Haïti. © Reuters

Haïti, l’impossible reconstruction

Meurtrie par un séisme destructeur, secouée par les ouragans, proie des épidémies. La République d’Haïti, où se rendra dimanche le ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles Rudy Demotte, peine à se relever depuis 2010 et le tremblement de terre le plus meurtrier de son histoire.

Irma avait presque semblé clémente avec Haïti. Début septembre, le puissant ouragan avait légèrement changé de trajectoire et épargné la majeure partie du territoire haïtien alors que les autorités s’attendaient au pire. Le bilan humain était resté limité malgré d’importants dégâts matériels, particulièrement dans le nord du pays le plus pauvre du continent américain.

Un soulagement près d’un an après le passage de Matthew, dernier épisode d’une histoire moderne maudite par les catastrophes naturelles. En octobre 2016, le cyclone dévastateur s’était formé dans l’Atlantique et avait notamment balayé Haïti, rasant entièrement certains quartiers, causant la mort de plusieurs centaines de personnes, près de 2 milliards de dollars de dégâts et plongeant plus d’un million de personnes dans le besoin urgent d’aide humanitaire. Les autorités avaient enregistré une hausse significative des cas de choléra dans les zones les plus affectées et, plusieurs mois après le passage de l’ouragan, de nombreuses communautés n’avaient toujours pas accès aux soins les plus élémentaires, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). La Belgique avait alors débloqué un budget de 3 millions d’euros pour contribuer au rétablissement de l’agriculture, secteur d’activité primordial dans le PIB haïtien.

Les près de 11 millions d’Haïtiens font face à une laborieuse reconstruction depuis le séisme du 12 janvier 2010. Le tremblement de terre de magnitude 7 avait dévasté la capitale Port-au-Prince, causé environ 300.000 morts et autant de blessés. Plusieurs dizaines d’édifices publics avaient également été détruits, notamment la cathédrale de la capitale et le palais présidentiel.

« La situation est toujours aussi problématique sept ans après le séisme », confirme à l’agence Belga Frédéric Thomas, chercheur au Centre Tricontinental (CETRI) et spécialiste d’Haïti. « Des avancées ont été enregistrées dans les mécanismes d’alerte mais la population souffre encore de l’absence de politiques sociales et d’infrastructures. Il n’y a pas de centre de santé où se réfugier en cas de cyclone et les routes sont en mauvais état pour acheminer les soins. »

Ces catastrophes naturelles, auxquelles est exposée plus de 90% de la population haïtienne, amplifient les difficultés économiques d’un des pays les plus déshérités au monde. D’après la Banque mondiale, le PIB par habitant atteignait 739 dollars l’année dernière (22e plus mauvais score), contre 41.096 en Belgique et 6.722 en République dominicaine, qui partage avec Haïti l’île d’Hispaniola dans les Caraïbes.

« Le pays est dépendant de l’aide internationale », poursuit Frédéric Thomas. « C’est une république très centralisée, les autorités locales ont peu de moyens et les dirigeants sont déconnectés de la population. »

L’instabilité politique s’accroche également à la première république noire indépendante des Amériques, déclarée en 1804. Après plusieurs années de crise et le report des élections, Jovenel Moïse a succédé au chanteur Michel Martelly en février dernier et endosse la lourde tâche de stabiliser le pays encore marqué par le régime autoritaire des Duvalier entre 1957 et 1986. Mais sa légitimité est entachée par la faible participation aux dernières élections (21%), la contestation de ses opposants et des accusations de blanchiment d’argent. Fin septembre, plusieurs milliers de personnes ont d’ailleurs manifesté à Port-au-Prince pour réclamer son départ après la publication du budget national.

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