Alexeï Navalny le jour de sa sortie de prison, le 22 octobre. © Belgaimage

Devant la CEDH Navalny se dit « harcelé » par les autorités russes

Alexeï Navalny, l’opposant numéro un au président russe Vladimir Poutine, a dénoncé mercredi devant la Cour européenne des droits de l’homme le harcèlement des autorités russes à son égard et a demandé aux juges de reconnaître les « motivations politiques » de ses nombreuses arrestations.

« Au cours des dernières années, j’ai été incarcéré pas moins de sept fois. L’année dernière, j’ai passé deux mois en cellule pour avoir exercé notre droit à la liberté de réunion », a-t-il rappelé au cours de son intervention devant les 17 juges de la Grande Chambre, l’instance suprême de la CEDH.

« La probabilité que cela ait lieu +sans coordination politique+ est aussi faible que de rencontrer dans cette cour des droits de l’Homme… un dinosaure », a ironisé le charismatique avocat anticorruption frappé inéligibilité pour l’élection présidentielle du 18 mars.

Veste bleu marine, chemise claire et cravate rouge, Alexeï Navalny, 41 ans, avait pris place derrière le pupitre réservé aux requérants. L’audience a duré près de trois heures.

Les 17 juges ont entendu tour à tour les observations et les arguments de ses avocates, Olga Mikhaïlova et Anna Malyan, et ceux du représentant du gouvernement russe, Mikhaïl Galperine. Alexeï Navalny a dénoncé en vain ces arrestations devant les juridictions russes avant de saisir la CEDH, introduisant cinq requêtes entre 2012 et 2014.

La tribune offerte par cette audience a pris une dimension symbolique à quelques semaines de la présidentielle russe. Rappelant aux magistrats européens le contexte politique en Russie, Alexeï Navalny a déploré une « volonté du gouvernement russe d’exclure toute forme d’opposition ».

Dans un plaidoyer de sept minutes, il a demandé à la Cour de donner « une réponse » favorable à ses requêtes. « Valider les agissements de l’Etat russe reviendrait à ne pas remarquer le grand éléphant qui écrase tout », a-t-il souligné.

La décision, qui sera définitive et sans appel, n’est pas attendue avant plusieurs mois, et donc après la présidentielle russe. Navalny, vraie ou fausse victime ?

Les représentants du gouvernement russe ont balayé les arguments des avocates d’Alexeï Navalny et réfuté toute motivation politique.

Ils ont rappelé que tout rassemblement public doit être notifié au préalable aux autorités, comme c’est le cas ailleurs en Europe.

« La loi a été appliquée de manière raisonnable et classique, ce qui veut dire que le requérant n’est pas fondé à se plaindre », ont-ils martelé.

Insistant sur la réponse proportionnée de la police russe et celui le rôle de l’Etat d’assurer l’ordre public, les représentants de la Russie ont reproché à Alexeï Navalny, d’ignorer la loi « de façon répétée » et de la violer. Ils l’ont accusé de vouloir « se faire passer pour victime ».

« Si un groupe décide de bafouer les lois, il ne doit pas s’attendre à être encouragé par cette cour », a notamment plaidé Mikhaïl Galperine Navalny espère un précédent à Strasbourg.

Alexeï Navalny s’est dit satisfait à l’issue de l’audience et s’est prêté aux demandes de selfies.

« Ce dossier est important, et pas seulement pour moi, mais encore plus pour toutes les autres personnes en Russie qui réclament un droit de réunion », a-t-il souligné au cours d’une conférence de presse improvisée.

« Si la cour européenne reconnaît une motivation politique, nous pourrons nous en servir comme précédent pour d’autres procès », a-t-il insisté.

Frappé d’inéligibilité, Alexeï Navalny a appelé au boycott d’une présidentielle russe qu’il considère comme jouée d’avance, et à de grandes manifestations dimanche.

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