Des prostituées opposées au texte ont manifesté aux abords de l'Assemblée nationale mercredi 6 avril. © AFP

France : les clients de la prostitution désormais sanctionnés

Stagiaire Le Vif

Après deux ans et demi de longs débats parlementaires, l’Assemblée nationale française a adopté définitivement la loi sur la pénalisation des clients de prostituées. François Hollande s’était engagé lors de sa campagne pour la présidence de 2012 à agir sur ce dossier.

Le chemin fut long, sinueux, compliqué, mais la proposition socialiste renforçant la lutte contre la prostitution a bien été actée le 6 avril dernier par les parlementaires français. Un chemin de croix législatif puisque le premier texte a été examiné pour la première fois en décembre 2013. Il s’agissait ici du 4ème passage de la proposition devant l’Assemblée, qui cette fois a bien abouti.

C’est précisément sur la mesure « phare » de ce texte, celle qui prévoit de pénaliser les clients que le torchon a brûlé entre l’Assemblée et le Sénat. Après un dernier vote, il a été décidé que « l’achat d’actes sexuels » sera sanctionné d’une contravention de 1500 Euros, et jusqu’à 3500 si une récidive est constatée.

Sur quoi porte la loi concrètement ?

Comme déjà évoqué précédemment donc, le point principal de la législation concerne la pénalisation des clients, qui s’inspire de la loi suédoise, appliquée depuis 1999, qui impose, en plus de la contravention, de suivre un stage de sensibilisation aux conditions de la prostitution.

Le texte prévoit également la suppression du délit de racolage passif, initié en 2003 par Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur à l’époque.

De plus, la loi prévoit également de délivrer un titre de séjour d’au moins six mois aux personnes prostituées de nationalité étrangère. Il semblerait que 80 à 90% des prostituées en France soit d’origine étrangère.

Enfin, un parcours d’accompagnement et de sortie de la prostitution est prévu par la loi. Un fonds doit d’ailleurs être créé à cet effet. Il serait également utile à la prévention de la prostitution. Il sera financé par l’Etat à hauteur d’environ 5 millions d’euros par an.

Une bataille longue de plus de deux ans

Si le texte a mis autant de temps à être entériné, c’est parce que le débat a fait rage au sein des deux Assemblées mais aussi au sein de la société.

Les partisans de la pénalisation des clients voient surtout un moyen de dissuader la demande mais aussi de « considérer les prostituées comme des victimes et plus comme des délinquantes ». La mesure a bien évidemment été soutenue par les associations prônant l’abolition de la prostitution.

Ceux qui y étaient opposés estimaient que la pénalisation des clients allait irrémédiablement provoquer beaucoup plus de clandestinité et de précarité. Une crainte soutenue par des associations qui viennent en aide aux prostituées. Certains pensent que cette loi « va rendre plus difficile l’action de la police dans la lutte contre le proxénétisme » et « va exposer davantage les prostituées à la violence de certains clients et aux contaminations au VIH et/ou aux hépatites virales ».

Mais la question que se pose le journal Le Monde, c’est comment la loi va-t-elle être appliquée ? Les mesures d’accompagnement semblent concrètes et plus simples à mettre en place. Mais appliquer la pénalisation des clients pourrait être bien plus compliqué. Comment les policiers vont-ils interpeller les clients ? Ils pourraient devoir prendre la transaction en flagrant délit. Délicat, selon le journal français, car la loi n’a pas prévu d’effectifs supplémentaires. Une autre piste serait de traquer les clients par cybersurveillance, qui permettrait de repérer les paiements par carte bancaire.

Des réactions contrastées

Le Premier ministre, Manuel Valls a annoncé sur son compte Twitter que cette loi est « une avancée majeure pour le respect de la personne humaine, pour le droit des femmes ».

Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et du Droit des femmes, a déclaré après le vote que « la France affirme avec force que l’achat d’actes sexuels est une exploitation du corps et une violence faite aux femmes ».

Mais la mesure a été vivement contestée par des associations de prostituées, qui déclarent que leur activité est volontaire, et s’inquiètent d’une perte de revenus. Une manifestation a d’ailleurs eu lieu mercredi dernier aux abords de l’Assemblée.

La France, 5ème pays européen à pénaliser les clients

On compte environ 30000 à 40000 prostituées en France, selon les estimations officielles. La France devient le 5ème pays européen à pénaliser les clients de la prostitution après la Suède, la Norvège, l’Islande et le Royaume-Uni.

En Belgique, la juridiction est assez floue : se prostituer et acheter des services sexuels ne sont plus des infractions, mais le racolage et le proxénétisme sont interdits. Maisons closes, bar spécialisés et « vitrines » sont toutefois tolérés.

Maxime Defays.

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