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Foule monstre à Moscou pour célébrer la mémoire des « défenseurs de la Patrie »

Calots soviétiques, drapeaux rouges, rubans orange et noirs et uniformes d’époque: le centre de Moscou, noir de monde, s’est transformé samedi en grand-messe à la mémoire des « défenseurs de la Patrie », victorieux de l’Allemagne nazie.

Au petit matin, une foule massive mélangeant Russes, touristes et forces de l’ordre s’est formée sur la place Pouchkine et les abords de la rue Tverskaïa, l’une des rues centrales de Moscou qui mène à la place Rouge. « C’est la première fois que je me déplace pour assister à une parade. Les autres années, je ne me sentais pas vraiment concerné », explique Ilia Pavlovski, un étudiant en droit de 24 ans venu assister aux commémorations avec des camarades d’université. « Je ne suis pas un patriote, mais j’ai été choqué par toutes ces tentatives de nous priver de notre rôle historique dans la Victoire, après tout ce qu’elle nous a coûté! « , lance-t-il.

Dans le métro, les vendeurs à la sauvette ont troqué leurs marchandises habituelles pour des bouquets d’oeillets et des rubans orange et noirs de Saint-Georges, le symbole de la Victoire et du nouveau patriotisme russe prôné par le Kremlin. Hommes d’affaires en sobre costume, familles arborant le « pilotka » – le célèbre calot soviétique – et drapeaux rouges, motards en veste en cuir ou spectateurs en uniforme d’époque, tous ont observé sur écran géant pendant plus de 90 minutes la parade militaire qui se tenait au même moment sur la place Rouge, bouclée pour l’occasion.

Perchée sur les camions de la police, sur les lampadaires ou tentant de se frayer un chemin au sol, la foule compacte a applaudi le discours de Vladimir Poutine et chanté en coeur l’hymne russe. A proximité, Viatcheslav Ostrovski se prend en photo avec sa fille devant un blindé d’époque surmonté d’un large drapeau rouge. « Ça me donne le tournis de penser à tout le sang que nous avons versé pour accrocher ce drapeau sur le Reichstag. Gloire éternelle pour les défenseurs de la Patrie! « , lance le quadragénaire, entièrement vêtu d’un uniforme d’officier de l’époque.

La victoire de 1945, fêtée le 9 mai en Russie en raison du décalage horaire lors de la capitulation allemande, a été élevée au rang de mythe fondateur du patriotisme et de la grandeur russe, unissant la société derrière un devoir de mémoire. « Ça me réchauffe le coeur de voir que notre jeunesse n’a pas oublié. La mémoire est le socle de notre société », se réjouit Svetlana Tatchenkova, 68 ans, qui est venue avec un portrait de son père, libérateur de la Pologne. « Les Européens peuvent bien nous boycotter tant qu’ils veulent, ils ne nous enlèveront pas notre fête », ajoute-t-elle alors qu’un groupe de jeunes défile sous les bannières soviétiques, suscitant des hourras.

A midi, toutes les églises de Moscou ont fait résonner leurs cloches pendant une demi-heure à la mémoire des victimes de la guerre. Au moins 25 millions de soldats et de civils soviétiques ont été tués au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les experts estiment ainsi qu’entre 60 et 70% des Russes ont perdu un membre de leur famille au cours de la « Grande Guerre Patriotique », comme elle est appelée dans le pays, faisant du 9 mai un symbole majeur. « Je n’aime pas l’emphase excessive avec laquelle nous célébrons la Victoire », tempère Sergueï Pavlov à Saint-Pétersbourg, deuxième ville de Russie ou s’est également tenue une parade militaire d’ampleur. « Je suis bien sûr fier de notre victoire et mes deux grands-pères sont morts pendant la guerre, mais nous ne devons pas vivre dans le passé. Tout ça nous rappelle simplement qu’aujourd’hui, nous n’arrivons plus à réaliser grand-chose », poursuit-il.

Après la parade militaire, plus de 160.000 personnes sont attendues dans le centre de Moscou pour un gigantesque cortège où les Moscovites brandiront des portraits de leurs pères ou grands-pères vétérans de guerre.

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