Patrick Henry a été condamné à la prison à perpétuité en 1977 pour le meurtre de Philippe Bertrand, âgé de 7 ans. © AFP

France: décès de l’ex-détenu Patrick Henry, symbole du combat contre la peine de mort

Le Vif

Il avait été libéré en septembre après 40 ans passés en prison pour la mort d’un enfant, un crime resté dans toutes les mémoires en France: Patrick Henry, devenu symbole du combat pour l’abolition de la peine capitale, est mort dimanche à 64 ans d’un cancer.

Depuis la suspension de sa peine pour raisons médicales le 15 septembre, celui qui était un des plus vieux et des plus célèbres détenus de France vivait dans le Nord, où son amie Martine Veys, une visiteuse de prison âgée de 67 ans, lui avait trouvé un logement.

« Il est mort dimanche (matin) d’un cancer du poumon », a annoncé à l’AFP cette femme qui le soutenait, avec son conjoint, depuis 1992.

Le jour de sa sortie de prison, l’avocat de Patrick Henry, Hugo Lévy, avait déclaré: « Il a le visage émacié de celui qui voit la mort s’approcher ».

Depuis sa condamnation à la perpétuité en 1977, cet homme né à Troyes (est) le 31 mars 1953 avait vieilli à l’ombre des prisons.

Son crime: le meurtre du petit Philippe Bertrand, 7 ans, enlevé le 31 janvier 1976 à la sortie de l’école de Pont-Sainte-Marie, près de Troyes, contre une demande de rançon.

Le jeune représentant de commerce avait ensuite étranglé le petit garçon, avant de cacher son corps sous le lit d’une chambre d’hôtel. Gardé une première fois à vue puis relâché, il avait expliqué à la presse qu’il faudrait tuer les assassins d’enfants.

Ce crime crapuleux et cynique avait provoqué en France une émotion et une polémique considérables. « La France a peur », lançait le présentateur du journal télévisé Roger Gicquel au soir de la découverte du cadavre de l’enfant, le 17 février 1976.

Plaidoirie historique

Glacial pendant son procès, l’accusé n’avait sauvé sa tête que grâce à la plaidoirie historique de l’avocat Robert Badinter, ardent opposant à la peine de mort.

Ce dernier prend les jurés un par un, et, les yeux dans les yeux, les enjoint de ne pas « couper vivant un homme en deux ».

Me Badinter met son âme dans sa plaidoirie du 20 janvier 1977, car il a un compte à régler avec la guillotine: il n’a pu l’éviter à Roger Bontemps cinq ans plus tôt, alors que son client n’a été que le complice du meurtre d’un surveillant et d’une infirmière de la prison de Clairvaux.

Devenu ministre de la Justice de François Mitterrand, c’est Robert Badinter qui soumettra au Parlement en 1981 la loi abolissant la peine de mort, que les Français soutiennent encore à 62%.

Aux jurés de la cour d’assises qui avaient décidé de l’épargner, le jeune homme blond à grosses lunettes avait lancé: « Vous n’aurez pas à le regretter! ». « Depuis, cette promesse m’a servi de bâton de pèlerin pour parcourir les vingt années suivantes », confiait-il en 1996.

Pourtant, le parcours judicaire de Patrick Henry apparaît comme celui d’une rédemption manquée.

Libéré pour bonne conduite en 2001, l’ex-détenu devenu informaticien est arrêté pour vol à l’étalage l’année suivante. Quelques semaines plus tard, il est ensuite de nouveau interpellé en Espagne, cette fois avec 10 kilos de cannabis. Une affaire qui lui vaut un retour en prison.

Depuis, le détenu avait demandé à plusieurs reprises, sans succès, une libération conditionnelle. En 2011, il avait même entamé une grève de la faim.

Patrick Henry, qui avait abandonné l’école vers 12 ans, a obtenu en prison son bac par correspondance, puis une licence de mathématiques et un diplôme d’informatique. Il se disait convaincu que s’il avait reçu plus tôt une culture générale, il n’aurait pas été un assassin.

Ses codétenus se rappelaient, eux, un homme détesté pour son crime.

Pour son amie Martine Veys, qui évoquait dimanche « la haine véhiculée par son nom », Patrick Henry, depuis sa libération de prison et « malgré la douleur physique et la lourdeur des soins, a eu des moments de bonheur comme jamais il n’en a connu ».

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