Film anti-Islam: cinq morts dans de nouvelles violences

Des dizaines de milliers de musulmans ont manifesté vendredi notamment dans le monde arabe pour dénoncer un film réalisé aux Etats-Unis dénigrant l’islam, déclenchant de nouvelles violences faisant cinq morts, notamment en Tunisie et au Soudan.

Ce film, dont des extraits ont été mis sur YouTube et dans lequel les musulmans et le prophète Mahomet sont présentés comme immoraux et brutaux, a enflammé la rue mardi en Egypte et en Libye, avant que les protestations, visant notamment les ambassades américaines, ne s’étendent à d’autres pays.

Dans ce contexte, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, qualifiant le film de « répugnant », a appelé « au calme et à la raison », alors que le pape Benoît XVI, en visite au Liban, demandait aux juifs, musulmans et chrétiens d' »éradiquer » le fondamentalisme. Le président américain Barack Obama a assuré que les Etats-Unis tiendraient bon face aux violences dans le monde musulman. Les pays arabes n’ont « pas troqué la tyrannie d’un dictateur pour celle des foules », a estimé pour sa part la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton en référence au Printemps arabe qui a débouché dans plusieurs pays sur l’arrivée au pouvoir des islamistes, comme en Tunisie ou en Egypte.

Deux morts et 29 blessés à Tunis
A Tunis, deux personnes ont été tuées et 29 autres blessées lors d’affrontements très violents aux abords de l’ambassade américaine. Au moins un millier d’islamistes ont pris d’assaut l’ambassade, pénétrant dans son enceinte, brisant ses vitres. Au moins un drapeau noir et un autre blanc, couleurs de la mouvance salafiste, flottaient sur des mâts de l’ambassade. Les manifestants ont aussi incendié des bâtiments de l’école américaine située à proximité. Le Premier ministre Ahmadi Jebali, un islamiste, s’est dit « profondément préoccupé » par l’attaque et son gouvernement a appelé au calme.

10 000 manifestants à Khartoum
A Khartoum, capitale du Soudan, les gardes postés sur le toit de l’ambassade américaine ont tiré en l’air après que des centaines de manifestants se furent approchés de l’ambassade, une dizaine parvenant à pénétrer dans son enceinte agitant des drapeaux islamistes noirs. Auparavant, les forces de l’ordre avaient tiré des grenades lacrymogènes pour disperser quelque 10.000 manifestants se dirigeant vers l’ambassade aux cris de: « On ne touche pas au Prophète ». Un manifestant a trouvé la mort, écrasé par un véhicule de la police, selon un secouriste. Le corps d’un autre a été découvert près de l’ambassade, sans que les circonstances de sa mort aient été établies. Peu avant, 5.000 manifestants islamistes avaient mis le feu à l’ambassade d’Allemagne.

Un mort et 25 blessés à Tripoli
Au Liban, un manifestant a été tué et 25 autres ont été blessés dans des heurts à Tripoli (nord) entre les forces de sécurité et des centaines d’islamistes qui avaient incendié un fast-food américain, selon un responsable des services de sécurité.

En Syrie, théâtre d’un conflit meurtrier, partisans et opposants du régime ont manifesté, séparément, contre le film.

En Libye, quelques dizaines d’islamistes radicaux ont manifesté à Benghazi aux cris de: « Obama, Obama, nous sommes tous des Oussama », en référence à Oussama ben Laden, l’ex chef d’Al-Qaïda. C’est dans cette ville qu’une attaque mardi contre le consulat américain avait fait quatre morts américains, dont l’ambassadeur. A Sanaa, où quatre personnes ont été tuées jeudi dans des heurts, les policiers ont tiré en l’air et fait usage de canons à eau et de grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants rassemblés à quelque 500 mètres de l’ambassade à Sanaa, brûlant le drapeau américain et réclamant l’expulsion de l’ambassadeur.

En Egypte, où le président Mohamed Morsi a condamné le film tout en dénonçant les violences qu’il a entraînées, les Frères musulmans ont retiré leur appel à manifester à travers tout le pays, mais des manifestants ont continué toute la journée à affronter la police près de l’ambassade. Et dans la péninsule du Sinaï, des Bédouins ont attaqué le camp de la force multinationale au Sinaï, faisant trois blessés.

Des milliers de personnes ont également protesté en Irak, dans la bande de Gaza contrôlée par le Hamas et à Jérusalem-Est occupé et annexé par Israël, ainsi qu’en Iran.

En Asie, quelque 10.000 manifestants ont brûlé à Dacca des drapeaux américains et israéliens, et tenté de s’approcher de l’ambassade des Etats-Unis. « Nous ne tolèrerons pas d’insultes envers notre grand prophète », ont-ils scandé.

Au Pakistan, des manifestations dans plusieurs grandes villes ont notamment demandé la mort du réalisateur du film, et en Indonésie, environ 350 islamistes radicaux ont manifesté à Jakarta contre la « déclaration de guerre » que représente selon eux le film.

Les réactions déclenchées par le film rappellent la colère qu’avait provoquée la publication de caricatures du prophète Mahomet en 2006 par un journal danois.

Un homme affirmant être le producteur du film a déclaré vendredi à la station américaine en arabe Radio Sawa n’avoir aucun regret.

A la question de savoir s’il se sentait coupable des violences anti-américaines déclenchées par le film, l’homme se présentant comme Nakoula Basseley Nakoula, un copte habitant en Californie, a déclaré: « Oui, je me sens coupable. L’Amérique (…) n’a rien à voir » avec ce film.

Clinton avait assuré plus tôt que le gouvernement américain n’avait « absolument rien à voir » avec cette « vidéo écoeurante et condamnable ».

La chancelière allemande Angela Merkel a condamné l’attaque contre l’ambassade allemande à Khartoum, exprimant « sa grande inquiétude » quant aux violences dans le monde arabe.

Les Etats-Unis travaillent avec les pays du Proche-Orient et d’Afrique du Nord pour « renforcer » les mesures de sécurité autour de toutes leurs missions diplomatiques, notamment au Soudan et en Tunisie, a annoncé pour sa part un haut responsable du département d’Etat.

LeVif.be, avec Belga

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