Neil Gorsuch © REUTERS

Fin d’une époque aux Etats-Unis pour la confirmation des juges suprêmes au Sénat

La majorité républicaine du Sénat américain a modifié jeudi de force le règlement de l’institution afin d’imposer la confirmation du juge conservateur Neil Gorsuch à la Cour suprême, ouvrant la voie à de futures nominations plus idéologiques à la plus haute cour du pays.

Les républicains ont abaissé la majorité de facto requise pour approuver un juge à la Cour suprême de trois cinquièmes des sénateurs (60 voix sur 100) à la majorité simple (51), alignant la procédure de confirmation sur celle concernant les juges d’instances inférieures et les responsables de l’exécutif.

Le président Donald Trump avait appelé de ses voeux cette modification afin que Neil Gorsuch, nommé en janvier, soit confirmé coûte que coûte comme neuvième magistrat de la Cour.

L’arrivée de Neil Gorsuch est cruciale pour les républicains, car elle refera basculer la Cour à droite pour des générations, avec cinq juges conservateurs et quatre progressistes, qui sont appelés à trancher les grands débats de société aux Etats-Unis.

« Nous nous dirigeons vers un monde où nous n’aurons plus besoin d’une seule personne de l’autre bord pour confirmer un juge », a regretté le républicain Lindsey Graham, qui a toutefois voté en faveur du changement de règles.

« Les juges seront plus idéologiques, pas moins », a-t-il prédit.

« La règle des 60 voix est le garde-fou de notre démocratie (…) et un garde-fou contre l’extrémisme judiciaire », avait plaidé, en vain, Chuck Schumer, chef de file des démocrates.

Le changement s’est produit lors d’une série de votes de procédure jeudi matin au Sénat, déclenchée face à l’obstruction constatée de la minorité démocrate contre Neil Gorsuch.

Il y a 52 sénateurs républicains et 48 démocrates actuellement. Tous les démocrates ont voté contre le changement de règlement.

Neil Gorsuch sera confirmé à son siège lors d’un vote final vendredi. Il est nommé à vie.

Depuis des années, graduellement, la confirmation des juges américains est devenue plus politisée, les sénateurs de chaque bord usant à répétition de manoeuvres d’obstruction au nom d’une opposition idéologique.

En 1986, le juge défunt que Neil Gorsuch est appelé à remplacer, le très conservateur Antonin Scalia, avait été confirmé à l’unanimité. Ruth Ginsburg, icône progressiste de la Cour, l’avait été par 96 voix contre 3 en 1993.

Mais en 2013, la majorité alors démocrate se heurtait à une obstruction républicaine permanente et, exaspérée, avait abaissé la barre pour les juges fédéraux, en gardant une exception pour la Cour suprême. Les républicains, redevenus entre temps majoritaires, ont décidé jeudi de mettre fin à cette exception.

– Les deux camps fautifs –

Les deux camps sont responsables de cette polarisation croissante, a reconnu le démocrate Chuck Schumer, mais « le parti républicain a été bien plus virulent » dans l’utilisation de tactiques d’obstruction, selon lui.

Chaque camp se pointe du doigt. Les républicains dénoncent une obstruction sans précédent contre un haut magistrat.

Mais les démocrates rappellent que l’homme nommé par Barack Obama en mars 2016 à ce même siège, Merrick Garland, n’a jamais eu sa chance. Ni audition ni vote n’ont été organisés par la majorité, au prétexte que nous étions en pleine année électorale.

Le pari de Mitch McConnell, l’homme fort du Sénat, a payé. Hillary Clinton a perdu l’élection présidentielle et Donald Trump a pu nommer Neil Gorsuch pour ce siège, vacant depuis plus d’un an.

Ce juge de cour d’appel fédérale située dans le Colorado, âgé de 49 ans, est unanimement respecté par le monde conservateur.

Diplômé de Columbia, Harvard et Oxford, ancien clerc de deux magistrats de la Cour suprême, « il est évident qu’il est extrêmement qualifié », a dit le républicain Chuck Grassley.

Les démocrates contestaient moins ses compétences que ses idées selon eux extrêmes et trop favorables au patronat.

« Le juge Gorsuch a démontré, dans ses décisions et ses écrits, qu’il prenait presque instinctivement le parti des entreprises contre les Américains moyens », a affirmé Chuck Schumer.

Pour l’opposition, la guérilla visait aussi à prouver à leurs électeurs leur détermination à combattre Donald Trump par tous les moyens. Accentuant la bataille politique, des campagnes de publicités pro-Gorsuch de millions de dollars ont inondé les écrans de télévision de certaines régions.

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