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Frustration au Venezuela, toujours plus isolé à l’international

Le Vif

Coincés par centaines dans les aéroports, les Vénézuéliens ont accusé le coup cette semaine quand Caracas a accentué son isolement international en suspendant les vols de la compagnie panaméenne Copa, l’une des dernières à desservir le pays en crise.

Prise jeudi, la mesure, valable trois mois renouvelables, survient en représailles aux sanctions financières imposées par le Panama contre des entreprises et une cinquantaine de hauts dirigeants vénézuéliens dont le président socialiste Nicolas Maduro.

La suspension a déclenché une crise diplomatique, avec le rappel par les deux pays de leurs ambassadeurs respectifs.

Delcy Rodriguez, présidente de l’Assemblée constituante (uniquement composée de partisans du gouvernement) qui régit le pays depuis huit mois, a assuré vendredi que son gouvernement n’avait fait que répondre à une « agression » du Panama.

Chaque pays accuse l’autre de favoriser le blanchiment de capitaux, mais le Venezuela semble sortir perdant de cet échange de tirs.

« La réaction (de Caracas) est disproportionnée et ceux qui sont touchés, ce sont les Vénézuéliens », assure à l’AFP l’experte en questions internationales Milagros Betancourt.

« Nous sommes de plus en plus enfermés: en Amérique, le Venezuela sera la seule île située en plein continent, et dans le monde (il n’y aura que) la Corée du Nord et nous » à être aussi isolés, poursuit-elle.

Plusieurs centaines de Vénézuéliens et une poignée d’étrangers déboussolés étaient regroupés vendredi dans les deux principaux aéroports, Maiquetia (qui dessert Caracas) et Maracaibo (ouest), où les employés de Copa leur expliquaient qu’ils pouvaient obtenir le remboursement de leur billet.

« Moi je ne veux pas qu’on me rembourse mon billet, ce que je souhaite c’est quitter le pays », confiait avec agacement Victoria Martinez, 34 ans, qui voulait aller au Chili depuis Maracaibo pour émigrer du pays comme l’ont déjà fait des centaines de milliers de Vénézuéliens.

« Comme un fauve attaqué »

Plongé dans une crise sévère due à la chute des cours du pétrole – son unique richesse – et d’une gestion de ses finances jugée hasardeuse par les analystes, le Venezuela a déjà vu partir une douzaine de compagnies aériennes depuis 2014 en raison des dettes abyssales qu’il a envers elles, le gouvernement exerçant un strict contrôle des changes.

Désormais, seule une dizaine – dont sept volent vers l’Europe – desservent le Venezuela.

Copa est celle qui offre le plus de fréquences entre le pays et le monde, avec dix vols à l’arrivée et au départ chaque jour, et la compagnie panaméenne est vitale pour la connexion au reste de l’Amérique latine.

Mais le gouvernement du président Maduro est entré ces derniers mois dans une spirale de tensions internationales, après la décision des autorités électorales d’avancer le scrutin présidentiel de décembre au 20 mai.

Dénonçant l’absence de transparence et de pluralisme dans cette élection, Washington, l’Union européenne ou encore la Suisse ont multiplié les déclarations critiques et les sanctions financières à l’égard de Caracas.

Le Mercosur, marché commun sud-américain, a suspendu le pays en août 2017, tandis que les 14 pays du continent américain rassemblés dans le Groupe de Lima ont décidé de ne pas reconnaître les résultats de la présidentielle.

Très virulent après chacun de ces coups durs, Nicolas Maduro s’en est pris jeudi au président français Emmanuel Macron, qui l’avait critiqué, l’accusant d’être « un pantin de la politique de Trump contre le Venezuela ».

« Le gouvernement répond automatiquement comme un fauve attaqué et encerclé » mais en faisant ainsi « il approfondit lui-même son isolement », observe l’analyste Luis Salamanca.

Dans une Amérique latine qui a globalement viré à droite ces dernières années (Brésil, Argentine, Chili…), ses soutiens se comptent désormais sur les doigts d’une main: Cuba, la Bolivie, le Nicaragua, tous engagés comme le Venezuela dans une diatribe contre les Etats-Unis.

Hors de la région, Caracas ne peut désormais plus s’appuyer que sur le soutien de la Chine, son principal créancier (avec une dette estimée à 28 milliards de dollars), et de la Russie, avec qui il a noué une coopération stratégique militaire et pétrolière.

« Le gouvernement a oublié que la négociation est la base des relations internationales, et non la confrontation », rappelle Milagros Betancourt.

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