En Egypte, les voix se lèvent contre l’excision
Si l’Afrique subsaharienne enregistre les prévalences les plus alarmantes – une dizaine de pays y affichant des taux de mutilation supérieurs à 75% – l’Egypte fait aussi partie des pays les plus affectés. Près de 9 femmes sur 10 y sont aujourd’hui excisées.
Les équipes de l’ONG Plan International [lien : www.planbelgique.be) travaillent depuis des années en Egypte pour mettre fin à cette pratique. A l’occasion de la journée internationale de lutte contre l’excision, elles livrent ici un photo-reportage au coeur du village de Tamouh, où l’ONG soutient des activités de sensibilisation main dans la main avec les victimes.
* Les noms ont été modifiés afin de protéger l’identité des témoins.
Plus de 27 millions de femmes sont aujourd’hui excisées en Egypte. Bien qu’illégale, la pratique affecte 87% des femmes, faisant du pays le 3ème plus touché au monde. Une situation qui serait plus marquée encore si quelques voix courageuses ne menaient pas le combat au coeur des villages.
Noha est bénévole dans le centre communautaire de Tamouh, un village rural du gouvernorat de Gizeh. C’est là qu’elle organise pour les habitants des séances d’information sur l’excision. Patiemment, elle explique à chacun ce que c’est de vivre avec les conséquences terribles d’une excision.
L’ONG Plan International soutient l’organisation de ces sessions dans le centre. « Au début, on avait des soucis car les filles étaient trop timides et ne voulaient pas parler devant les hommes », explique Noha. « Mais petit à petit, la gêne des débuts s’est évanouie. La parole est plus libre. »
Amel, 9 ans, est une battante. Elle a refusé d’être mutilée suite au décès d’une amie, morte d’une hémorragie des suites d’une excision. Amel est aujourd’hui une jeune activiste dans son village. « Je veux rayer cette pratique d’ici. L’excision a trop de conséquences sur toute la société », explique-t-elle.
A Tamouh, il n’y a pas que les filles et les femmes qui se mobilisent contre cette pratique. Comme d’autres dans son village, Ahmed Fathy a lui aussi rejoint le combat pour sensibiliser les hommes. « Je n’ai pas assez d’argent pour organiser moi-même des ateliers ou des sessions d’information », explique-t-il. « Mais je profite de chaque moment propice pour lancer le débat, que ce soit au café, lors des réunions de famille ou sur Facebook, par exemple. »
Depuis plus de 20 ans, le Dr Magdy Helmy Kedees est une voix écoutée et respectée sur la question de l’excision en Egypte. Il a lui aussi organisé des sessions d’information à destination des habitants de Tamouh. Selon lui, quand le travail de plaidoyer a démarré au milieu des années 90, les ONGs et le gouvernement n’ont pas toujours ciblé les bonnes personnes. Il regrette notamment que les hommes et les garçons n’aient pas été impliqués plus tôt.
Bayoumy Mostafa est étudiant en droit et préside le conseil des jeunes de Plan International de Tamouh et Gizeh. Optimiste, il est persuadé que l’excision sera bientôt de l’histoire ancienne dans sa région. « Je pense qu’on peut éradiquer l’excision en dix ans. Mais il faut que les autorités et la société travaillent main dans la main », explique-t-il.
Mariam*, 13 ans, a déjà été « purifiée ». Elle se souvient parfaitement de son excision, qui restera à jamais un traumatisme pour elle. « Je n’étais pas consciente des conséquences que cela allait avoir », explique-t-elle. « Seule ma maman m’avait parlé de l’excision avant. »
Salwa* a décidé de resister à la pression de sa belle-mère. Elle ne fera pas exciser ses trois filles. « J’ai été excisée à 9 ans. Ce fut une expérience horrible », dit-elle. « J’ai beaucoup saigné. La souffrance était atroce. » L’excision a poursuivi Salwa dans sa vie de femme mariée. « Avant mon mariage, j’étais une fille ordinaire. Mais avec mon mari, les relations sexuelles ont tout de suite posé problème. A cause de mon excision, nous n’avions pas les mêmes sensations… » « Mon mari me dit qu’être au lit avec moi, c’est comme partager la couche d’un cadavre. »
A Tamouh, tout le monde n’est pas convaincu des conséquences néfastes de l’excision. Mohamed n’en démord pas : sa fille sera excisée dans quatre ans, quand elle en aura onze. Citant tour à tour la tradition, la religion, l’impératif de propreté et de chasteté, il ne voit aucun inconvénient à cette mutilation. « Il n’y a aucun impact négatif. S’il y a une conséquence, c’est que le docteur a mal fait son travail. », explique-t-il.
Pour les autres filles du village, l’espoir de voir disparaître l’excision est pourtant bien réel. Celles qui ont déjà subi cette pratique en subiront les conséquences toute leur vie. Mais en partageant sans relâche leur expérience et en participant au mouvement de conscientisation des habitants, elles plantent les graines d’une nouvelle génération de filles à Tamouh. Une génération autorisée à faire ses propres choix, et débarrassée de traditions douloureuses.
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