Complicité "On ne travaille pas bien lorsqu'on n'est pas heureux !", dit Emmanuel Macron. © É. FEFERBERG/AFP

Emmanuel et Brigitte Macron, une ambition à deux

Le Vif

Dans Les Macron (Fayard), Caroline Derrien et Candice Nedelec racontent l’histoire d’un couple pressé de reconnaissance et de gloire.

C’est le premier livre qui leur est consacré à tous les deux, et pas simplement à lui. Les Macron, Emmanuel et Brigitte,  » Manu et Bibi  » pour les amis, apparaissent ici pour ce qu’ils sont : un couple hors norme, certes, dont la différence fait la force depuis plus de vingt ans, mais aussi un homme et une femme au service d’une incroyable ambition, grisés par le pouvoir, avides de reconnaissance et de gloire. Des bancs du lycée d’Amiens à l’aventure présidentielle, ils ont tout vécu, tout construit ensemble, racontent les deux auteurs, les journalistes Caroline Derrien et Candice Nedelec. Et même si Brigitte Macron n’est pas une femme politique au sens propre, ce livre montre qu’elle occupe une place essentielle dans la campagne de son mari. A sa manière à elle. A leur manière à eux deux.

EXTRAITS

« Elle n’a pas sa pareille pour détecter où la voix de son mari doit se poser »

Emmanuel Macron se jette à l’eau, ce 16 novembre 2016, dans le centre d’apprentissage de son ami Patrick Toulmet. Il est 11 h 08. Les journalistes des chaînes d’info se bousculent. La mèche est allumée. Cap sur la présidentielle. Pour cette déclaration de candidature et comme avant chaque intervention clé, il a répété chaque mot, chaque séquence, chaque intonation avec son épouse. Elle n’a pas sa pareille pour détecter où la voix de son mari doit se poser et impacter, pour capter l’auditoire. Quelques heures plus tard, dans son nouveau QG du XVe arrondissement (de Paris), elle lui lâche la bride et le laisse improviser.

Désormais candidat à la présidence de la République, Emmanuel reçoit, détendu et enjoué, les correspondants parisiens de la presse quotidienne régionale (PQR). Demain, dans leurs colonnes, ils donneront écho à la voix de Macron, dans toute la France. A chaque présidentielle, on se doit de privilégier la PQR. Elle vend trois fois plus d’exemplaires que les journaux nationaux. Une grosse partie des électeurs de demain, en somme. Macron le sait et il prend tout son temps pour réexpliquer, de manière didactique, sa démarche. Son discours est rodé, il l’a passé au banc d’essai, dès le petit déjeuner, avec un groupe de sénateurs amis. Devant ces Parisiens représentants de la presse de province, Emmanuel Macron, pour l’heure, savoure le moment. En un geste aussi ferme que complice, Brigitte Macron met pourtant un terme à l’échange. Face à cet auditoire médusé par son attitude, l’ex-professeure tapote ostensiblement sur sa montre. L’heure est venue de passer à la suite. Illico. Ce n’est plus lui qui préside, mais le temps… et Brigitte. Il abrège son entretien avec la presse. Fin de la récréation.

Lui : « C’est un truc de prof, ça ! »

Une fonction multiple, et qui consiste à donner son avis un peu sur tout, tout le temps. Elle qui, de son propre aveu, n’aime pas l’idée d’appartenir à un parti, trop attachée à sa liberté de pensée et de ton sans doute, aborde paradoxalement la stratégie de conquête du pouvoir. […]

Je l’ai vu quelquefois avec elle comme un petit garçon qui se ferait tancer par sa maîtresse d’école »

Comme Cécilia en son temps, elle choisit bien sûr la couleur des chemises du ministre, souvent bleu ciel, rehaussées d’une cravate marine. Elle a l’oeil sur tout et scrute chaque matin le planning de son époux. Cette pédagogue enthousiaste n’a toutefois pas rompu avec son milieu professionnel.

On devine des idées bien tranchées sur les réformes à envisager au sein de l’Education nationale. Celle du collège menée par Najat Vallaud-Belkacem (NDLR : ministre de l’Education sous les gouvernements Valls et Cazeneuve) ne semble guère l’avoir éblouie, avec ces si polémiques EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires). Elle aimerait voir ces heures supprimées, et celles de français et de maths rétablies. Et rêve que les profs des lycées prestigieux puissent se frotter quelques heures par semaine à des territoires en difficulté. Ces réseaux d’éducation prioritaire qu’on appelle encore ZEP. […]

Le candidat d’En marche ! a besoin de ce regard critique mais bienveillant sur lui. Celui que portait jadis la professeure qui avait repéré cet élève  » aux capacités hors norme « ,  » plus fort encore que les profs « , comme elle le rappelle encore aujourd’hui. Cette complicité est palpable dans une scène du film de Pierre Hurel (NDLR :Emmanuel Macron, la stratégie du météore). On les découvre en pleine répétition, avant le premier grand meeting de la Mutualité, en juillet 2016. A grand renfort de gestes, au pied de la scène, Brigitte Macron dirige son compagnon.  » Chéri, là c’est trop long, il faut que tu marques les étapes. N’attaque pas trop, tu n’as pas d’énergie à perdre. Fais monter ta voix. Elle plonge, là !  » Parfois, l’élève Macron se rebiffe.  » C’est un truc de prof, ça !  » Dans la coulisse gouvernementale, ça décoiffe.  » Elle est terrifiante, cette scène !  » s’exclame un ministre, halluciné.  » Je l’ai vu quelquefois avec elle comme un petit garçon qui se ferait tancer par sa maîtresse d’école, raille encore un photographe familier des politiques. Lorsqu’il est en sa présence, il n’est plus le même. […]

Le couple assume son côté  » people  »

, par Caroline Derrien et Candice Nedelec, Fayard, 233 p.
, par Caroline Derrien et Candice Nedelec, Fayard, 233 p.© SDP

La volonté d’Emmanuel de mettre systématiquement en avant son couple commence toutefois à agacer jusque dans ses propres rangs, même si le public  » achète « .  » La politique ne devrait pas être un moyen de guérir ses blessures narcissiques « , lâche un député pourtant ami. Il craint de voir le candidat d’En marche ! perdre de vue cette aventure collective dans laquelle il est censé s’inscrire. Les plus capés tirent du reste la sonnette d’alarme alors que paraît, à l’été 2016, un second numéro de Paris Match consacré au duo enamouré. […]

Des clichés dans les pages intérieures montrent le ministre sur la terrasse d’un appartement prêté par des amis à Biarritz. Tout sourire, il met la dernière main à son livre sur un ordinateur portable, sous l’oeil bienveillant d’une épouse enlaçant avec tendresse ses épaules. Décontracté, il porte un polo assez basique. Son épouse arbore, elle, un maquillage soigné et une tenue siglée. Tout sauf des clichés de vacances pris sur le vif. Plus impossible encore de faire croire à des photos volées. D’une certaine façon, cette fois, la  » pose people  » est parfaitement assumée.

Par Elise Karlin.

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