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Fukushima : le gouvernement veut obliger des Japonais à réintégrer les villages contaminés

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Dans la région de Fukushima, l’ordre d’évacuer le territoire va bientôt être levé pour 360 Japonais qui vont pouvoir rentrer chez eux. A l’inverse de ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas une bonne nouvelle pour Jan Vande Putte, expert en nucléaire pour Greenpeace qui s’est rendu sur place il y a deux semaines.

Faiblement contaminé, le village de Miyakaji, situé à 20 kilomètres de la centrale de Fukushima, sera bientôt réinvesti par ses habitants. Il s’agira de la première levée d’ordre d’évacuation dans la région depuis la catastrophe du 11 mars 2011. Un premier pas vers d’autres retours, selon Jan Vande Putte.

Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’une bonne nouvelle. Même si dans les faits les habitants concernés ne sont pas obligés de retourner chez eux, l’aide gouvernementale allouée aux sinistrés sera supprimée un an après la levée de l’ordre d’évacuation. Privés de ces revenus, les 360 habitants seront quasiment obligés de retourner vivre près de la centrale.

Une décontamination insuffisante

Toutefois, le gouvernement n’a pas lésiné sur les efforts pour rendre le village de Miyakaji à nouveau habitable. Durant plusieurs mois, 1200 travailleurs ont été chargés de décontaminer la région. Ce qui consiste à enlever 5 centimètres de terre le long des routes, dans un rayon de 10 mètres autour des maisons et dans les champs agricoles. Les toits et les murs des bâtiments ont également été nettoyés. Ce qui représente un travail colossal, mais insuffisant, selon Jan Vande Putte.

En effet, ces zones décontaminées ne représentent que des « couloirs » dans une région fortement boisée qu’il est impossible de nettoyer entièrement. « On ne peut pas forcer les gens à retourner vivre dans cette région. Ce n’est pas confortable, ni pratique », affirme l’expert de Greenpeace. Un récent sondage montre d’ailleurs qu’une majorité de la population préfèrerait être définitivement évacuée. « Ils vont pourtant être forcés d’y retourner, par manque de moyens », déplore-t-il.

2014, une année charnière

La prochaine étape, selon Jan Vande Putte, sera de réintégrer les habitants de six communes environnantes à plus forte densité de population. Cela devrait concerner 30 000 personnes. Le gouvernement japonais aurait d’ailleurs l’intention de faire de 2014 une année charnière vers une réhabilitation plus importante de la région entourant la centrale.

Le gouvernement envisagerait ensuite d’assouplir les normes concernant le taux de radioactivité acceptable. D’un millisievert par an toléré actuellement, le gouvernement voudrait passer à 20 millisieverts. Pour Greenpeace, c’est inacceptable.

Montrer que la situation se normalise

Quel est l’intérêt du gouvernement de renvoyer des gens vivre dans des zones à risques ? Selon l’expert, la première motivation du gouvernement serait d’économiser l’argent des compensations allouées aux évacués. Or, il ne s’agirait pas d’un coût exorbitant, comparé à ce que coûte la décontamination des sites.

Le véritable but du gouvernement serait, d’un point de vue géopolitique, de montrer que la situation est sous contrôle et en train de se normaliser. D’un point de vue interne, il veut prouver son efficacité pour justifier un redémarrage des réacteurs nucléaires du pays qui sont tous à l’arrêt aujourd’hui.

Des investissements perdus

Au lieu d’investir dans une autre forme d’énergie, le gouvernement japonais voudrait donc réinvestir dans le nucléaire. « Il faudrait utiliser l’argent disponible pour investir dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique », recommande l’expert de Greenpeace. Selon lui, les investissements faits aujourd’hui pour redémarrer le nucléaire sont des investissements perdus.

Pour autant, le combat ne semble pas gagné d’avance, car tous les niveaux de pouvoirs auront leur mot à dire sur les redémarrages des réacteurs. D’autant qu’entre 10 et 20 réacteurs ne seront plus jamais utilisés en raison de risques trop élevés. Salon Jan Vande Putte, « au Japon, tout le monde a compris que c’est trop risqué pour la population de tout miser sur le nucléaire et que la dépendance à cette source d’énergie n’est pas souhaitable ». Reste à voir si les élus locaux sauront faire entendre leur voix face à Tokyo.

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