Pointer sa différence ou montrer sa complémentarité, voilà qui peut servir les ambitions de l'ancien ministre français de l'Economie au lendemain de l'affaire Penelope. © J. SAGET/AFP

François Baroin, un défenseur à l’attaque

Le Vif

Alors que François Fillon tente de poursuivre sa campagne dans un climat difficile, l’ancien ministre sarkozyste veut jouer un rôle central à droite. Il avance ses pions en publiant Un chemin français.

Quand on fait de la politique par les temps qui courent, un avocat peut se révéler précieux. Et un avocat sachant faire de la politique, ce n’est pas forcément inutile non plus. Dans la tourmente qui menace d’emporter le candidat officiel de la droite, Me Baroin est ainsi retombé sur ses pattes : l’ex-sarkozyste a eu quelques échanges singuliers avec François Fillon.  » Je ne suis pas avocat !  » souligne l’ancien Premier ministre français en privé, pour justifier les errements de sa stratégie judiciaire depuis qu’a éclaté l’affaire Penelope. François Baroin l’est : rapidement, il a suggéré au candidat de muscler sa défense, d’allumer des contre-feux, de soulever, par exemple, la question de l’incompétence du Parquet national financier (celui-ci a d’ailleurs indiqué le 16 février qu’il ne peut pas classer la procédure sans suite, NDLR), alors que les avocats choisis avaient commencé par fournir à cette instance des documents pour faciliter l’enquête. A François Fillon, François Baroin rapporte aussi ses discussions avec ses confrères, comme Francis Szpiner (il travaille dans son cabinet) ou Eric Dupond-Moretti (qu’il affronta lors de sa première apparition à des assises).

Il n’entend pas limiter son rôle à celui de conseil. Entre les deux François, pas de défiance, pas de confiance absolue non plus : de la prudence. On croit parfois que la politique, c’est simple comme un coup de fil. On a tort. Au soir du second tour de la primaire, Baroin envoie un sms de félicitations au vainqueur. Pas de réponse. Le maire de Troyes n’a pas mené campagne entre les deux tours, se contentant d’informer l’entourage de Fillon qu’il s’investirait le moment venu dans la bataille présidentielle. Le Sarthois dira ne jamais avoir pris connaissance de son sms. En décembre dernier, il recevra bien une longue note sur les collectivités locales de son ancien ministre ; il n’y répondra pas davantage.

C’est à se demander si les deux veulent vraiment se parler. Le 11 janvier, le candidat à la présidentielle est dans les Alpes-Maritimes (sud-est de la France). Dans sa voiture, le président du conseil départemental, Eric Ciotti, l’interroge :  » Pourquoi ne t’appuies-tu pas davantage sur Baroin ? Tu l’exclus, alors que tu privilégies Bruno Le Maire et donnes des tas de responsabilités à ses équipes. Si tu ne veux pas que les sarkozystes te tapent, fais-le monter : tu le connais et il ne te fera pas de coup par-derrière.  » Le soir, Fillon appelle le sénateur de l’Aube (nord-est de la France) et tombe sur sa messagerie.  » J’étais à un dîner « , dira Baroin pour justifier son silence. Puis il avance une explication imparable : il a changé de numéro de portable. Mais c’est bien sûr…

« Fillon a la clé »

u0022L’assassin n’est pas le successeuru0022, selon le théorème de Jean-Pierre Raffarin

Le 24 janvier, Fillon et Baroin déjeunent ensemble. Le premier, qui ne sait pas encore que le ciel va lui tomber sur la tête dans quelques heures, demande au second de parler lors du meeting de lancement de la campagne, le 29 janvier, à Paris.  » Il a été très bon « , constatera-t-il après coup. Puis le scandale éclate. Sur le banc des remplaçants potentiels, le quinquagénaire Baroin se transforme en menace. Nombre de parlementaires pensent à lui pour incarner un plan B. Heureusement, François Fillon a désormais le bon numéro. Le 2 février, il appelle celui qu’il a déjà longuement vu la veille : il veut aller à Troyes, s’afficher avec lui. Histoire de profiter de sa puissance de feu, histoire aussi, surtout, de la neutraliser.

Aujourd’hui, pendant que le candidat bat les estrades avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête – ce qui n’est pas forcément très commode -, François Baroin évite de le soutenir avec un poignard dans le dos.  » L’assassin n’est pas le successeur « , selon le théorème de Jean-Pierre Raffarin. Il se contente donc de se tenir prêt. Prêt à l’épauler jusqu’au bout. Prêt à… Points de suspension pour le candidat en suspens.  » Fillon a la clé, confie-t-il. A lui d’apprécier sa résilience, on voit qu’elle est forte.  » Jusqu’à la décision de la justice, jusqu’au 23 février au moins – quand les élus commenceront à envoyer au Conseil constitutionnel leurs parrainages, qu’ils ne pourront en aucun cas annuler -, le paysage demeurera incertain.

François Fillon ne sortira pas indemne de l’épreuve affrontée.  » Il a l’occasion de faire atterrir son projet sur quelque chose de plus équilibré « , glisse le maire de Troyes. C’est pourquoi il lui montre  » un chemin français « . Cette semaine, Baroin le politique, Baroin l’avocat devient Baroin l’auteur (1). Il pensait présenter un programme de gouvernement qu’il appliquerait une fois que Nicolas Sarkozy serait à l’Elysée et lui à Matignon. Bon, les choses ne se sont pas tout à fait passées comme cela. Il tient néanmoins à dérouler ses idées : sa défense de la laïcité à la française, avec une charte signée par tous les étudiants sur les objectifs fondamentaux de l’enseignement supérieur et sur  » l’esprit d’ouverture et de dialogue  » ; ses propositions pour renforcer le creuset républicain, comme un référendum introduisant un  » service républicain « , un projet de 3 milliards d’euros retoqué par Fillon. Le président de l’Association des maires de France, là encore en opposition avec le candidat, combat la fin stricte de tout cumul des mandats, avec deux chiffres pour étayer sa démonstration : 50 % des Français vivent dans des communes de moins de 10 000 habitants ; 36 %, dans des communes de moins de 2 500 habitants : pour être entendus, ces citoyens ont besoin de relais au Parlement. L’ancien ministre de l’Economie prône une échéance de dix ans pour que l’âge de départ à la retraite ( » la mère de toutes les réformes « ) passe à 65 ans, là où François Fillon reste plus flou en termes de calendrier. Il se garde en revanche de chiffrer la réduction, qu’il veut  » maîtrisée « , du nombre des fonctionnaires, là où le candidat a fait de 500 000 un totem.

Pointer sa différence ou montrer sa complémentarité, voilà qui peut servir.

(1) Un chemin français, par François Baroin, éd. JC Lattès, 150 p.

Par Éric Mandonnet.

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