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Frappes en Syrie: pas de victimes, une « bonne partie de l’arsenal chimique » du régime « détruite »

Le Vif

La Syrie s’est réveillée samedi au son des bombes: après quelques jours de tergiversations, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont lancé des frappes ciblées contre le régime de Bachar al-Assad, accusé par Donald Trump d’attaques chimiques « monstrueuses ».

Les frappes occidentales ont détruit samedi une « bonne partie de l’arsenal chimique » syrien et d’autres opérations du même type seront menées si le régime de Damas continue à perpétrer des attaques chimiques, a averti le chef de la diplomatie française.

« Les objectifs qui avaient été fixés ont été atteints (…) Une bonne partie de son arsenal chimique a été détruite », a déclaré Jean-Yves Le Drian sur la chaîne BFMTV. Ces frappes visaient aussi à dissuader le président syrien Bachar al-Assad de recourir une nouvelle fois à des armes chimiques contre des civils dans le conflit qui l’oppose aux insurgés, a-t-il dit.

« Sur la question de l’arme chimique, il y a une ligne rouge qu’il ne faut pas franchir et si d’aventure elle était refranchie, il y aurait une autre intervention. Mais je pense que la leçon sera comprise », a affirmé le chef de la diplomatie française. Jean-Le Drian a répété qu’il n’y avait « pas de doute » sur l’emploi d’armes chimiques le 7 avril dans la ville insurgée de Douma et assuré bénéficier de renseignements sur l’implication des forces syriennes dans cette attaque dans laquelle au moins 40 personnes ont été tuées.

« Des preuves fiables »

« Nous avons des renseignements fiables qui montrent que ce sont les forces armées syriennes qui ont managé l’opération », a déclaré le ministre. Interrogé sur le fait que l’ordre ait pu être donné au plus haut niveau de l’armée syrienne, il a répondu : « Tout nous laisse à penser que c’est comme cela que cela s’est passé ». A ce stade, il n’est pas établi que le président syrien lui-même ait pu donner l’ordre, a-t-il toutefois relevé.

Il a précisé par ailleurs que la visite fin mai du président Emmanuel Macron en Russie, alliée de Damas, n’était « pas remise en cause ».

Le président français Emmanuel Macron maintient son déplacement prévu fin mai en Russie indépendamment de ces frappes, qui ont visé un allié de Moscou. « Ce déplacement n’est pas remis en cause. Il faut continuer à parler avec la Russie », a souligné le chef de la diplomatie française. « Il faut que la Russie se rende compte qu’elle a voté des textes au Conseil de sécurité qu’il importe aujourd’hui de faire appliquer et (qu’il est nécessaire, ndlr) de ne pas se laisser embarquer par la barbarie de Bachar al-Assad », a-t-il ajouté en référence aux violations répétées des résolutions sur les cessez-le-feu et l’accès de l’aide humanitaire aux populations civiles. « Je ne suis pas sûr que Bachar entendra tout mais je pense que Vladimir Poutine est en mesure d’entendre » ces messages, a-t-il voulu croire.

Aucune victime

Ces frappes n’ont toutefois fait « aucune victime au sein de la population civile ou de l’armée syrienne », a affirmé l’armée russe, indéfectible allié de la Syrie.

Il était 04H00 à Damas quand le président américain a annoncé ces frappes depuis la Maison Blanche. Au même moment, des détonations résonnaient dans la capitale syrienne, ouvrant un nouvel épisode de tensions diplomatiques et militaires dans la guerre sanglante et complexe qui ravage ce pays depuis sept ans.

Selon une journaliste de l’AFP à Damas, centre du pouvoir de M. Assad, les explosions ont été suivies de bruits d’avions tandis que des colonnes de fumée s’élevaient du nord-est de la capitale.

« J’ai ordonné aux forces armées des Etats-Unis de lancer des frappes de précision sur des cibles associées aux capacités du dictateur syrien Bachar al-Assad en matière d’armes chimiques », a lancé M. Trump. « Une opération combinée est en cours avec la France et le Royaume-Uni », a-t-il ajouté.

Le régime syrien et ses alliés russe et iranien ont aussitôt condamné ces frappes.

Les autorités à Damas ont fustigé une « agression barbare et brutale » et accusé les Occidentaux de chercher à entraver une mission de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), dont une équipe doit entamer samedi à Douma, près de Damas, son enquête sur une attaque chimique présumée menée le 7 avril.

Le président Bachar al-Assad s’est dit samedi plus déterminé que jamais à « lutter contre le terrorisme » en Syrie, après des frappes occidentales menées contre des installations militaires de son régime en représailles à une attaque chimique présumée.

« Cette agression ne fait que renforcer la détermination de la Syrie à continuer de lutter et d’écraser le terrorisme, sur chaque parcelle de territoire », a assuré M. Assad lors d’un entretien téléphonique avec son homologue iranien Hassan Rohani, selon la présidence syrienne.

La Russie, qui a affirmé que la défense antiaérienne syrienne avait intercepté 71 missiles de croisière sur 103, a dénoncé ces frappes « avec la plus grande fermeté » et convoqué une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU.

Par la voix de son ambassadeur aux Etats-Unis Anatoli Antonov, Moscou a aussi estimé que ses mises en garde n’avaient pas été entendues et que ces frappes étaient une « insulte » au président Vladimir Poutine.

En Iran, le guide suprême Ali Khamenei a, lui, qualifié les dirigeants américain, français et britannique de « criminels ».

Forces syriennes dans Douma

Au lever du soleil, après 45 minutes de frappes, des partisans du régime de Bachar al-Assad se sont rassemblés sur l’emblématique place des Omeyyades à Damas, au son de klaxons et de musiques patriotiques, arborant des drapeaux syriens, chantant et dansant à la gloire du président syrien.

Pour eux, les frappes sont en fait le signe de la victoire en marche du régime dans la guerre qui a fait plus de 350.000 morts depuis mars 2011. « L’histoire retiendra que la Syrie a abattu des missiles, mais pas seulement. Elle a abattu l’arrogance américaine », lance fièrement Nedher Hammoud, 48 ans.

A la mi-journée, les médias d’Etat ont annoncé l’entrée de forces de sécurité du régime à Douma, qui était l’ultime bastion rebelle dans la Ghouta, à l’est de Damas.

Les insurgés de Jaich al-Islam avaient accepté dimanche d’évacuer cette ville, au lendemain de l’attaque chimique présumée imputée par les Occidentaux au régime syrien.

Un haut responsable de ce groupe rebelle islamiste a assuré que les raids occidentaux de samedi ne seraient qu’une « farce » tant que Bachar al-Assad resterait au pouvoir.

L’attaque chimique présumée du 7 avril à Douma a fait plus de 40 morts, selon des secouristes sur place. Le régime et l’allié russe ont démenti, dénonçant des « fabrications ».

Avant les frappes, Washington avait toutefois assuré avoir « la preuve » de l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien.

« Justes et légales »

Selon le général Joe Dunford, chef d’état-major américain, trois cibles liées au programme d’armement chimique syrien ont visées: une près de Damas et deux dans la région de Homs (centre).

Il a précisé qu’aucune autre opération militaire visant la Syrie n’était prévue à ce stade.

« Il est clair que le régime Assad n’avait pas reçu le message l’an dernier », a dit le ministre américain de la Défense Jim Mattis, en référence à la frappe américaine d’avril 2017 sur la base militaire d’Al-Chaayrate près de Homs, après une attaque chimique imputée à Damas qui avait fait plus de 80 morts à Khan Cheikhoun (nord-ouest).

« Nous avons été très précis et la réponse était proportionnée, mais, en même temps, ce fut une frappe lourde », a-t-il ajouté, précisant que les forces américaines avaient employé deux fois plus de munitions que l’an dernier.

Londres a annoncé que quatre avions de chasse Tornado GR4 de la Royal Air Force avaient bombardé un « complexe militaire » près de Homs. Des frappes « justes et légales », selon la Première ministre Theresa May.

La France a indiqué avoir frappé avec des frégates multimissions en Méditerranée et des avions de chasse. « Le principal centre de recherche » et « deux centres de production » du « programme clandestin chimique » du régime ont été visés, d’après la ministre française des Armées Florence Parly.

Dans sa déclaration, Donald Trump a mis en garde l’Iran et la Russie, qui ont déployé des milliers d’hommes et du matériel en Syrie pour aider M. Assad face aux rebelles et jihadistes, au sujet de leurs liens avec le pouvoir syrien.

Il a affirmé que la Russie avait « trahi ses promesses » de 2013 sur l’élimination des armes chimiques syriennes.

Après avoir exprimé la crainte d’une « escalade militaire totale », le patron de l’ONU Antonio Guterres a appelé à la retenue « dans ces circonstances dangereuses ».

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