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Et si… on se passait des fuseaux horaires ?

Loïs Denis
Loïs Denis Journaliste

Appréhender le jet lag ou attendre désespérément une heure décente pour appeler quelqu’un à l’autre bout du monde : des tracas du passé ? Avec des « si », on pourrait refaire le monde. Refaisons-le !

Aux Etats-Unis, Steve Hanke et Dick Henry, respectivement professeur d’économie et de physique à l’université John Hopkins, ont mis sur la table une idée déconcertante : abolir les fuseaux horaires et instaurer une heure universelle. Une proposition radicale qui alignerait la planète entière sur la même heure, celle de Londres. Le lever et le coucher du soleil continueraient à rythmer notre quotidien mais à des moments déconcertants au regard de la situation que nous vivons actuellement. Ainsi, certains dîneraient à 7 heures du matin tandis que d’autres se lèveraient à 21 heures.

Ce nouveau système, selon ses défenseurs, faciliterait la communication, les voyages et le commerce dans un monde globalisé.  » La partie délicate de sa mise en oeuvre est l’instauration des heures de travail aux quatre coins de la planète « , concèdent cependant les deux chercheurs. Car même la Chine, qui, en 1949, a décidé d’aligner l’ensemble du pays sur un seul fuseau horaire (au lieu de cinq) pour unir son peuple, n’a pas totalement réussi à instaurer un horaire unique à travers son vaste territoire.  » Il doit y avoir des heures d’ouverture et de fermeture locales et régionales pour les bureaux gouvernementaux et les entreprises. Personne ne veut que la population soit obligée de travailler avant que le soleil ne se lève « , précisent encore Steve Hanke et Dick Henry. Or, l’extrême ouest de la Chine ne voit généralement la nuit prendre fin qu’après 9 heures du matin, tandis que, à 4 000 kilomètres de là, l’aube point avant 5 heures durant l’été.

Reste que vivre à la frontière de deux fuseaux horaires désynchroniserait le rythme circadien (rythme biologique d’environ 24 heures, incluant le cycle de sommeil censé suivre celui du soleil) et augmenterait ainsi les risques d’obésité, de diabète, de cancer du sein ou de maladies cardiovasculaires, selon une étude publiée dans le Journal of Health Economics en 2019. Dès lors, l’heure universelle représenterait une solution face à ces maux.

C’est toutefois sans compter sur la notion chaotique qu’incarne le temps. En Russie, on dénom- bre onze fuseaux horaires, le Népal est fixé à l’heure quart, l’Australie à l’heure et demie, et les aiguilles de l’Espagne sont alignées sur celles de l’Europe centrale alors qu’elles devraient théoriquement suivre celles de Greenwich.

Plus que fantaisistes, les fuseaux horaires deviennent parfois des instruments politiques. A côté de la décision unilatérale du Parti communiste chinois de s’en tenir à l’heure de Pékin, détaillée ci-avant, la Corée du Nord s’est alignée sur celle de la Corée du Sud en 2018, pour témoigner du réchauffement des relations entre les deux Etats. Enfin, après son annexion par la Russie en 2014, la Crimée est passée sous le fuseau horaire de Moscou. Résultat : en hiver, la péninsule a deux heures de décalage avec l’Ukraine voisine. Harmoniser le temps à l’échelle mondiale nécessiterait donc de remettre encore bien des pendules géopolitiques à l’heure.

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