Richard Nixon et Donald Trump © Wikicommons/Reuters

Donald Trump ressemble étrangement à Richard Nixon

Le Vif

On dirait que Richard Nixon poursuit un troisième mandat sous les traits de Donald Trump. L’engouement du candidat républicain pour l’ancien président n’a rien de surprenant : leurs personnalités se ressemblent étrangement.

Quand Richard Nixon a mené sa campagne en tant que candidat présidentiel pour les républicains, il l’a fait sous le slogan « Make America Safe Again ». Pour le candidat du parti actuel, Donald Trump, c’est « Make America Great Again », mais son engouement pour Nixon ne s’arrête pas là. Trump a recyclé un grand nombre de messages de l’époque pour sa campagne.

« Quand on regarde l’Amérique, on voit des villes enveloppées de fumée et de flammes », racontait Nixon il y a 48 ans, lors de l’acceptation de sa nomination à la Convention républicaine à Miami. « Nous entendons des sirènes dans la nuit. On voit des Américains mourir sur des champs de bataille dans des pays lointains. On voit des Américains qui se haïssent, qui se battent et qui s’entretuent. Des millions d’Américains expriment leur peur : ‘Sommes-nous venus de si loin pour ça ?' »

C’est loin d’être la seule chose qui aurait pu sortir de la bouche de Trump. « Aujourd’hui, l’Amérique souffre de problèmes, non parce que son peuple a échoué, mais parce que ses dirigeants ont échoué », a déclaré Nixon le même jour. « L’Amérique a besoin de leaders qui égalent la grandeur de son peuple. »

Cynique, égoïste, opportuniste

Le journal de bord de Harry Robbins ‘Bob’ Haldeman, chef de cabinet de Nixon pendant quatre ans et trois mois, esquisse l’image d’un président cynique, égoïste et opportuniste, une description que l’on entend souvent à propos de Trump. Cette image cache un homme peu sûr de lui, très complexe, en permanence à la recherche de confirmation. À cet égard, Trump semble différent. « Donald Trump est l’exemple type du narcisse », estime Jean Twenge, un professeur de psychologie de l’Université d’État de San Diego spécialisé en narcissisme. « Les gens comme lui ont une très grande confiance en eux. Au plus profond d’eux, ils se sentent fantastiques. Trump profite de toute l’attention parce qu’il pense qu’il la mérite. »

Populisme

Les circonstances économiques de l’Amérique d’aujourd’hui ressemblent fort à celles de l’époque de Nixon. En 1968 aussi, les dépenses de l’état étaient élevées, notamment suite à la Guerre du Vietnam et les programmes de Grande société de Lyndon B. Johnson. Ces dépenses sont financées par la Banque centrale américaine, qui a vu doubler le nombre d’obligations d’état sur son bilan. Et Johnson avait interdit à la Réserve fédérale d’augmenter son taux directeur pour que la dette publique reste payable. La promesse de Nixon de mettre fin aux violences de guerre en Asie du Sud-Est avec un accord ‘peace with honor’ a joué un rôle important dans sa victoire électorale.

Aujourd’hui, le niveau d’endettement américain s’élève à 76% du produit intérieur brut, plus du double de 1968. Aujourd’hui aussi, les taux sont particulièrement bas, notamment suite à l’assouplissement quantitatif énorme de la Réserve fédérale. Les États-Unis sont toujours en train de se dépêtrer des conflits d’Irak et d’Afghanistan.

Tout comme Trump aujourd’hui, Nixon vivait à une époque où beaucoup d’électeurs se laissaient séduire par le populisme. Le populiste George Wallace était le Trump de l’époque de Nixon, un politique démocrate candidat pour l’American Independent Party. Sa campagne était contre les droits du citoyen et il défendait la séparation des races. Lors des élections, près de dix millions d’Américains ont élu Wallace, qui a engrangé 13,5% des voix.

Si Nixon a gagné en 1968 et 1972, il n’a pas remporté de victoire immaculée. Opportuniste pur-sang, il a obtenu beaucoup de voix auprès des blancs racistes des états du sud dégoûtés du parti démocrate. Sa ‘Southern Strategy’ répondait à la profonde insatisfaction de la classe ouvrière blanche.

« Nixon soulignait qu’il fallait reconnaître que les Noirs étaient tout le problème », écrivait Haldeman. « Il faut inventer un système qui reconnaisse cette donnée. » En pratique, Nixon construisait ses campagnes autour du ‘law and order’ et de plus de pouvoir et de droits aux états. Les dirigeants du mouvement afro-américain voyaient cette prise de position pour ce qu’elle était : une façon de donner une chance au Sud de s’opposer à certains droits civiques.

L’ethnicité joue un rôle important dans la campagne de Trump. Ainsi, il a qualifié les Mexicains de criminels et de violeurs, il a appelé à une interdiction d’immigration pour les musulmans, il a insulté la communauté juive, et il a stigmatisé les noirs américains, en prétendant que 81% des meurtres de blancs sont perpétrés par ce groupe de population (en réalité, il s’agit de 15%).

Manque de caractère

Il y a des ressemblances frappantes entre l’image de Nixon véhiculée par les Haldeman Diaries et les reproches des démocrates adressées à Trump. Ainsi, le journal montre à quel point Nixon pouvait être borné, ombrageux, obsessif, hypersensible, manipulateur et raciste. Il s’en prenait régulièrement aux noirs et aux juifs. Il pointe également son aversion des bureaucrates et sa haine des intellectuels.

Trump aussi se méfie des intellectuels, même de ceux de son parti. Par exemple, il s’oppose aux idées orthodoxes qui animent le Grand Old Party : il ne veut rien savoir du libre commerce, il est contre une solution pacifique pour la migration illégale, contre le système d’alliances internationales, contre les réformes d’indemnité de prospérité, et laisse la porte ouverte à une hausse des taxes. « Trump balaie les intellectuels conservateurs sur le tas de cendres de l’histoire », estime le magazine réputé The National Interest.

C’est peut-être ce manque de confiance en les principes de base d’une partie du spectre politique qui rend Trump aussi populaire. Son populisme s’adresse à tous ceux qui sont prêts à fermer les yeux sur les choses qui ne leur plaisent pas.

Tirades infinies

Pour la presse, c’est nettement plus compliqué, simplement parce qu’il est difficile, si on a un tant soit peu de conscience professionnelle, d’ignorer les contradictions dans le discours de Trump. Trump était pour l’avortement, et contre. Pour une limitation des armes, et contre. Pour une intervention militaire en Libye, et contre. Même chose pour le mariage gay, les armes nucléaires pour le Japon, une baisse rapide de la dette publique et la torture de terroristes. Il croyait au réchauffement climatique, et non. Il trouvait que les riches devaient payer plus d’impôts, et moins. Il voulait supprimer le salaire minimum, et l’augmenter. Ah oui, et jusqu’en 2009 il était démocrate.

Trump n’aime pas qu’on le mette face à ces contradictions. Tout comme Nixon, il a un rapport difficile aux médias. La méfiance de Nixon se qualifie facilement d’obsessive. Le journal de Haldemans est lardé de tirades infinies du président contre les médias de gauche. Le chef de cabinet déplorait cette attitude. « Il vaudrait beaucoup mieux qu’il arrête de s’inquiéter et d’être simplement président », écrit-il après un nouvel épisode.

Trump non plus ne fait pas grand cas des médias. « Beaucoup de journalistes sont des losers », a-t-il déclaré il y a quelques mois.

Malgré toutes leurs ressemblances, The Washington Post affirme qu’il existe une différence importante entre Nixon et Trump. « Quand Richard Nixon disait qu’il parlait pour la « majorité silencieuse », il avait effectivement une majorité derrière lui. Aujourd’hui, Donald Trump raconte les mêmes choses, mais les gens pour qui il parle ne sont ni silencieux, ni la majorité. »

Daan Ballegeer

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