José Eduardo dos Santos © Belga

Dos Santos, président tout-puissant de l’Angola

Le Vif

Son sourire énigmatique cache une poigne de fer et un art consommé de la manipulation. A la tête du pays pendant 38 ans, le président sortant José Eduardo dos Santos va remettre le flambeau à son dauphin Joao Lourenço, après la victoire électorale de son parti tout puissant.

A presque 75 ans, l’ancien rebelle marxiste a décidé de rendre le pouvoir, usé par la maladie.

Sa retraite marque la fin d’un règne autoritaire dans un pays secoué par une grave crise économique, conséquence de la chute des cours du pétrole dont il est un des principaux producteurs africains.

Initialement considéré comme falot et sans envergure, José Eduardo dos Santos s’est révélé fin stratège pour s’accaparer, au gré de ses 38 ans de pouvoir, la quasi-totalité des leviers du pays.

Chef du parti au pouvoir, il dirige son gouvernement, commande l’armée et la police, nomme les juges, contrôle l’économie et la plupart des médias.

« Il est devenu le maître des chaises musicales en faisant passer ses fidèles d’un poste à un autre », souligne Didier Péclard, de l’université de Genève.

Même hors de ses frontières, il s’est imposé comme un des poids lourds du continent. Seul son homologue de Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema, le devance pour le titre de doyen en exercice de l’Afrique, d’un mois à peine.

M. dos Santos est crédité d’avoir sorti l’Angola de la guerre fratricide qui l’a ensanglanté jusqu’en 2002.

« Il est parvenu à préserver l’unité de l’Angola moderne, c’est là son principal héritage historique », résume Alex Vines, spécialiste de l’Afrique au centre de réflexions britannique Chatham House.

Népotisme

Mais cette réussite a eu pour revers le clientélisme et la corruption.

« Il n’a pu tenir le pouvoir après la guerre civile qu’en déversant les milliards de dollars du pétrole », note Benjamin Augé, de l’Institut français des relations internationales (Ifri), « il a surtout eu la chance de bénéficier de fonds illimités à cette période ».

Le boom pétrolier angolais a nourri à partir des années 2000 une forte croissance qui a permis la construction de routes ou d’hôpitaux. Mais il n’a bénéficié qu’à une infime partie de la population.

Selon ses opposants, la famille de « Zedu », le surnom du président, figure au premier rang des « profiteurs ».

Dans leur ligne de mire, sa fille Isabel, surnommée la « princesse » et considérée comme la femme la plus riche d’Afrique par le magazine américain Forbes. Propriétaire de pans entiers de l’économie, elle a été bombardée l’an dernier aux commandes de la compagnie pétrolière nationale, la Sonangol.

« Le président a privatisé l’Etat au profit de sa famille et d’une poignée de proches », dénonce le journaliste d’opposition Rafael Marques de Morais.

« Ces individus ne pensent qu’à mettre les ressources du pays à leur entière disposition pour vivre comme les gens les plus riches de la planète sans se préoccuper du sort du peuple. »

Né le 28 août 1942 d’une famille modeste, M. dos Santos a grandi dans le « barrio » de Sambizanga.

Dans ce bidonville de la capitale, noyau de la lutte contre la puissance coloniale portugaise, ce fils de maçon adhère en 1961 au Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), mais ne fait qu’un bref passage dans la lutte armée.

‘Faux démocrate’

Deux ans plus tard, il obtient une bourse pour étudier en Azerbaïdjan où il décroche un diplôme d’ingénieur et épouse une Soviétique. Aujourd’hui marié à Ana Paula, une ex-hôtesse de l’air de 18 ans sa cadette, il est père de plusieurs enfants.

Dans les années 1970, il entre au Comité central du MPLA et devient ministre des Affaires étrangères de l’Angola à son indépendance en 1975.

Dauphin du premier président angolais Agostinho Neto, il est nommé vice-Premier ministre, puis ministre du Plan. A la mort de son mentor en 1979, il devient président du MPLA et du pays.

Il n’a depuis plus lâché le pouvoir, sans jamais être directement élu.

En 1992, la présidentielle est annulée entre les deux tours après des accusations de fraude de son rival, le rebelle Jonas Savimbi. Une autre élection prévue en 2008 n’aura jamais lieu et la Constitution de 2010 lui permet d’être reconduit deux ans plus tard en tant que chef du MPLA, vainqueur des législatives.

Ses adversaires politiques crient à la « dictature », lui s’en défend. « Nous sommes un pays démocratique. Nous avons plusieurs partis », plaide-t-il en 2013.

« C’est un vrai despote, un faux démocrate », tranche le rappeur Adao Bunga « McLife », du Mouvement révolutionnaire pour l’Angola.

Il y a trois ans, il a confié sa lassitude du pouvoir lors d’un de ses rares entretiens à la presse et qualifié son règne de « trop long ». En 2016, il annonce lui-même sa retraite politique pour 2018. Sa mauvaise santé, plus évidente à chacune de ses sorties, l’a finalement contraint à la précipiter.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire