Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS français défait au soir du premier tour des législatives : "Le tourbillon était trop puissant". © Laurent Chamussy/Isopix

En France, le tourbillon du dégagisme

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le triomphe annoncé de La République en marche fracture la droite des Républicains et atomise la gauche socialiste. En ne qualifiant aucun candidat PS au second tour, le Nord et le Pas-de-Calais fournissent un cas d’école.

Et dire que les 400 à 450 députés promis à La République en marche au soir du second tour des législatives ce dimanche 18 juin n’offrent qu’un reflet incomplet de la domination d’Emmanuel Macron sur la future Assemblée nationale… A droite, plusieurs des 85 à 125 parlementaires que Les Républicains peuvent espérer faire élire ont d’ores et déjà annoncé qu’ils collaboreraient avec la majorité présidentielle, au risque de provoquer dans leur parti une scission qui pourrait aboutir à la constitution de deux groupes politiques distincts dans l’hémicycle. Au Parti socialiste ou ce qu’il en reste – il pourrait voir sa représentation réduite au dixième de ce qu’elle était dans l’assemblée sortante, soit quelque 30 élus -, plusieurs ténors en position d’être reconduits (l’ancien ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, sa collègue de la Santé Marisol Touraine ou l’ex-Premier ministre Manuel Valls) ne doivent leur salut qu’à la magnanimité du président Macron de ne pas leur avoir mis dans les pattes de candidat de La République en marche.

La suprématie du chef de l’Etat et de son mouvement vieux d’un peu plus d’un an, présentée encore comme une lubie par beaucoup au soir de la présidentielle, est donc en passe de devenir une réalité bien tangible. Emmanuel Macron a réussi à bâtir une force politique nouvelle en un temps record. Et en vampirisant le traditionnel clivage gauche-droite, il a fracturé ses deux plus proches adversaires, la droite et la gauche traditionnelles. Les socialistes se retrouvent même dans une situation de survie existentielle inédite. Les plus virulents, Gérard Filoche, soutien d’Arnaud Montebourg lors de la primaire, et François Lamy, candidat défait dans la 1re circonscription du Nord, ont fustigé ou ironisé sur la responsabilité de François Hollande et de Manuel Valls dans la débâcle. Mais ils semblent vouloir ignorer que c’est le social-libéralisme, en partie défendu par l’ancien président et l’ancien Premier ministre, qui a été plébiscité par l’électeur à travers le succès de La République en marche.

François Lamy, proche de la maire de Lille Martine Aubry, a tweeté :
François Lamy, proche de la maire de Lille Martine Aubry, a tweeté :  » Dans cette soirée de bérézina pour la gauche, un grand merci à François Hollande et à Manuel Valls « .© Sarah Alcalay/isopix

Trois ponctions fatales

La déprime du Parti socialiste est assurément plus ancienne et plus profonde que ne le laisse penser le fiasco du dernier quinquennat, miné tout autant, voire plus, par les atermoiements et les querelles internes que par les options programmatiques. L’évolution du poids du PS dans le nord de la France, frontalier de la Belgique, en fournit une illustration spectaculaire. Dans cette terre de tradition ouvrière et progressiste, aucun candidat socialiste n’a réussi à se qualifier pour le second tour des législatives dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Un séisme. A l’issue du scrutin de 2012 pourtant, le PS avait encore décroché la victoire dans 8 des 21 circonscriptions du Nord et dans 10 des 12 du Pas-de-Calais. Dix-huit élus sont donc passés à la trappe. Ou presque, puisque deux députées PS sortantes, Jacqueline Maquet et Brigitte Bourguignon, candidates dans les 2e et 6e circonscriptions du Pas-de-Calais, ont sauvé leur carrière et se retrouvent en ballottage favorable au second tour en ayant été investie sur les listes de… La République en marche. Cruel constat : c’est un problème d’étiquette plus que de personnalité.

La République en marche est promise à se substituer au PS dans le Nord et le Pas-de-Calais »

Exit le PS, le mouvement d’Emmanuel Macron et le Front national de la candidate locale Marine Le Pen se disputent l’hégémonie sur la région. Dans les 33 circonscriptions des deux départements, le premier, en comptant l’allié MoDem du ministre de la Justice François Bayrou, a placé 28 candidats au second tour, le deuxième 22. Dix-sept confrontations opposeront les deux partis le 18 juin. Par la force du front républicain, qui veut que les candidats de la droite traditionnelle et de la gauche radicale appellent à tout le moins à faire barrage à l’extrême droite, La République en marche est promise à la victoire et, en quelque sorte, à se substituer au Parti socialiste.

Encore quelques mairies

Le PS du nord de la France subira de la sorte une troisième ponction, presque fatale. Le vieux parti de l’ancien Premier ministre Pierre Mauroy aura été vidé de ses forces vives, ces dernières décennies, par le Front national sur les questions sociales et d’identité, par le Front de gauche et La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon sur le flan social et progressiste, par La République en marche, enfin, sur les thèmes du renouvellement et du réalisme économique. Les socialistes ont progressivement perdu leurs bastions avec une impuissance au sursaut qui a de quoi interpeller. Des affaires et des dissensions internes n’ont pas aidé à y remédier. Ils ne disposent plus guère aujourd’hui que de quelques leviers municipalistes pour organiser la résistance. Sur les 11 villes de plus de 40 000 habitants que compte la région, six sont peu ou prou sous leurs commandes : Dunkerque et Villeneuve d’Ascq, sous la houlette des candidats Divers gauche Patrice Vergriete et Gérard Caudron, Boulogne-sur-mer, Douai et Wattrelos, aux mains des socialistes Frédéric Cuvillier, Frédéric Chéreau et Dominique Baert et, bien sûr, l’emblématique métropole de Lille encore dirigée par Martine Aubry. Mais depuis l’accession à la présidence du Conseil régional des Hauts-de-France de l’ancien ministre Les Républicains, Xavier Bertrand, qui s’est affirmé comme le plus solide rempart contre l’extrême droite, ce n’est déjà plus la fille de Jacques Delors qui personnifie les valeurs nordistes de convivialité et de solidarité.

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