Mohammad Javad Zarif © AFP

En Chine, l’Iran entame son offensive diplomatique

Le Vif

Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, qui a entamé dimanche à Pékin une tournée diplomatique marathon, espère décrocher « un cadre futur clair » pour l’accord nucléaire après le retrait fracassant des Etats-Unis, mais il réclame aux Européens des « garanties » sur la préservation des intérêts de Téhéran.

Après la capitale chinoise, M. Zarif se rendra à Moscou, puis à Bruxelles, où il rencontrera ses homologues français, allemand et britannique : il aura alors fait le tour des cinq puissances qui, outre les Etats-Unis, avaient signé avec l’Iran le texte de 2015.

Le ministre iranien a semblé afficher dimanche un optimisme prudent quant aux possibilités de sauver cet accord historique, qui prévoyait une levée des sanctions visant son pays en contrepartie de l’engagement de la République islamique de ne pas se doter de l’arme nucléaire.

Après la décision du président américain Donald Trump d’en retirer les Etats-Unis et de rétablir les sanctions, « la raison cruciale de ce voyage est d’entamer le dialogue avec les nations qui restent dans l’accord », a souligné M. Zarif en rencontrant son homologue chinois Wang Yi.

« Nous espérons, grâce à cette visite en Chine et dans d’autres pays, être capables d’établir un cadre futur clair pour l’accord », a-t-il insisté, selon une traduction en mandarin.

Pékin, qui avait « regretté » la décision américaine, a simplement assuré dimanche vouloir « maintenir le contact avec toutes les parties ».

« Nous sommes disposés à avoir des discussions stratégiques opportunes avec l’Iran (…) Je suis convaincu que ces visites dans différents pays amélioreront la compréhension qu’ont ces pays, y compris la Chine, de la position iranienne », s’est contenté de dire Wang Yi.

Premier partenaire commercial et économique de l’Iran, la Chine a accordé à ce pays des lignes de crédit et des financement totalisant plusieurs dizaines de milliards de dollars pour d’ambitieux chantiers d’infrastructures, un soutien précieux pour compenser l’impact des sanctions américaines.

‘Toutes les options’

Mais, très circonspect, Mohammad Zarif a averti d’emblée dimanche : « Si l’accord doit perdurer, nos intérêts doivent être assurés. Nous allons voir comment (les pays européens) garantiraient que les intérêts de l’Iran soient assurés », le cas échéant, a-t-il déclaré, selon l’agence de presse iranienne Isna. « Nous sommes prêts pour toutes les options ».

Vendredi, il avait d’ailleurs affirmé que Téhéran se préparait à reprendre « l’enrichissement industriel » d’uranium « sans aucune restriction »… à moins que l’Europe ne fournisse de solides garanties de maintien des relations commerciales avec l’Iran.

M. Trump a rétorqué samedi via Twitter : « Le budget militaire iranien a augmenté de 40% depuis l’accord sur le nucléaire négocié par (son prédécesseur Barak) Obama (…) un autre indicateur (montrant) que tout était un gros mensonge ».

Selon des analystes, Téhéran est déterminé à ne pas perdre la face: « Pour la première fois, l’Iran a la chance de montrer au monde qu’il n’est pas une nation-voyou, qu’il a négocié de bonne foi et respecté ses engagements », estime Karim Emile Bitar, de l’Institut des relations internationales et stratégiques.

Dans le même temps, le gouvernement iranien est confronté à une vive pression politique intérieure, les ultraconservateurs se mobilisant contre ses efforts pour sauver l’accord.

« Cela m’étonnerait que les Européens (offrent des garanties), auquel cas il faudra qu’on choisisse la voie de l’autosuffisance et de l’industrie nucléaire avec nos propres capacités », a martelé dimanche le chef des Gardiens de la révolution, l’armée d’élite iranienne, le général Mohammad Ali Jafari, selon l’agence de presse Fars.

« Malheureusement, certains responsables ont le regard tourné vers l’étranger », a-t-il déploré.

Des progrès évaporés

A Téhéran, des diplomates européens fulminaient après le retrait américain, soulignant que cela pourrait saper des années de travail méticuleux pour rétablir les liens commerciaux et diplomatiques avec la République islamique.

« Depuis la signature (de l’accord), nous sommes passés d’une atmosphère de ruée vers l’or à une crise de dépression », assure une diplomate occidentale sous couvert d’anonymat.

« Si l’UE se montre accommodante avec les Etats-Unis, alors tous les progrès réalisés depuis 2015 seront perdus », ajoute-t-elle.

Comme l’Iran fait face à un chômage et une inflation élevés, beaucoup d’observateurs estiment que les sanctions internationales permettraient au gouvernement de blâmer les étrangers pour ses propres revers et ses mauvaises décisions.

La tournée de M. Zarif est en outre compliquée par l’escalade militaire entre son pays et Israël sur le théâtre de guerre syrien.

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