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Empire romain: 476, fin d’une civilisation ou début d’un nouveau monde ?

Le Vif

476 : chute de l’Empire romain d’Occident. Au-delà de la simple date, les historiens ont examiné l’événement sous toutes ses coutures, s’attachant à le mettre en perspective pour en saisir les causes et comprendre comment une si vaste entreprise humaine avait pu disparaître.

L’intérêt pour les avatars de l’antique cité du Latium remonte au xviiie siècle. En 1734, Montesquieu, aujourd’hui indissociablement lié à deux ouvrages, un essai de philosophie politique, De l’esprit des lois (1748), et une satire de la société française du début du règne de Louis XV, Les Lettres persanes (1721), publie ses Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence. Sans le savoir, il ouvre une voie dans laquelle s’engage à son tour l’historien anglais Edward Gibbon qui livre, une quarantaine d’années plus tard, le premier volume de son History of the Decline and Fall of the Roman Empire (Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain). Cette vaste entreprise, comprenant sept volumes dont le dernier paraît l’année même où éclate la Révolution française, est traduite en français dès 1795, un an après la chute de Robespierre, alors que le nouveau gouvernement en place, le Directoire, peine à assurer sa stabilité. Une mode est lancée que le temps qui passe n’est pas parvenu à chasser, de nombreux historiens tenant à présenter chacun leur propre interprétation de la chute de Rome.

Déjà, Montesquieu dénombrait dix-neuf facteurs de la décadence des Romains… À la fn du xxe siècle, un chercheur allemand, Alexander Demandt, après avoir consulté les différentes thèses, en recensait quelque deux cent dix ! Plus récemment, l’historien français Paul Veyne, avec l’esprit malicieux qui est le sien, déclarait : « Dès qu’on se pose la question générale de la chute des civilisations, on est tenté de donner de vastes réponses, d’invoquer la décadence ou des causes économiques, sociales, religieuses, culturelles, démographiques, écologiques… Or, la chute de l’Empire romain d’Occident […] est un banal accident, comme un pot qui tombe d’une étagère. » Voilà qui n’est pas de nature à clore le débat !

La ville de Pompéi, forissante, fut détruite par l'éruption du Vésuve en 79 après J.-C. Elle comptait alors 12 000 habitants.
La ville de Pompéi, forissante, fut détruite par l’éruption du Vésuve en 79 après J.-C. Elle comptait alors 12 000 habitants.© iStock

Le mythe de la décadence

La chute de Rome a eu lieu et elle aurait pu ne pas se produire. C’est en ce sens qu’elle peut être perçue comme le fruit du hasard. Pendant longtemps, on a considéré que cet événement tragique trouvait sa cause dans la décadence des Romains, dont les moeurs se seraient en quelque sorte ramollies alors que Rome s’était bâtie grâce aux vertus de ses citoyens, au premier rang desquelles fgurent le courage, l’honneur et le sens du devoir. Le thème de la décadence compte même parmi les lieux communs de l’histoire romaine. Sous la République, au début du iie siècle avant notre ère, Caton l’Ancien, héraut des traditions, pousse à la guerre contre Carthage, ravalant du côté de la décadence ceux qui s’y opposeraient et mettraient ainsi Rome en péril de mort. Cicéron, le grand orateur du ier siècle avant notre ère, adversaire de César lorsque celui-ci aspire à la monarchie, dénonce lui aussi le risque de décadence à travers une formule passée à la postérité, « O tempora, o mores », « Ô temps, ô moeurs », évoquant un passé toujours préférable au présent parce que de moeurs plus respectables.

C’est là l’expression qu’un des pirates des aventures d’Astérix et Obélix se plaît à employer chaque fois que son navire a été mis en pièces par les « intrépides Gaulois », renvoyant par ces mots à l’époque où son équipage avait pour seuls adversaires des Romains dépourvus de potion magique… Au xixe siècle encore, la décadence semble constituer l’un de leurs attributs essentiels comme en témoigne le tableau de Thomas Couture, achevé en 1847 et intitulé Les Romains de la décadence. Le peintre, de son propre aveu, n’a nullement cherché à illustrer la fn de l’empire. Il s’est inspiré de deux vers de Juvénal : « Plus cruel que la guerre, le vice s’est abattu sur Rome et venge l’univers vaincu. » Pourtant le poète, qui a vécu sous les règnes de Trajan et d’Hadrien, a connu un empire au faîte de sa puissance. Il est vrai que cette toile, aujourd’hui conservée au musée d’Orsay, visait autant la société impériale du début du iie siècle de notre ère que la société française de la fn de la monarchie de Juillet où des membres du gouvernement de Louis-Philippe sont mêlés à divers scandales. Les critiques de l’époque ne s’y sont pas trompées, qui ont vu dans les Romains de Couture « les Français de la décadence ».

Reste que l’image d’une société dépravée qui aurait dû son renouveau à l’affux des Barbares a eu la vie dure. Il faut dire que les arguments ne manquaient pas, à commencer par ce goût pour les jeux du cirque sur lesquels les auteurs chrétiens, une fois l’empereur converti à la foi de Jésus, ont jeté l’anathème. Cependant, si la licence des moeurs, la corruption des fonctionnaires et l’attrait populaire pour le cirque et le jeu avaient été la cause de la chute de Rome, l’empire aurait dû disparaître depuis longtemps. Contrairement aux idées reçues, l’ordre et la morale sont davantage encouragés pendant l’Antiquité tardive. Ainsi, la législation impériale instaure des règles plus strictes dans ce domaine : le sort des esclaves est adouci, l’exposition et la vente des enfants sont interdites, l’adultère est plus sévèrement réprimé, comme le rapt et toute transgression de la loi morale et religieuse. En somme, parler de la décadence des Romains relève d’un jugement de valeur qui, de plus, n’est pas historiquement fondé. Contrairement à ce que beaucoup pensent, c’est pendant tout un millénaire, jusqu’au vie siècle de notre ère, que des peuples germaniques se déplacent, à plusieurs reprises, de l’Europe de Nord vers le Danube et le Rhin, puis vers les Balkans, l’Italie ou la Gaule. De même, de 300 à 100 avant notre ère, des Celtes installés en Europe centrale migrent vers les Balkans, l’Italie et la Grande-Bretagne tandis que Rome s’étend vers l’Italie du Nord, la Gaule, la péninsule Ibérique, les Balkans, le Danube, l’Asie, le Moyen-Orient et la rive sud de la Méditerranée. L’Empire romain naîtra en 27 av. J.-C. !

Conquête du monde

En 390 av. J.-C., des Celtes, avec à leur tête un certain Brennus, s’aventurent en Italie du Nord. Après avoir vaincu les Étrusques, ils se retrouvent face aux Romains. Une nouvelle victoire leur ouvre les portes de Rome. Même si Brennus et ses guerriers ne parviennent pas à faire main basse sur toute la ville (le Capitole, une colline sacrée, et ses trésors leur échappent grâce à la vigilance d’oies, elles aussi sacrées et, surtout, éveillées et caquetant à plaisir quand le soldat s’assoupit…), ils y pillent et rançonnent à loisir et à foison. La postérité, notamment dans la France du xixe siècle, s’est plu à faire de ces Celtes des Gaulois, les élevant au rang de grands ancêtres, détrônant ainsi les Francs dont descendaient le roi et sa noblesse, tout au moins jusqu’à la Révolution.

L'aqueduc de Ségovie, dû au génie des ingénieurs romains, est un des monuments antiques les mieux préservés d'Espagne. Ses 166 arcs comportent la bagatelle de 20 000 blocs de granite.
L’aqueduc de Ségovie, dû au génie des ingénieurs romains, est un des monuments antiques les mieux préservés d’Espagne. Ses 166 arcs comportent la bagatelle de 20 000 blocs de granite.© Milosk50/Shutterstock

Au-delà du traumatisme, le sac de 390 avant notre ère est devenu un lieu de mémoire de l’histoire des Romains. Il alimente la « metus gallicus », la peur des Gaulois. Ainsi, Rome n’a découvert les Barbares ni au iiie siècle de notre ère, ni au ive ou au ve, mais bien avant. Reprenant à leur compte la distinction opérée par les Grecs, les Romains dénomment ainsi ceux qui ne sont ni romains, ni grecs. Parallèlement à sa conquête du monde, Rome révèle sa capacité à intégrer les populations des territoires qu’elle annexe. Dans un discours prononcé en 48, l’empereur Claude prône l’entrée des Gaulois au Sénat, esquissant ainsi une véritable théorie de l’intégration impériale. Bientôt, les Romains tendent à considérer que la quasi totalité des peuples assujettis à l’empire ne sont plus des Barbares. Ce que confrme l’édit promulgué en 212 par l’empereur Caracalla, généralisant la citoyenneté romaine à tous les habitants de l’empire. Au ier siècle, les peuples germaniques sont démographiquement peu importants, économiquement pauvres et socialement peu diversifés. Par la suite, ils s’organisent, se développent et s’accroissent. Après 300, émergent des élites dirigeantes et des lignées héréditaires de chefs, disposant d’une armée et avides d’accumuler les butins. Cette nouvelle donne se traduit par des tensions croissantes entre Rome et les peuples installés de l’autre côté du limes, la frontière fortifiée de l’empire. Après 230, la puissance de Rome est contestée en plusieurs points, sur le Rhin, le Danube et en Orient. Partant du Rhin supérieur, les Alamans passent à plusieurs reprises à l’attaque, d’abord en Germanie puis en Gaule et en Italie du Nord. Partant du Rhin inférieur, les Francs s’en prennent également à la Gaule. Du règne d’Auguste (27 av. J.-C.- 14 ap. J.-C.) à celui d’Honorius (395- 423), Rome installe des Barbares dans l’empire. À une époque où la maind’oeuvre est rare, l’administration saisit l’occasion de se procurer à bon compte des bras pour cultiver la terre et nourrir la population, ou tenir des armes et défendre les frontières. Accueillis, soit à l’issue d’un accord soit de force après une bataille perdue, ces peuples demeurent le plus souvent fdèles à l’empire, notamment parce qu’ils y vivent mieux. Les sociétés germaniques sont plus militarisées que la société romaine devenue, au fil du temps, plus civile. Aussi, au ive siècle, on compte de nombreux Barbares dans l’armée. Il s’agit d’abord de Francs, d’Alamans et de Goths. Certains accomplissent de brillantes carrières que vient parfois couronner la charge de consul, plus haute magistrature après l’empereur.

Pression militaire

À l’aube du ve siècle, le pouvoir impérial est soumis à la pression des chefs militaires qui sont loin de former un ensemble homogène guidé par le service de la chose publique. Si la plupart des généraux romains sont loyalistes et visent le poste de chef des armées, certains usurpateurs briguent la pourpre impériale. Les généraux barbares loyalistes espèrent, quant à eux, occuper le poste de général en chef. L’un deux, Stilichon, l’obtient à la mort de Théodose Ier, en 395. Le défunt lui a confé la garde de son fls, Honorius, jeune empereur qui règne sur la partie occidentale de l’empire. Stilichon épouse Serena, nièce de l’empereur Théodose tandis qu’Honorius épouse la flle du général. Mais il sait que tout espoir de monter sur le trône lui est interdit. Si l’armée le reconnaîtrait bien volontiers à l’occasion d’une victoire, l’administration civile, elle, lui dénierait tout légitimité. Un Barbare a le droit d’être le plus puissant à Rome mais n’est pas autorisé à occuper la première place. Le destin de Stilichon illustre les limites du phénomène de la « romanisation » des Barbares, qui restent des suspects en puissance. Convaincu par une partie de son entourage que le général cherche à se débarrasser de lui, l’empe reur Honorius ordonne son exécution. À l’annonce du meurtre de Stilichon, les familles de militaires germaniques servant dans l’armée romaines furent massacrées.

« Barbarisation » des élites

Pourtant, entre le iiie et le ive siècle, un changement s’est produit dans la classe dirigeante avec la « barbarisation » des élites, puisque celles-ci comptent dans leurs rangs, à des postes importants et prestigieux, des Barbares. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la continuité est, tout bien pesé, beaucoup plus forte entre le ve et le vie siècle, période où le personnel dirigeant reste relativement stable. Ainsi, dans la famille de Clovis, qui règne de 481 à 511, on trouve des généraux romains jusqu’en 476, puis ensuite des rois francs. Les Goths, Alains, Vandales, Suèves et Burgondes qui pénètrent dans l’empire entre 376 et 411, suivis, plus tard par les Francs et les Alamans, arrivent d’abord pour échapper à la poussée des Huns. Fuyant un ennemi menaçant, ils ne cherchent nullement à détruire l’empire. Ils espèrent y trouver refuge et protection. C’est le cas des Goths en 376 lorsqu’ils franchissent le Danube. Leur chef obtient des vivres de la part de l’empereur Valens tandis qu’il s’engage à fournir des soldats. Mais des offciers romains peu scrupuleux détournent à leur profit une partie des vivres, ce qui provoque la colère des Goths et, bientôt, leur révolte. Sourd à leur demande de négociations, Valens préfère régler le différend en livrant bataille

L’affrontement des deux armées se déroule en Thrace, à Andrinople, en 378. La bataille tourne au carnage. Sûrs de leur victoire, les Romains sont pourtant battus, sans appel, Valens trouvant la mort au cours des combats. Théodose prend le pouvoir en 379 ; en s’appuyant sur les Goths avec lesquels il a conclu un traité, il parvient à rétablir l’unité de l’empire, qui, selon sa volonté, est divisé en deux parties – Occident et Orient – à sa mort en 395.

Mortelle séparation

Du point de vue politique, l’effondrement de l’Occident est la conséquence de cette séparation. Tant que l’empire reste uni, il est à même de faire face aux assaillants sur une de ses frontières en mobilisant toutes ses ressources. Mais, après la séparation, il n’y a plus qu’un demi-empire pour faire face aux Barbares. Celle-ci, de plus, se produit au plus mauvais moment, peu avant que se ruent vers l’Occident des hordes venues d’un peu partout. Vandales, Alains, Suèves, Goths et Burgondes. Rome, qui avait résisté aux Barbares au iiie siècle, ne peut plus le faire au ive, ses forces étant réduites de moitié : il ne fut plus jamais possible de soumettre réellement ou d’expulser les peuplades entrées en Occident entre 406 et 412. Alaric et ses Goths, qui ont déjà entrepris le siège de Rome à deux reprises, prennent la ville en 410. Trois jours durant, ils se livrent au pillage. La réaction des contemporains est à la mesure du symbole qu’incarne Rome, celui d’une civilisation brillante qui a dominé le monde. Saint Jérôme, dans une de ses lettres, se fait l’écho du traumatisme ressenti : « Il nous vient d’Occident une rumeur effrayante. Rome est investie ; les citoyens rachètent leur vie à prix d’or ; mais sitôt dépouillés, ils sont encerclés de nouveau ; après avoir perdu leurs biens, il leur faut encore perdre la vie. Ma voix s’étrangle et des sanglots m’interrompent pendant que je dicte ces mots. Elle est conquise, cette ville qui a conquis l’univers ; que dis-je ? Elle meurt de faim avant de périr par l’épée ; à peine y reste-t-il quelques hommes à mener en captivité. » Rutilius, poète et préfet de Rome, certes païen et donc ne portant pas sur l’événement le même regard que Jérôme, s’exclame : « Relève les lauriers qui couronnent ton chef sacré, Rome, sous un verdoyant feuillage […]. Ce qui ne peut être submergé remonte d’un élan accru à la surface ; du fond de l’abîme il monte pour aller plus haut […]. » Se souvenant que Rome avait déjà été outragée sans être pour autant abattue, il en appelle aux forces de l’avenir. Celles-ci allaient-elles tenir leurs promesses ? Pour l’heure, la chute de Rome n’est pas contenue dans le siège de 410.

En dépit de ses diffcultés économiques et fnancières, Rome n’est pas encore exsangue. Déferlant sur la Gaule, les Vandales, quant à eux, franchissent les Pyrénées. En 429, ils traversent le détroit de Gibraltar pour aborder les côtes de l’Afrique dont ils entreprennent la conquête. Dix ans plus tard, ils s’emparent de Carthage. L’événement est d’une portée considérable. Les Vandales contrôlent désormais la province la plus riche de l’empire d’Occident, celle qui lui assure de confortables rentrées fscales. Privée de cette ressource, Rome n’est désormais plus en mesure d’organiser une défense sur plusieurs fronts. C’est dans ce contexte qu’en 455, Genséric et ses Vandales quittent Carthage pour l’Italie. Rome est à nouveau pillée. Pour Genséric, l’idée impériale est une monnaie qui n’a manifestement plus cours en Occident. Une vingtaine d’années plus tard, Odoacre porte le coup de grâce. En Occident, l’empire est tiraillé entre Nepos Niger envoyé par l’empereur Zénon qui règne à Constantinople et Romulus Augustule, placé sur le trône en 475 par son père, Oreste, un chef militaire. Odoacre et ses troupes qu’Oreste a négligés de solder se rebellent. Oreste vaincu, Odoacre se rend à Ravenne où s’est retiré Romulus Augustule. Le jeune empereur lui remet les insignes impériaux qu’Odoacre envoie à Constantinople. L’empire d’Occident a vécu. Pour autant, la culture romaine n’a pas totalement disparu.

Le mur d'Hadrien, construit entre 122 et 127, représente la frontière entre l'Ecosse et l'Angleterre. Destiné à protéger l'empire des incursions des Calédoniens, il est abandonné au 4e siècle.
Le mur d’Hadrien, construit entre 122 et 127, représente la frontière entre l’Ecosse et l’Angleterre. Destiné à protéger l’empire des incursions des Calédoniens, il est abandonné au 4e siècle.© iStock

« Autorité symbolique »

L’empire se maintient à Constantinople qui devient le centre du pouvoir. Certains rois, tels ceux des Francs, des Wisigoths et des Burgondes, reconnaissent l’autorité, du moins symbolique, de l’empereur de Constantinople qui, en retour, leur décerne des titres honorifiques venant conforter et légitimer leur pouvoir. Mais plus que l’idée impériale, c’est le christianisme qui apparaît comme le ciment des territoires issus de la partie occidentale de l’empire. De fait, bien avant la constitution de royaumes, la christianisation a participé de l’intégration des Barbares dans le monde romain. Encore que celle-ci ne se soit pas opérée en suivant les voies de la plus parfaite orthodoxie. En ces temps de précision, d’approfondissement et de défnition du contenu de la foi chrétienne, les divergences apparaissent et s’affrment, donnant naissance à des hérésies. Ainsi, les Goths, avant même leur subdivision entre Wisigoths et Ostrogoths, se sont convertis, au ive siècle, à l’arianisme, doctrine niant la divinité du Christ, tenue pour hérétique par les catholiques. Au siècle suivant, les Burgondes embrassent, à leur, l’arianisme.

L’Occident, premier touché

Avant la fn du vie siècle et l’instauration de l’unité du christianisme dans la partie occidentale de l’empire, la religion peut encore apparaître comme un facteur de division au sein du nouveau monde en marche. La christianisation n’est, du reste, pas la romanisation : la civilisation romaine se caractérise, entre autres, par la place de la cité en tant que forme d’orga nisation sociale. Les citoyens participent de la vie urbaine et pas seulement en se pressant dans les cirques pour assister à des combats de gladiateurs. Le culte rendu aux dieux du panthéon, parmi lequel trône à partir du ier siècle l’empereur, fait partie des activités civiques.

L’empire devenu chrétien, c’est tout un pan de la culture romaine qui est peu à peu voué aux gémonies. L’émergence des royaumes barbares perturbe les échanges commerciaux au sein du monde romain. Les pôles dynamiques que constituaient les cités s’étiolent. Les notables locaux, dont la générosité irriguait la vie urbaine n’ont plus les moyens de leurs ambitions. C’est tout un monde qui se rétracte. La fin de la civilisation romaine, entendue comme organisée autour de la vie urbaine, a lieu à des dates différentes selon les régions.

L’Occident a précédé l’Orient dans ce processus. Le nord de la Gaule a été touché en premier, dès le ve siècle, tandis que l’Italie et l’Afrique ne sont atteintes qu’un siècle plus tard. À partir du milieu du vie siècle, l’Orient connaît une évolution similaire. Par ailleurs, au tournant des vie et viie siècles, la religion catholique l’emporte dans l’ancienne partie occidentale de l’empire. Au-delà, si l’on tient compte de ses courants, le christianisme a dépassé les limites de l’ancien empire. Certains historiens parlent alors d’un « Commonwealth chrétien antique ». De ce point de vue, un monde nouveau voit le jour qui façonne sa propre culture sur les débris du monde d’hier. À bien des égards, le viie siècle apparaît beaucoup plus « barbare » que l’époque des grandes invasions. À partir de ce moment, la culture classique est remplacée par une culture chrétienne bien plus routinière. On ne lit plus que les Pères de l’Église. Les grands auteurs ne sont plus Virgile ou Horace, mais saint Augustin ou saint Jérôme. Il n’en demeure pas moins que si quelque chose a sauvé la romanité, c’est bien le christianisme et que, de toutes les infuences qui ont enrichi la civilisation européenne, les racines romaines sont, encore aujourd’hui, certainement les plus visibles.

Par Guillaume Picon.

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