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En Grèce, les acteurs de la tragédie

Georges Papandréou, le Pasok, l’opposition, la rue, les lobbies… Voici le casting d’une crise économique et sociale, qui est devenue politique.

Georges Papandréou

Le Premier ministre grec, Georges Papandréou, au pouvoir depuis deux ans, a dans un premier temps impressionné par sa ténacité et son image d’homme intègre. C’est la crise financière qui a forgé la stature de cet héritier malgré lui du système politique populiste incarné par son père Andréas. Né aux Etats-Unis et formé à l’américaine, ce sociologue de formation est marqué par l’expérience de la social-démocratie scandinave. Il a tourné le dos dans les années 1990 à la vieille garde populiste du Pasok, le Parti socialiste grec, pour adhérer au camp moderniste de Costas Simitis, Premier ministre de 1996 à 2004, architecte de l’entrée de la Grèce dans la zone euro. Lors de son passage aux affaires étrangères en 1999, Georges Papandréou s’était fait l’artisan de la détente avec la Turquie. Il maintient de bonnes relations avec Washington, en dépit du virulent antiaméricanisme de ses compatriotes. Il avait, il y a deux ans, promis une « remise en ordre » de l’Etat grec, plombé par le clientélisme et la corruption, mais apparaît aujourd’hui prématurément usé par la crise. Ses revirements sur le référendum en sont la preuve.

Une classe politique décrédibilisée

« La population ne donne aujourd’hui de crédit ni à la droite ni à la gauche, selon le politologue grec Georges Sefertzis interrogé par L’Expansion.com. Quand on prend les deux partis ensemble dans les sondages, ils ne représentent pas plus du tiers de la population, l’extrême gauche pèse 20% et l’extrême-droite 8% », précise-t-il. L’équipe de Georges Papandréou -arrivée au pouvoir à la veille de la crise- qui disposait d’une très courte majorité (154 sur 300 députés) a vu celle-ci se réduire comme une peau de chagrin à mesure que les lois d’austérité se succédaient. Mercredi, elle était officiellement de 152 sur 300 sièges, avec des incertitudes sur les comportements individuels de tel ou tel. Et le Premier ministre a fini par perdre ce jeudi sa majorité pour le vote de confiance prévu vendredi après le lâchage de deux députées de la majorité socialiste. Mais « en cas d’élections demain, aucun parti n’obtiendrait la majorité », prévient Georges Sefertzis.

L’opposition de droite

L’opposition est accusée par la plupart des observateurs de faire de l’obstruction systématique. « Après un an et demi de crise, elle a échoué à comprendre que le pays ne peut se permettre de bouffonnerie politique », accuse l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. « La droite critique le gouvernement pour n’avoir pas assez négocié les conditions du plan de sauvetage. Elle réclame aussi moins d’impôts pour relancer les investissements productifs. Mais c’est impossible à mettre en oeuvre aujourd’hui, étant donnée l’urgence du traitement de la crise », analyse Georges Sefertzis. Même Christine Lagarde, la patronne du FMI, l’encourageait, en juin dernier, à soutenir le gouvernement dans sa tentative d’imposer la rigueur: « Si j’ai un message à faire passer, c’est un appel à l’opposition politique grecque pour qu’elle rejoigne dans une entente nationale le parti qui est actuellement au pouvoir. Il y va vraiment du destin d’un pays. »

Le Pasok

Trois camps coexistent au sein du Pasok: ceux, opposés au référendum, qui menacent de quitter le groupe parlementaire, ceux qui appellent à la création d’un gouvernement d’union nationale pour faire face à la crise, et les fidèles de Papandréou. Parmi les opposants au référendum, deux ténors du gouvernement, les ministres des Finances, Evangélos Vénizélos, et du Développement, Michalis Chryssohoïdis. Dans le camp des rebelles, l’ancienne ministre du travail Louka Katseli, une économiste qui a refusé, fin octobre, de voter le plan d’austérité. Elle mettait en cause une disposition du projet restreignant les négociations salariales collectives. Elle a d’ailleurs été exclue du groupe parlementaire socialiste.

La rue

Depuis le 25 mai, le mouvement des « indignés » grecs, calqué sur celui de Madrid, a réussi à faire descendre des dizaines de milliers de Grecs dans la rue pour protester contre les mesures d’austérité et la politique de réformes menée par le gouvernement. A l’occasion de sa cinquième grève générale de l’année, les 19 et 20 octobre, la Grèce connaissait des manifestations record, parfiois émaillées de violences: transports, écoles, musées et secteur public étaient paralysés, mais aussi commerces, taxis et autres entreprises privées. « Ceux qui reçoivent le troisième plan d’austérité en pleine figure ne voient pas pourquoi ils devraient continuer à être les seuls à payer », raconte notre correspondante à Athènes qui explique comment les plus riches échappent à l’impôt en Grèce.
Les syndicats
Alors que les syndicats ont été par le passé alliés, voire membres du Pasok, ils sont depuis quelques mois en guerre contre le parti du Premier ministre. Ils sont par exemple à la manoeuvre dans l’organisation, récurrente, de l’occupation de ministères, comme le rapportait Le Monde à la veille de la grève générale, mi-octobre. En cause, la rigueur, et en particulier le dernier train de coupes budégatires avec 20 à 30% de baisse des salaires du secteur public, la mise au chômage partiel de 30 000 fonctionnaires d’ici à la fin de l’année et dans le privé, le gel des conventions collectives, qui permet là aussi des baisses de salaires.

Les lobbies

« Institutionnellement, certains citoyens ne payent pas d’impôts de façon légale, notamment les agriculteurs et les armateurs ». Et ces derniers exercent un chantage à la délocalisation, selon notre correspondante, Angélique Kourounis. « De même, Les professions libérales sont largement épargnées par l’impôt, alors que dans leur écrasante majorité elles fraudent de façon notoire », explique-t’elle. En cause, l’incurie des services administratifs et la corruption ambiante.

L’Eglise

L’argent de l’Eglise, l’un des plus importants lobbies en Grèce, est un sujet tabou. « C’est le deuxième propriétaire foncier du pays, selon RFI, mais son patrimoine, reste en grande partie exonéré d’impôt: l’Église orthodoxe ne paie pas de taxe sur ses propriétés dont elle ne tire aucun revenu locatif, à savoir les monastères, les lieux de culte et les fondations religieuses « . Il est impossible de « détailler ses revenus véritables et personne ne connaît l’étendue de ses propriétés, car il n’y a pas de cadastre », précise le professeur de sociologie religieuse à l’université égéenne de Rhodes Polikarpos Karamouzis, dans Le Monde. Pourtant, rares sont les politiques « à partir en guerre contre le statut d’exception réservé à l’Église en Grèce », explique RFI.

Catherine Gouëset

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