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Dilma Rousseff : l’ex-guérillera lutte pour sa survie politique

Le Vif

Guérillera ayant survécu à la torture sous la dictature militaire, la présidente brésilienne Dilma Rousseff entame à 67 ans un nouveau combat pour sa survie, politique cette fois, après le lancement mercredi d’une procédure de destitution à son encontre. Portrait.

Du fond de sa geôle dans les années 70, aux heures les plus sombres du Brésil, cette économiste plus technocrate que politicienne ne pouvait imaginer qu’elle deviendrait un jour l’héritière de l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, l’ouvrier syndicaliste fondateur du Parti des travailleurs (PT, gauche). Au point de lui succéder en 2010, devenant la première femme présidente du géant émergent d’Amérique latine et de plus de 200 millions de Brésiliens.

Après sa réélection disputée en octobre 2014, elle pouvait encore moins se douter qu’un cocktail explosif de crise économique et de méga-scandale de corruption autour du géant pétrolier étatique Petrobras déclencherait une crise politique d’une telle ampleur qu’elle mettrait en péril son second et ultime mandat. Dilma Rousseff a connu une année 2015 « horribilis »

Voie rauque, brushing figé en toupet, cette femme longtemps un peu boulotte a vu sa popularité s’effondrer en quelques mois sous un seuil historique de 10%, au même rythme qu’elle perdait 15 kg à force de régime alimentaire et de pratique du vélo. Dilma Rousseff a été plombée par la crise économique et son programme d’ajustement budgétaire aussi impopulaire qu’en totale contradiction avec ses promesses électorales de 2014.

Son camp a été durement ébranlé par les révélations en cascade du scandale de corruption Petrobras, avec les placements en détention de l’ex-trésorier du PT, Joao Neto Vaccari et du chef du groupe PT au Sénat, Delcidio do Amaral, la semaine dernière.

Sa coalition parlementaire, déjà fragile, a fini par voler en éclats. Dilma Rousseff risque à présent d’entrer également dans l’Histoire comme le deuxième chef de l’Etat brésilien a quitter le pouvoir par la petite porte infamante d’une destitution, après Fernando Collor de Mello en 1992. Réputée intègre, mais aussi autoritaire et rigide, à l’opposé du style chaleureux, souple et habile de Lula, elle va devoir puiser dans sa légendaire force combattive pour survivre à cette nouvelle épreuve.

‘Accident présidentiel’

« Indignée », elle a réagi mercredi soir avec fermeté au déclenchement des hostilités par le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, impliqué dans le scandale Petrobras et lui-même à la lutte pour sa survie politique et éviter la prison. « J’ai la conviction et l’absolue tranquillité que cette demande est totalement sans fondement », a réagi la présidente, accusée par l’opposition d’avoir sciemment maquillé les comptes de l’Etat en 2014 et 2015 pour minimiser l’ampleur de la crise et des déficits publics. « Je n’ai pratiqué aucun acte illicite. Il ne plane sur moi aucun soupçon de détournement d’argent public ». Et contrairement à Eduardo Cunha, « je ne possède pas de compte bancaire à l’étranger et je n’ai pas caché l’existence de biens personnels », a-t-elle martelé.

Dilma Vana Rousseff est née le 14 décembre 1947 à Belo Horizonte (sud-est) dans une famille de la classe moyenne. Son père, Pedro Rousseff, un immigrant bulgare, avocat et sympathisant communiste, et sa mère professeur, Dilma Jane da Silva, l’ont initiée très tôt à la lecture: Balzac, Zola, Dostoïevski.

Pendant la dictature, elle a milité dans des organisations armées clandestines de gauche, sous les faux nom d' »Estela », « Vanda » et « Luiza ». Incarcérée à 22 ans, elle a été torturée et a passé trois ans en prison. Un juge l’avait alors qualifiée de « papesse de la subversion ».

Diplômée en économie, Dilma Rousseff a une fille, Paula, et un petit fils de cinq ans. Elle est divorcée du père de sa fille, Carlos de Araujo, un militant également emprisonné sous la dictature. Elle a rejoint en 2010 le PT de Lula, qui en fera sa ministre de l’Energie et des Mines, puis sa chef de cabinet et enfin sa dauphine en 2010. Elle a hérité cette année-là de la forte popularité de Lula, au sortir d’une décennie dorée de miracle économique et forte réduction des inégalités grâce en grande partie aux programmes sociaux en faveur des plus pauvres. Mais l’économie brésilienne a marqué le pas sous son premier mandat. Ses choix économiques ont été vivement contestés et ont failli lui coûter sa réélection. Ses adversaires la considèrent comme un « accident présidentiel », car elle n’avait jamais été élue avant pour une quelconque fonction.

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