Bain de foule d'Emmanuel Macron au Touquet : une rentrée compliquée force le président français à redescendre sur terre. © Sarah Alcalay/ISOPIX

Emmanuel Macron ou la rentrée d’un président normal

Le Vif

Et si le nouveau chef d’Etat sombrait dans les travers de son prédécesseur ? L’exécutif français doit corriger la mauvaise impression de l’été.

Il échappe aux errements des présidents débutants et, pourtant, il chute… Le 23 juillet dernier, la cote de popularité d’Emmanuel Macron perd 10 points dans le baromètre de l’Ifop pour Le Journal du dimanche (JDD). Le regard des Français sur ses cent jours est encore plus sévère : 36 % de satisfaits seulement, bien moins que François Hollande (46 %) pour la même période de 2012 (sondage Ifop – Le Figaro du 11 août).

Il y a de la banalisation dans l’air. Comme si, après avoir déjoué les lois d’airain de la politique, Emmanuel Macron retombait dans les ornières de ce monde rassis qu’il a tant critiqué. Les comptes dérapent, il faut les redresser ; les néodéputés pataugent, il faut les éduquer ; les Français s’inquiètent, il faut leur expliquer.

La rentrée, souvent douloureuse pour un nouveau pouvoir, prend les allures d’un moment historique en ce cru 2017. La promesse de  » révolution  » – le titre du livre-programme du candidat – était si forte ! Le macronisme a-t-il suffisamment de ressort pour retrouver son inspiration originelle ? Il est trop tôt pour répondre à cette question, mais elle se pose.

L’éblouissement des débuts – ce jeune président qui impressionne la planète – fait oublier une évidence : le lien qui unit Emmanuel Macron aux Français relève de la raison plus que de la passion. Arnaud Leroy, membre de la direction collégiale d’En marche !, proche historique du président, constate :  » Après le second tour de la présidentielle, on a poussé un ouf de soulagement, mais il ne faut pas oublier qu’au premier tour, Emmanuel Macron recueille 24,01 % des voix.  » C’est moins que François Hollande en 2012 (28,63 %) et bien moins que Nicolas Sarkozy en 2007 (31,18 %).

Au second tour, Macron (66,10 % des suffrages) est une réponse au pire – le Front national – plus qu’un choix de coeur. Un quart des électeurs (25,44 %) n’a même pas pris la peine de se déplacer. Et qui a lu les 30 pages de son programme ? Qui soutient les réformes d’inspiration libérale, droit du travail, protection sociale, Etat, qu’il propose ?

Ce qui est dit est fait

On peut ne pas aimer les réformes de Macron, on ne peut pas lui reprocher de ne pas les faire. Le 9 avril, il accorde une interview au Journal du dimanche et détaille le programme de ses cent jours. A une exception près (le projet de loi sur le droit à l’erreur est repoussé), ce qui a été dit est fait, ou en passe de l’être.

 » Les deux textes les plus importants votés cet été représentent la première étape de transformations plus vastes, analyse Gilles Le Gendre, député LRM de Paris, vice-président du groupe à l’Assemblée nationale. La loi sur la confiance dans la vie publique sera suivie par la réforme institutionnelle et par celle du fonctionnement de l’Assemblée nationale ; les ordonnances sur le droit du travail ouvrent une importante séquence économique et sociale, avec notamment les réformes de l’assurance-chômage, de la formation professionnelle et des retraites, et d’importantes baisses de charges et d’impôts. En six mois, l’environnement des entreprises, en particulier celui des plus petites d’entre elles, se sera amélioré.  »

Pourtant, l’été semble avoir gommé la clarté de ce dessein et réveillé les craintes de ceux qui ne le partagent pas. Les hésitations et les décisions de juillet, l’absence de parole présidentielle, avant une rectification annnoncée, répandent le doute. Le 29 juin, la Cour des comptes délivre un grand classique : l’audit des comptes publics laissés par le précédent gouvernement. Les déficits risquent de s’élever à 3,2 % du PIB en 2017, loin des 2,8 % promis par l’équipe Hollande. Quatre dixièmes de point d’écart, soit 8 milliards d’euros.

Faut-il considérer ces quatre dixièmes comme un dépassement négligeable ? Pour l’Elysée, la question ne se pose pas. Le respect des 3 % est un engagement fort de la campagne de Macron et la clé de voûte de sa politique européenne : pour mener sa réforme de la zone euro, le président de la République française a besoin de prouver sa crédibilité à l’Allemagne. Et le voisin d’outre-Rhin attache beaucoup d’importance à ces règles budgétaires que la France bafoue depuis la création de l’euro. La décision de parvenir aux 3 % en 2017 est prise naturellement, elle ne souffre pas de discussion. Le débat existe, mais à l’extérieur du pouvoir, chez certains économistes.  » Macron n’a même pas essayé de négocier un dépassement temporaire des 3 % avec les Allemands, regrette l’un d’entre eux. Il aurait pu leur dire : je fais la réforme du marché du travail, je fais des réformes pro- business tout de suite, et je supporte des dépenses militaires qui vous profitent.  »

Le 11 juillet dernier, le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin annonce 4,5 milliards d'euros d'économies.
Le 11 juillet dernier, le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin annonce 4,5 milliards d’euros d’économies.© J. demarthon

Comme il n’est pas question d’augmenter les impôts, il faut réduire les dépenses de 4,5 milliards d’euros. Menées en plein milieu de l’année, ces coupes apparaissent comme brutales.

Un second malaise naît du calendrier des baisses d’impôts. Le 4 juillet, dans son discours de politique générale, Edouard Philippe laisse penser que les mesures promises aux plus modestes (suppression de la taxe d’habitation) comme aux plus aisés et aux entreprises (forte réduction de l’ISF, allégement de la fiscalité du capital) sont reportées. Les protestations sont immédiates, fortes. Emmanuel Macron corrige le tir, vite. Le 9 juillet, il fait annoncer que les réductions commenceront bien dès le 1er janvier 2018. Mais le pouvoir a donné le sentiment que sa main tremblait. Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il laissé passer le discours de son Premier ministre, alors qu’il l’a relu avant ? Mystère… Ces deux événements nourrissent un sentiment de déjà-vu. Le fantôme de François Hollande n’est pas loin.

Les travaux d’Hercule passent par de profondes réformes pour l’Etat, la protection sociale, les collectivités locales. Soit 80 milliards d’euros d’économies sur l’ensemble du quinquennat. Emmanuel Macron tient à solenniser cet engagement sur cinq ans.  » Nous devons montrer une photo d’ensemble, nous ne l’avons pas fait suffisamment, nous devons expliquer qu’il y a des domaines où nous dépensons beaucoup plus que nos voisins avec moins de résultats « , développe Stanislas Guerini, député La République en marche de Paris. Il n’empêche, l’été a donné le sentiment d’une politique douce aux riches et dure aux pauvres. Dans l’immédiat, le pouvoir compte sur ses mesures en faveur du pouvoir d’achat pour corriger le tir (augmentation de la prime d’activité, baisse de la taxe d’habitation, etc.), mais il doit convaincre, au-delà de ces mesures classiques, que le sort des plus modestes va vraiment changer.

La réforme du marché du travail, elle aussi, met l’exécutif à l’épreuve. Jusqu’à présent, les deux syndicats CFDT et Force ouvrière sont apparus relativement bienveillants, et seules la CGT et SUD préparent une mobilisation, pour le 12 septembre. Un calme annonciateur d’une tempête ou le présage d’une neutralité consentante ?

Un chef d’entreprise allemand se fait bon prince :  » Ce qui est important pour nous, c’est que la réforme du marché du travail se fasse dès septembre. En Allemagne, personne n’ira regarder ce qui relève précisément de la convention de branche ou quel est le montant du plafond des indemnités prud’homales.  » Et de poursuivre :  » L’économie allemande misait beaucoup sur les Anglais, le Brexit la fait déchanter. Vous, les Français, avez une carte à jouer.  » A ce regard bienveillant des étrangers s’ajoute un atout majeur : l’économie française va mieux. La croissance repart, le chômage recule, certes lentement, à 9,5 %, la France a créé près de 300 000 emplois en un an. Une performance due en grande partie à la bonne conjoncture mondiale, mais aussi à la politique menée par François Hollande. Les fantômes ont parfois du bon…

Par Corinne Lhaïk.

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