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En Italie, les centres d’accueil de migrants au bord de l’implosion

Avec un flux constant d’arrivées de migrants en Italie et la fermeture de facto des frontières, les centres d’accueil de la péninsule débordent, et beaucoup n’ont plus touché un centime de l’Etat depuis des mois.

Depuis le début de l’année, l’Italie a vu arriver 132.000 migrants sur ses côtes — presque tous originaires d’Afrique –, soit un niveau comparable aux deux dernières années (138.000 en 2014, 129.500 en 2015). Et des milliers d’autres sont aussi arrivés par la terre.

Mais alors que les années précédentes une grande partie d’entre eux poursuivaient leur route vers les pays du nord, l’instauration des « hotspots » pour identifier les migrants à leur arrivée et la multiplication des contrôles aux frontières avec la France, la Suisse et l’Autriche bloquent désormais la grande majorité dans la péninsule.

Et le réseau des centres d’accueil n’en finit plus d’enfler: il hébergeait 22.000 personnes fin 2013, 66.000 fin 2014, 103.000 fin 2015 et a franchi cette semaine la barre des 160.000 personnes, auxquelles il faut ajouter plus de 15.000 mineurs non accompagnés.

Le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, doit présenter la semaine prochaine un nouveau plan de répartition de ces centres disséminés dans tout le pays, avec l’objectif d’arriver à une moyenne de 2,5 demandeurs d’asile pour 1.000 habitants, que les communes le veuillent ou non.

Mais pour les centres existants, le problème est ailleurs: l’immense majorité sont gérés par des coopératives ou des associations auxquelles l’Etat s’est engagé à verser en moyenne 25 à 35 euros par jour et par personne pour le gîte, le couvert, l’habillement ou encore le soutien juridique et psychologique. Or, l’Etat a cessé de payer.

Selon la Confcooperative, qui réunit au sein de sa branche « sociale » environ 200 organismes accueillant quelque 35.000 migrants, les retards de paiement sont de 10 mois en moyenne en Sicile (sud), 4 à 6 mois dans le Latium (centre) et 4 mois en Lombardie (nord).

A la Croix-Rouge italienne, qui gère environ 70 structures d’accueil de divers types, « il y a des retards de paiement depuis des mois et des mois. On parle de millions d’euros au total. La situation est très difficile », explique à l’AFP son président, Francesco Rocca.

« Si le retard était une question administrative, on comprendrait. Mais c’est un problème politique, une très grave inattention », dénonce-t-il.

Le budget de l’accueil des migrants, qui a dépassé le milliard d’euros en 2015, n’a été que partiellement reconduit pour cette année. Selon la presse italienne, il manque 600 millions d’euros pour éponger les dettes actuelles et encore 400 millions pour finir l’année.

Dans son bras de fer continuel avec Bruxelles sur la stabilité budgétaire, le chef du gouvernement, Matteo Renzi évoque pourtant souvent les dépenses liées à l’immigration pour réclamer plus de flexibilité.

« Nous avons fait les hotspots, fermé les frontières, l’Europe a une dette énorme envers l’Italie. Nous dépenserons tout ce qu’il faudra pour cela », a-t-il encore répété mardi soir. Interrogés par l’AFP sur les retards de paiements, le ministère des Finances et le bureau de M. Renzi n’ont cependant pas donné suite.

Pourtant, même si ces retards sont un souci chronique au sein de l’administration italienne, la situation devient critique pour nombre de petites structures.

C’est le cas de l’Oasi Don Bosco, dans l’arrière-pays de Catane (sud), un hôtel reconverti au printemps 2015 en centre d’accueil pour 112 personnes.

A la demande de la préfecture, le directeur du centre, Francesco Magnano, a poussé sa capacité en ajoutant des lits dans les chambres, puis a transformé en mai sa structure en centre pour mineurs non accompagnés, toujours plus nombreux parmi les nouveaux arrivants.

Aujourd’hui, il doit gérer l’hébergement et les repas de 160 garçons de 15, 16 et 17 ans, payer ses 27 salariés (éducateurs, enseignants, infirmière, cuisinier, etc.)… sans avoir perçu de fonds publics depuis mars. « Dans quelques mois, nous ne serons plus en mesure de continuer », assure-t-il à l’AFP.

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