DSK, éternel coupable

 » S’il n’y a pas DSK, il n’y a plus de procès « . D’une seule phrase, Me Eric Dupont-Moretti, qui défend David Roquet, un des amis libertins de Dominique Strauss-Kahn, a résumé l’enjeu du procès pour « proxénétisme aggravé en réunion » qui se joue ces jours-ci au Tribunal de Lille.

Les juges devront trancher la question de savoir si les énièmes galipettes de l’ancien directeur du FMI, ex-candidat à l’investiture suprême pour le PS français, relèvent d’un proxénétisme organisé par et autour du célèbre économiste ou participent, au contraire, d’un simple libertinage, DSK ignorant que les filles invitées pour égayer ses soirées chaudes étaient tarifées.

Quoi qu’il advienne, ce procès n’a d’intérêt que parce qu’il remet en scène cet éternel chouchou des médias.

Imaginons que ses avocats parviennent à bâtir un mur étanche entre leur client et les autres protagonistes de ces soirées. Que Mes Henri Leclerc et Richard Malka démontrent que DSK ne les connaissait ni d’Eve ni d’Adam et qu’il ignorait que ces agréables compagnes d’une nuit fussent des prostituées. Dans ce cas, après le non-lieu autour de son « troussage de domestique » et l’arrangement au civil avec Nafissatou Diallo (qui vient d’ouvrir un restaurant avec son supposé million de dollars), nous nous retrouverions en face d’un homme adepte d’un libertinage jusqu’au-boutiste, certes, et même quasi suicidaire… mais qui n’aurait, au final, rien fait de légalement répréhensible. Telle serait la vérité judiciaire. La seule valable pour tous ceux, vous et moi, qui n’étaient pas dans la suite fatale du Sofitel de New York.

Dans cette hypothèse, que l’homme respire ou pas l’antipathie, que son arrogance le dispute ou non à son orgueil, il aurait été bel et bien victime d’une injustice planétaire.

Sa célèbre phrase, déclamée sur le plateau de TF1 juste après son retour en France – « Un complot ? Nous verrons » -, renvoie au profond mystère de ses écarts libidineux, aussi médiatisés que l’ascétisme criminel de Ben Laden.

L’affaire n’est pas tranchée. Elle ne le sera jamais. Un coup monté par Sarkozy ? Hollande ? Les islamistes ? Les banquiers de Wall Street ? Un piège plus modeste fomenté par l’entourage de la victime supposée pour lui soutirer de l’argent ? Ou bien la vérité est-elle plus triviale : DSK en virée à New York qui, opportuniste, au sortir de sa douche, empoigne un peu violemment un postérieur rebondi qui se trouve à sa portée ? « Je pense qu’il n’y a pas eu de complot contre un homme politique au départ, mais que cela le devient après », a expliqué Emmanuel Riglaire, l’un des 14 prévenus pour qui l’affaire du Carlton a été orchestrée pour « cueillir » le financier.

Nous, médias, nous devons nous interroger sur cette hystérie du Buzz qui pousse à jeter aux chiens une nouvelle fois un homme, avant même l’issue d’un procès qui, selon son avocat Me Malka, « n’est pas le sien ».

Depuis qu’il est clairement apparu que la carrière politique de DSK était détruite à jamais, que signifie cette chasse à l’homme qui perdure contre un citoyen redevenu « ordinaire » qui n’est même plus Monsieur Sinclair et seulement un obscur conseiller du gouvernement serbe ?

Jalousie, envie ? C’est entendu : la chute des Grands de ce monde fascine. Comment rester indifférent devant un homme qui se permettait tout : argent, pouvoir, sexe – et qui se retrouve menotté sur le Perp Walk de la plus connue des Ville-mondes comme un vulgaire criminel du Bronx ? Qui a-t-il de plus romanesque ? Là où des tripes sont servies sur un plateau d’argent, notre voyeurisme n’a pas de limite.

En attendant, nous avons réifié Dominique Strauss-Kahn. Pour toutes les chaumières du Globe, ses initiales incarnent désormais le viol, le machisme éhonté, le mépris des femmes de la part d’un homme qui se croyait au-dessus des lois.

Ils auront été aussi nombreux que les doigts d’une main, ceux qui ont tenté d’instruire à décharge. Il n’y a pas de fumée sans feu. Et de toute façon, il n’avait qu’à être un peu plus prudent (n’a-t-il pas eu déjà une seconde chance lorsque le FMI a fermé les yeux sur son incartade avec une haute-fonctionnaire de l’institution ? Quand on veut devenir président de la République, on ferme sa braguette.)

Même si DSK bénéfice d’un nouveau non-lieu, il restera dans le viseur médiatique jusqu’à la fin de ses jours. C’est son karma.

Il n’y aura eu personne non plus pour saluer au moins son instinct de survie alors que sa société de conseil LSK implose suite au suicide de son associé.

Il semble relever la tête ? Se faire oublier ? Le procès du Carlton est l’occasion de nous acharner à nouveau, comme si l’homme n’en avait pas suffisamment bavé. Le rouleau compresseur médiatique est sans pitié.

Si DSK est relaxé, bénéfice d’un nouveau non-lieu (c’est ce qu’a demandé le Parquet de Lille dans son réquisitoire rendu le 11 juin dernier), sera-ce son ultime apparition sous le feu des projecteurs ? Son dernier supplice ? Rien n’est moins sûr. L’ancien ministre de l’Economie de Lionel Jospin restera dans le viseur médiatique jusqu’à la fin de ses jours. C’est son karma.

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