il préside la coordination pour la sauvegarde du bois de Boulogne, remontée contre le projet.

« On est une des villes qui a le moins d’espaces verts et on les grignote », s’insurge le sexagénaire en costume vert. « C’est facile, les arbres ne se défendent pas ».

Mais l’argument écologique n’est pas le seul. M. Blanchard-Dignac évoque aussi la proximité avec une piscine municipale et explique que « des parents ont peur » d’y mettre leurs enfants, évoquant les violences attribuées à des migrants en Allemagne.

Et il dit s’interroger sur l’intégration des futurs hébergés: « Est-ce que les gens seront à l’aise dans un quartier où les prix sont élevés? »

Le maire de droite de l’arrondissement, lui, n’y va pas par quatre chemins: si le centre d’hébergement se fait, ce sera un nouveau « Sangatte », assure Claude Goasgen en référence à un centre de la Croix-Rouge qui avait rassemblé près de Calais (nord) jusqu’à 800 migrants cherchant à gagner l’Angleterre, avant d’être fermé en novembre 2002.

La pétition qu’a lancée l’élu, et qui trône dans le hall de sa mairie, a réuni selon lui 40.000 signatures, sur les quelque 190.000 habitants que compte cet arrondissement bourgeois situé dans l’ouest de Paris.

« La nuit, on a toutes les prostituées qui circulent, ce n’est déjà pas très agréable », ajoute-t-il, en référence à certains secteurs du bois de Boulogne qui abrite de la prostitution. « Je ne veux pas que ce soit un réservoir de gens en déshérence », assène-t-il.

Egoïstes, les habitants du XVIe? « Je ne suis pas un bourreau, j’ai proposé des contre-projets tout de suite », rétorque Claude Goasguen, évoquant les locaux d’un ancien musée ou des hébergements « sur des barges » flottant sur la Seine.

Réhabiliter le musée nécessiterait un « désamiantage coûteux », balaie Dominique Versini, adjointe à la mairie centrale chargée de la lutte contre l’exclusion. « Il y a des familles avec enfants qui dorment à la rue, il faut aller vite ».

« Sur les 9.700 places en hébergement d’urgence à Paris, il n’y en a que huit dans le XVIe », rappelle l’adjointe. « Il est normal que l’ensemble des arrondissements prennent leur part ».

Face aux réticences, elle joue l’apaisement, vantant le « professionnalisme » de l’association de lutte contre l’exclusion, Aurore, qui gèrera le centre, et l’esthétique du projet, des « blocs modulaires très jolis qui s’insèrent dans le paysage ».

« Je comprends que pour le XVIe, ce soit le choc de la découverte », ironise Dominique Versini. « Dans le XVIe, il y a aussi beaucoup de générosité, beaucoup d’humain », veut cependant croire l’élue.

Le président de la coordination pour la sauvegarde du bois de Boulogne, lui, prévient: « On combattra jusqu’au dernier moment ce projet ».

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