Gérald Papy

Fraude et corruption, ces cancers de la démocratie

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

 » La percée la plus spectaculaire jamais effectuée dans le monde de la finance offshore  » aura des conséquences politiques encore incalculables. Au-delà des stars du football, des personnalités du spectacle et des capitaines d’industrie, les cibles les plus remarquables des Panama Papers sont une douzaine de chefs d’Etat dont les plus  » prestigieux  » plastronnent au G20, cénacle censé mener le combat contre ce type d’agissements.

Le roi Salman d’Arabie saoudite, le chef de l’Etat argentin Mauricio Macri, le numéro un mexicain Enrique Pena Nieto, des proches du président russe Vladimir Poutine côtoient dans les révélations du Consortium international des journalistes d’investigation Mohammed VI du Maroc, un homme d’affaires cousin de Bachar al-Assad, le président ukrainien Petro Porochenko, des parents de l’autocrate azerbaïdjanais Ilham Aliyev ou le Premier ministre islandais démissionnaire Sigmundur David Gunnlaugsson, qui doit honnir cette soudaine notoriété. Des dirigeants de pays dictatoriaux y partagent « la vedette » avec des élus du « monde libre », ce qui ne rassure pas sur l’état de la démocratie occidentale.

Les potentats survivront à ces révélations, épargnés par la pression de l’opinion publique. Les autres y succomberont peut-être, conséquence d’un exercice salutaire de contrôle démocratique. Mais le mal sera fait. Il ne date pas des Panama Papers, du SwissLeaks ou du LuxLeaks. Le mal-être de la démocratie occidentale est plus ancien, plus profond. Et il est alimenté par cette imparable propension de l’homme de pouvoir à succomber à la transgression du fraudeur, du corrompu ou du corrupteur. Même dans le chef de personnalités jugées les plus respectables, tel Jérôme Cahuzac, ministre français du Budget pourfendant la fraude fiscale qu’il avait pratiquée, tel Sigmundur Gunnlaugsson, responsable de l’exécutif européen le plus déterminé à fustiger l’affairisme des banques après la crise financière de 2008, tel, enfin et surtout, Lula da Silva, le président dont l’action a sorti de la pauvreté des millions de Brésiliens et qui se proclame aujourd’hui intouchable malgré une implication présumée dans le scandale Petrobras.

La corruption ronge chaque jour un peu plus la crédibilité et la vitalité de nos sociétés.

Elle mine le succès de la première démocratie africaine à cause des frasques du président sud-africain Jacob Zuma. Elle empêche une véritable démocratisation de l’Ukraine quand le jeune député Egor Firsov, son plus grand pourfendeur, est sacrifié par ses pairs. Elle va jusqu’à ébranler l’assurance d’un Matteo Renzi lorsqu’elle force une de ses ministres emblématiques à la démission.

Le philosophe Edgar Morin n’hésite pas à comparer deux barbaries auxquelles il appelle à résister conjointement aujourd’hui, celle de Daech et « l’autre barbarie, qui est froide, glacée, […] la barbarie du calcul, du fric et de l’intérêt ». Sans nécessairement adhérer à ce parallèle, on peut espérer que les Panama Papers, par l’ampleur inégalée des fraudes qu’ils révèlent et des pertes que ces dernières représentent pour les budgets des Etats, vont enfin amener les responsables politiques à se donner les moyens de combattre ce fléau. Au risque que leur inaction après ces énièmes révélations relève définitivement de la complicité coupable.

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