Le président turc a vainement joué les médiateurs au plus fort de la crise déchirant les monarchies du Golfe. Ici, en juillet dernier, avec son épouse et l'émir du Qatar. © AFP

Erdogan veut prendre la tête de la contestation musulmane, suite à la déclaration de Trump

Le Vif

Le président turc Recep Tayyip Erdogan tente de s’imposer comme le héraut de la cause palestinienne après la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par les Etats-Unis, profitant de la relative atonie des dirigeants arabes.

Pour « coordonner » l’action des pays musulmans après l’annonce faite mercredi par le président américain Donald Trump, M. Erdogan a invité leurs dirigeants à un sommet de l’Organisation de coopération islamique (OCI) à Istanbul la semaine prochaine.

Si les observateurs sont sceptiques quant à l’impact que pourrait avoir cette réunion extraordinaire de la principale organisation panislamique, elle permettra néanmoins à M. Erdogan de soigner sa popularité dans la région.

L’indignation suscitée dans le monde musulman par la mesure américaine a donné l’occasion au président turc de revêtir l’habit qu’il affectionne de défenseur en chef des Palestiniens. M. Erdogan a multiplié cette semaine les critiques contre l’hôte de la Maison Blanche.

« Ô Trump, que fais-tu ? Quelle est cette approche ? Les responsables politiques doivent oeuvrer pour la réconciliation et non pas pour le chaos ! », a-t-il ainsi lancé jeudi.

Jérusalem est « une ligne rouge pour les musulmans », avait mis en garde M. Erdogan avant l’annonce officielle par M. Trump, estimant que la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël pourrait provoquer la « rupture des relations » entre Ankara et l’Etat hébreu.

Après plusieurs années de crise, la Turquie et Israël ont normalisé l’an dernier leurs relations diplomatiques. Mais M. Erdogan continue de critiquer régulièrement les autorités israéliennes pour leur politique dans les territoires palestiniens.

Porte-étendard

M. Erdogan, qui se présente souvent comme un intermédiaire clé dans la région, a multiplié cette semaine les entretiens téléphoniques consacrés à Jérusalem avec les principaux dirigeants du Proche-Orient, mais aussi avec le pape et le président russe Vladimir Poutine.

« Il s’efforce d’amorcer une réponse internationale », souligne Ziya Meral, du centre d’analyse historique et de recherche sur les conflits de l’armée britannique (CHACR). « Reste à voir ce que peut faire concrètement la Turquie », ajoute-t-il.

Cette « diplomatie du téléphone » précède le sommet de l’OCI qui doit réunir mercredi un aréopage de dirigeants de pays musulmans à Istanbul. Cette organisation a été créée en 1969 et compte 57 membres.

Mais M. Erdogan parviendra-t-il à unifier la position de ces pays, alors que les divisions régionales, notamment entre l’Arabie saoudite et l’Iran, sont vives ?

Depuis plus d’une décennie, « la Turquie s’efforce d’être le porte-étendard des alliances musulmanes, mais avec un succès très limité », indique M. Meral. De plus, souligne l’expert, « l’OCI est une entité fragile avec (…) un faible niveau d’engagement pour les causes communes ».

Pour Soner Cagaptay, chercheur au Washington Institute of Near East Policy, la réaction du président turc est avant tout épidermique.

Recep Tayyip Erdogan « s’élève contre les puissances occidentales lorsque celles-ci prennent des initiatives au Proche-Orient sans d’abord le consulter. C’est le cas avec la décision américaine à Jérusalem », estime-t-il.

S’il est peu probable que M. Erdogan fasse changer d’avis M. Trump, « il est clair que la question de Jérusalem va exacerber le malaise » entre Ankara et Washington, note Bülent Aliriza, du Center for Strategic and International Studies.

Galvaniser son électorat

En attendant d’éventuelles retombées diplomatiques, l’activisme de M. Erdogan lui permet de flatter sa base électorale, attachée à la cause palestinienne et animée par un fort sentiment anti-a méricain. »Vu les sensibilités de son électorat pieux et nationaliste, la réaction vigoureuse du président Erdogan n’est pas étonnante », indique M. Meral.

La décision américaine a suscité en Turquie de nombreuses réactions, notamment sur les réseaux sociaux où le mot-dièse #LaTurquieDeboutPourJérusalem est l’un des plus partagés ces derniers jours.

« On oublie souvent qu’il y a une affinité entre l’AKP (le parti de M. Erdogan) et le Hamas », le mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza, souligne M. Cagaptay.

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté vendredi à Istanbul à l’appel d’une ONG proche du pouvoir, brandissant des drapeaux palestiniens et scandant des slogans hostiles aux Etats-Unis et à Israël. « La Palestine et la mosquée al-Aqsa sont notre coeur et notre sang », a dit à l’AFP l’un des manifestants, Sadik Cakmak. « La Turquie fait ce qui est nécessaire et nous avons entièrement confiance en ceux qui nous dirigent. »

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