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DSK: sa nouvelle vie, loin de la politique

Il a tiré un trait sur la politique. Aujourd’hui, Dominique Strauss-Kahn, conférencier de luxe, s’est tourné vers le conseil aux entreprises. Et tente de retrouver une vie normale.

Retrouvez tout le dossier sur la nouvelle vie de DSK dans LeVif/ L’Express de cette semaine.

Il va mieux. Mieux que l’été dernier, quand une mauvaise douleur au dos avait cloué Dominique Strauss-Kahn dans une chaise roulante jusqu’à ce qu’il exige une canne pour pouvoir marcher. « Le soir où l’on a dîné ensemble, raconte un proche, je l’ai vu arriver tout voûté sur ce truc, les traits tirés, épuisé de souffrir. Un vieillard. » Mieux aussi qu’au moment de sa séparation d’avec Anne Sinclair, en juin, alors que le ciel finissait de lui tomber sur la tête: la débâcle du Carlton emportait « ça » aussi, seize ans d’amour, de tumulte, une épopée politique, un couple de pouvoir et d’ambition.

« Il était écrasé par le sentiment d’un immense gâchis dont il était seul responsable », confirme l’une des très rares personnes avec qui il a abordé le sujet. Les autres n’ont jamais osé poser la moindre question.

Le grand spécialiste de la restructuration de la dette

Il va mieux, donc. Son activité de conseil – il a monté à cet effet la société Parnasse (voir l’encadré ci-contre) – fonctionne bien: la parole économique de DSK ne semble pas avoir perdu en crédibilité.
« Il reste le grand spécialiste de la restructuration de la dette », rappellent volontiers ses amis, qui évoquent les propos tenus sur TF1, le 18 septembre 2011: interrogé par Claire Chazal au journal de 20 heures, dès son retour des Etats-Unis, l’ex-patron du Fonds monétaire international expliquait déjà que chacune des « économies gangrenées par la dette » devait « mesurer l’ampleur du problème et accepter de prendre sa perte », au lieu de continuer à « pousser la dette devant ». « Bien sûr, ce n’est pas ce que le public a retenu de cet entretien, ironise un socialiste. Et pourtant, c’est exactement ce que les Européens ont enfin compris. »

Le nom des Etats et des grandes entreprises qui font appel à DSK reste un secret jalousement gardé, mais l’homme, revenu à ses fondamentaux d’universitaire, paraît en vivre assez confortablement. D’autant qu’il poursuit aussi ses activités de conférencier – Royaume-Uni, Ukraine, Maroc, Corée du Sud… Il aurait refusé l’offre d’embauche d’un fonds de pension anglais, qui lui réclamait l’exclusivité: aujourd’hui, il lui reste peu de chose, sinon sa liberté.

Tous ceux qui n’ont cessé de le voir, ces derniers mois, sont formels: Strauss-Kahn a tiré un trait sur la politique. Il parle plus librement avec ses interlocuteurs, lui qui s’est longtemps astreint au silence, même avec les plus intimes; comme si sa responsabilité dans sa chute lui avait longtemps enlevé le droit d’exprimer la moindre opinion sur l’action de la gauche. Récemment, il a suivi avec intérêt la manière dont le pouvoir a géré l’affaire de Florange et la disgrâce d’Arnaud Montebourg. Il exprime, parfois, son inquiétude devant la méconnaissance de la France à l’égard de la Chine et de son fonctionnement, ou encore à l’égard de la chancelière allemande Angela Merkel.

Un jour, bientôt peut-être, quand il jugera le moment opportun, il écrira une tribune : sa vision de la situation économique – rien qui puisse gêner le gouvernement, assurent ceux qui en parlent -, son regard sur l’évolution de la société. Parce que DSK a souri, cet automne, en observant l’engouement du public pour la bluette érotico-pornographique de la Britannique E. L. James, Fifty Shades of Grey. Il a regretté, amusé, devant l’un des députés socialistes qu’il voit régulièrement, l’hypocrisie morale des Français. « Quand on se souvient de ce qui a été dit sur ses moeurs, et qu’on voit le succès de ce bouquin qui n’est rien d’autre qu’un bouquin de cul, on comprend que ça l’agace un peu », soupire l’élu PS.

Son image? « Il s’en fout », assure un ami. Trois jeunes femmes blondes, tendance Barbie, insistent pour être prises en photo avec lui dans une soirée en boîte de nuit, et il pose. Dans la rue, dans les bars des grands hôtels où il donne toujours ses rendez-vous, on l’arrête, et il pose. « Quand on a su que l’affaire du Sofitel de New York était terminée, des gens, dans le restaurant où nous étions, se sont levés pour l’applaudir », raconte Michèle Sabban, qui dînait avec lui le 10 décembre: il avait accepté de l’aider à préparer les trois sommets sur la crise que la vice-présidente de la région Ile-de-France a montés avec l’Assemblée des régions d’Europe.

Presque toute sa « garde rapprochée » est restée à ses côtés

« Il veut qu’on lui foute la paix », confirme un autre proche, tout en restant flou sur les ministres qui continueraient d’entretenir des rapports amicaux avec DSK: on parle de Jérôme Cahuzac (qui a reçu un gentil mot de soutien de la part de DSK, au moment où éclatait l’affaire de son supposé compte en Suisse), de Nicole Bricq et de Manuel Valls, même si plusieurs, dans l’entourage de Strauss-Kahn, jugent que le ministre de l’Intérieur s’est mal comporté au moment de la polémique qui a suivi l’anniversaire de Julien Dray, en mai dernier. En revanche, il en est un dont DSK ne parle jamais, « pas un mot, ni sur lui, ni sur ce qu’il fait »: c’est Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie. Ancien élève, ancien soutien, ancien ami. Ancien.

Un an et demi après le début de la chute, ceux qui formaient la « garde rapprochée » de l’ex-futur candidat à l’élection présidentielle sont toujours à ses côtés, à l’exception de Ramzi Khiroun: du jour au lendemain, au moment où éclata l’affaire du Carlton, le conseiller d’Arnaud Lagardère a coupé tous les ponts. « Dominique ne s’y attendait vraiment pas », se contente de dire un fidèle parmi les fidèles. Ceux-là parlent peu, voire pas. Ils continuent de protéger un homme qui, soulignent-ils, a perdu l’optimisme et la gaieté qui lui ont longtemps permis de croire en son étoile. Elle brille désormais au firmament des astres éteints.

Le patron de Parnasse

Un clin d’oeil, sans doute: Dominique Strauss-Kahn a donné un nom poétique à la société qu’il a créée à l’automne 2012. « Parnasse », le lieu où, dans la mythologie, vivaient Apollon et les neuf Muses… A moins que, de façon plus prosaïque, il l’ait choisi car elle est domiciliée à sa nouvelle adresse, dans le quartier de Montparnasse, à Paris. Cette société à responsabilité limitée et au capital modeste (1000 euros) a pour objet: « conseils, conférences, interventions, informations dans les domaines économique, social, immobilier, politique tant en France qu’à l’étranger ». En réalité, explique un spécialiste, il s’agit d’une simple structure juridique, qui lui permet de facturer les montants de ses conseils ou de ses conférences.

Élise Karlin

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