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Etat de Palestine : Mahmoud Abbas a joué son va-tout

Mahmoud Abbas a acculé au refus le président américain le plus pro-arabe qui soit.

Le temps paraît bien loin où Golda Meir, alors Premier ministre d’Israël, pouvait déclarer: « Quand y a-t-il eu un peuple palestinien indépendant avec un Etat palestinien? Rien de tel n’a existé. » (1) Depuis deux décennies, cette vérité historique n’a plus valeur d’argument face à la revendication légitime de ce même peuple. Le 23 septembre 2011, en prononçant un discours hâtivement qualifié d’historique, Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, a franchi un nouveau cran; il a voulu marquer un changement d’ère et un point de non-retour. De fait, en soulevant une vague d’ovations devant l’Assemblée générale de l’ONU, il a réussi à sortir de son isolement et à internationaliser sa cause. A la tribune des peuples, il a non seulement effectué une percée hors du cadre des négociations israélo-palestiniennes, cliniquement mortes depuis septembre 2010, mais il a aussi mis en évidence aux yeux du monde le soutien massif que 126 pays, et non des moindres (Chine, Russie…), ont apporté à la création d’un Etat palestinien.

L’ultime moyen de redorer son blason – plus que terni – à Ramallah

Ce succès médiatique n’est pas pour autant une manoeuvre diplomatique vouée à un grand succès. Sans même chercher à cacher ses calculs politiques, Abbas a joué son va-tout et privilégié l’équation politique intérieure aux chances réelles de parvenir à une reconnaissance plénière de l’Etat palestinien. Lors de son retour parmi les siens, il a été accueilli en triomphe, comme si ce voyage à New York était l’ultime moyen de redorer son blason – plus que terni – à Ramallah. Dont acte ; la joie de tout un peuple qui reprend espoir est une circonstance rare qui doit faire méditer un démocrate. Mais la Palestine n’est pas près de décrocher son siège de 194e Etat membre de l’ONU. S’il a fallu trois jours aux 15 pays membres du Conseil de sécurité pour décider de l’adhésion du 193e Etat, le Soudan du Sud, il faudra plusieurs semaines pour examiner la candidature palestinienne d’adhésion aux Nations unies. Les Etats-Unis, qui ont promis de mettre leur veto si nécessaire, n’auront même pas à le faire si, comme ils l’espèrent, les Palestiniens n’obtiennent pas les 9 voix sur 15 qu’il leur faut au sein du Conseil de sécurité. Faute de ce quorum, l’Autorité palestinienne pourrait alors demander un vote direct de l’Assemblée générale, où une majorité simple suffirait à décrocher le statut d' »Etat observateur non membre ». Pas vraiment une éclatante victoire…

De ce ballet diplomatique, il ressort principalement que le leader palestinien n’a plus rien à perdre ; sans aucune garantie, il brûle ses vaisseaux.

D’une part, il reproduit un schéma éculé. Le 15 novembre 1988, en effet, une déclaration solennelle d’indépendance avait déjà été publiée à Alger. Elle proclamait sans ambages : « Le Conseil national palestinien, au nom de Dieu et au nom du peuple arabe palestinien, proclame l’établissement de l’Etat de Palestine sur notre terre palestinienne, avec pour capitale Jérusalem. » Formule restée incantatoire.

Fallait-il pousser Barack Obama dans ses retranchements ?

D’autre part, Abbas, qui reproche aux Américains de ne pas avoir obtenu de Netanyahu le gel de la colonisation, les défie ouvertement. Ce faisant, il accule le président américain le plus pro-arabe depuis des lustres (ce que continue de penser Netanyahu) à prendre fait et cause pour Israël. Est-ce un bon placement ? Même si Barack Obama se trouve en échec flagrant sur le dossier israélo-arabe, fallait-il le pousser dans ses retranchements ? La réponse n’a pas tardé : « Je suis convaincu qu’il n’existe pas de raccourci vers la fin d’un conflit qui persiste depuis des décennies. La paix ne viendra pas de déclarations et de résolutions à l’ONU », a estimé froidement le président américain. Episode significatif, c’est en bravant les Etats-Unis que Mahmoud Abbas a finalement rencontré le plus de sympathie au sein de son peuple.

(1) Sunday Times, 15 juin 1969

Christian Makarian, L’Express.fr

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