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Espagne : l’heure de Mariano Rajoy

Porté par la victoire écrasante du Parti populaire ce dimanche, Mariano Rajoy va prendre la tête du prochain gouvernement espagnol. L’aboutissement d’une longue carrière juridique et politique. Portrait.

« Je suis président du Partido Popular et vainqueur des élections générales ». Mariano Rajoy n’a pas tardé à mettre à jour le message de présentation de son flux Twitter officiel, dimanche soir. Car la victoire s’est fait attendre sept ans. Sept longues années passées dans l’opposition, à « pédaler, sans s’arrêter, sans jamais mettre pied à terre ». Une description parue dans El Mundo, et que Mariano Rajoy, féru de cyclisme, ne renierait sans doute pas.

Lancé comme « dauphin » de José Maria Aznar, après des années passées à ses côtés, Mariano Rajoy, 56 ans, a buté deux fois sur un obstacle nommé Jose Luis Rodriguez Zapatero en 2004, quelques jours après les attentats de Madrid, puis à nouveau en 2008. Il aura fallu une débâcle économique sans précédent à l’échelle européenne et la convocation d’élections anticipées, en novembre 2011, pour que son heure arrive.

Issu de la bourgeoisie de la haute fonction publique de Galice, élevé chez les jésuites, le nouveau Premier ministre s’y est nourri d’études de droit alors que la jeunesse espagnole goûtait peu à peu à la démocratie, à la fin des années 1970. Encore aujourd’hui, son style reste empreint d’une certaine « sévérité judiciaire »: « vocabulaire ponctué de termes administratifs, hermétisme émotionnel, ton gris », résume El Pais ce lundi.

De la Galice à Madrid « Mariano Rajoy, Espagnol et Galicien ». Voilà comment il se définit lui-même, dans l’ouverture de son autobiographie intitulée En confiance et parue en septembre. Cette précision n’a rien d’accessoire. C’est en Galice, sa terre natale, qu’il commence sa carrière juridique et, rapidement, politique: à 26 ans seulement, il est élu député régional, son premier mandat électif. C’est aussi auprès d’un Galicien qu’il apprend: Manuel Fraga, ancien ministre franquiste qui fonde le nouveau parti de droite une fois la dictature tombée, l’Alliance populaire qui deviendra le PP.

Au milieu de ce « parc jurassique de technocrates du franquisme, il se fait vite remarquer », note El Pais. Pas pour ses frasques, ni ses aspérités, encore moins pour son charisme, il en manque cruellement, ses amis comme ses ennemis politiques s’accordent pour le dire. Non, c’est son sérieux et sa ténacité, déjà, qui marquent chez ce conservateur convaincu. « Plus rapide à l’analyse qu’à l’action, plus pragmatique qu’idéologue », complète El Mundo. Saupoudrez le tout d’une dose d’humour, bien cachée mais très fine selon ses proches, et vous obtenez un homme promis à une carrière nationale.

Dans le sillage d’Aznar
Au fil des années, José Maria Aznar, chef du gouvernement de 1996 à 2004, lui confie plusieurs ministères successifs (dont Administrations Publiques, Education, Intérieur), le porte-parolat et la vice-présidence du gouvernement. Mariano Rajoy se forge une image de médiateur hors pair. Il sert aussi de bouclier au gouvernement, face au déluge de critiques sur l’entrée de l’Espagne dans la guerre en Irak, en 2003. Il tente aussi d’endiguer la crise de la marée noire du Prestige, qui meurtrit sa Galice en 2002, alors qu’Aznar met un mois à venir constater les dégâts.

Surviennent alors les deux défaites cinglantes de 2004 et 2008. On l’a donné pour politiquement mort. « Même la presse conservatrice l’a étrillé. Dans son autobiographie, il se souvient: ‘Ce furent des moments amers, j’ai beaucoup douté. Devais-je rester à la tête du parti ou abandonner la politique?' », lit-on sur le site de la BBC. Il n’a pas abandonné, loin de là. « En décembre 2005, il est sorti d’un crash d’hélicoptère avec seulement un doigt cassé. Et politiquement aussi, c’est un survivant », ajoute le site britannique.

Sa grande faiblesse, l’image d’un homme ennuyeux, s’est muée en une grande force. Gommant peu à peu son image de conservateur pur et dur, Mariano Rajoy se présente comme un dirigeant « prévisible, patriote, indépendant, modéré », contrastant avec « l’inconstance » et la « frivolité » supposées de Zapatero. Se posant en homme d’Etat, il a noué un accord avec les socialistes sur la réduction des déficits et salué l’annonce par l’ETA de la fin de la violence. Lui qui vitupérait aussi contre la libéralisation de l’avortement et le mariage homosexuel, reste flou sur ses intentions en la matière. Marié, deux enfants, il se pose en bon père de famille, capable de rassurer ses électeurs et de tenir la barre alors que « le miracle espagnol » prend l’eau.

« Pas de miracles » La mission de ce fan du Real Madrid: « maintenir l’Espagne en première division de l’Union européenne », selon le Guardian. A l’heure où les « technocrates » Mario Monti et Loukas Papademos prennent les rênes de l’Italie et de la Grèce, il a des atouts évidents: le sérieux, la ténacité et même le « charme discret de l’austérité », glisse Le Figaro. « Ce qui était une grande faiblesse, l’image d’un homme ennuyeux, prévisible, a fini par se muer en une grande force », commente Anton Losada, professeur en sciences politiques à l’université de Saint-Jacques de Compostelle.

Mariano Rajoy dispose désormais de « tout le pouvoir », soulignait aussi le journal économique Cinco Dias, notant que le Parti populaire va « contrôler 74,5% du budget central, des régions autonomes et des municipalités ». ABC résume les 10 défis qu’il doit désormais affronter (chômage, réforme fiscale, comptes publics, fin d’ETA, etc.) Mais, notamment en matière économique, « il n’y aura pas de miracles », lançait Mariano Rajoy dimanche soir. Voilà une promesse bien facile à tenir.

Marie Simon

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