Affiches de campagne, à quelques jours des élections en Espagne © Reuters

Espagne: à la veille des élections, suspens dans un pays en crise

Le Vif

La campagne pour les élections législatives de dimanche en Espagne s’est achevée en plein suspense, le chef du gouvernement conservateur sortant, Mariano Rajoy, tentant de freiner une lame de fond politique qui pourrait coûter cher à son parti et faire de Podemos le nouveau leader de la gauche.

A Barcelone, Murcia, Valence, Madrid: jusqu’à la dernière seconde vendredi soir les chefs des partis en lice – Rajoy pour le PP, Pedro Sanchez pour le PSOE (socialiste), et ceux des deux nouveaux, Podemos (gauche radicale) et Ciudadanos (centre-droit) – ont harangé les foules.

Il leur fallait encourager des électeurs encore très indécis, à moins de 48 heures du scrutin.

« Il y a quatre ans, on connaissait depuis un an le résultat et là, à deux jours du scrutin, un électeur sur quatre n’a rien décidé », constatait en début de journée le vice-président de l’institut de sondages Metroscopia Jose Pablo Ferrandiz.

En 2011, Mariano Rajoy, alors âgé de 56 ans et déjà deux fois candidat, avait infligé à son adversaire Alfredo Perez Rubalcaba la pire défaite électorale du Parti socialiste après trois ans d’une crise qui laissait cinq millions de chômeurs dans son sillage.

Mais en 2015, rien n’est gagné. Le PP, qui avec 45% des suffrages s’était assuré une confortable majorité de 186 sièges sur 350 au Parlement, pourrait ne pas dépasser les 30% et être contraint de gouverner en minorité.

La crise au quotidien

Les socialistes, qui ont 110 sièges, pourraient encore plonger, d’après les derniers sondages. Comme le PP, ils payent cher leur politique d’austérité entre 2009 et 2011 et la corruption, dans un pays mieux informé grâce à internet « où la citoyenneté est plus vigilante et plus exigeante », note la sociologue Belen Barreiro.

« Nous ne pouvons pas accepter cette Espagne noire que certains veulent dépeindre, car c’est un mensonge; ceci est une grande Nation dont nous devons nous sentir fiers », s’est défendu vendredi soir à Valence (est) Mariano Rajoy, lors de son avant-dernier meeting.

« Il serait regrettable de jeter par la fenêtre tous les efforts », avait assuré plus tôt dans la journée le chef du gouvernement, dont la campagne est axée sur la reprise (+3,3% de croissance du PIB en 2015, selon le gouvernement), tangible dans les grandes artères commerçantes de Madrid, bondées avant les fêtes de Noël.

Mariano Rajoy a parcouru 12.000 km, visité 19 provinces, et encaissé sans perdre son calme mercredi un coup de poing au visage de la part d’un jeune de 17 ans. L’homme qui fait campagne sur son « sérieux », cherche les voix des gens de sa génération: les 10,9 millions d’électeurs âgés de plus de soixante ans sur 34,5.

Il restait, vendredi soir, talonné à droite par le parti de centre-droit Ciudadanos d’Albert Rivera, 36 ans, moderne, et le préféré des jeunes cadres pour sa promesse de réformes en profondeur de l’Education et d’un contrat de travail unique, gommant les différences entre contrats définitifs et précaires. « Il ne reste plus que 48 heures pour entamer une nouvelle étape politique en Espagne ! », s’est-il enthousiasmé devant plus d’un millier de partisans rassemblés dans le coeur historique de Madrid.

Selon les derniers sondages, c’est cependant l’autre parti émergent, Podemos, qui pourrait avoir le plus à gagner, dimanche à l’issue d’un vote où il pourrait être deuxième en nombre de voix et prendre la place du PSOE comme grand parti de la gauche.

Donné en perte de vitesse jusqu’à l’automne, le chef de Podemos Pablo Iglesias a modéré son ton, tout en promettant des mesures pour les très nombreux Espagnols qui vivent encore la crise au quotidien — un actif sur cinq est au chômage.

Après l’élection, le « 21, il faudra qu’il y ait des sourires de complicité, au travail, dans la queue pour le chômage dans les bars où l’on déjeune (….) parmi tous ces gens petits, humbles, qui peuvent donner une leçon aux puissants! », a hurlé Pablo Iglesias vendredi soir depuis des milliers de personnes en liesse à Valence. « Il n’est pas exclu que Podemos l’emporte en nombre de voix » sur le PSOE, a estimé M. Ferrandiz.

Pedro Sanchez, le leader du parti socialiste, a en revanche perdu du terrain, notamment après le débat l’ayant opposé à Mariano Rajoy, où il est apparu trop agressif, estime-t-il.

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