Gérald Papy

« Désespérante Amérique de Trump »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

On se réveille un matin et on croit encore rêver en entendant Donald Trump proclamer que « la haine n’a pas sa place aux Etats-Unis ». Il fallait oser.

N’est-ce pas le même homme qui, candidat à la présidence, traitait les immigrants mexicains de  » trafiquants de drogue, de criminels et de violeurs  » ? N’est-ce pas le même individu qui, une fois élu, qualifiait de  » pays de merde  » Haïti, le Salvador et les Etats africains, lieux de provenance supposés de candidats à l’immigration ? N’est-ce pas le même personnage qui, encore récemment, suggérait à quatre députées démocrates, une Afro-Américaine, une issue de Porto-Rico, et deux autres d’origine palestinienne et somalienne, de retourner d’où elles viennent ?

Difficile avec ce passif de ne pas considérer que le président des Etats-Unis a une part de responsabilité dans la montée du discours suprémaciste blanc et dans la confiance que ses adeptes affichent. Comme l’affirme le philosophe Marc Crépon, auteur de L’Epreuve de la haine (Odile Jacob, 2016),  » la politique est comptable des passions qu’elle laisse fermenter dans la société, sans trouver de solution concrète pour les apaiser « . En l’occurrence, Donald Trump ne laisse pas seulement fermenter les passions, il les attise.

Il est scientifiquement impossible de déterminer l’éventuelle corrélation entre l’émergence de discours haineux, caractéristiques des dirigeants populistes, et les passages à l’acte criminel de simples citoyens. Patrick Crusius, 21 ans, l’auteur de la tuerie raciste d’El Paso, qui a une nouvelle fois meurtri cette grande puissance indolente que semble être devenue l’Amérique institutionnelle, l’a justifiée par  » l’invasion hispanique  » qui menacerait l’Etat du Texas, frontalier avec le Mexique. Sa fumeuse théorie, dans un pays certes de plus en plus hispanophone mais où les citoyens américains latinos s’anglicisent aussi de plus en plus, partage à l’évidence une certaine proximité avec les incessantes diatribes de Donald Trump contre les migrants centre et sud-américains.

Cette porosité et l’ampleur du tribut humain de la tragédie, doublée d’une autre fusillade meurtrière aux motivations plus obscures à Dayton, ont contraint le président américain à explicitement condamner l’extrémisme blanc, rompant ainsi avec l’attitude ambiguë qu’il avait privilégiée après la mort d’une activiste antifasciste lors d’une manifestation de l’ultradroite à Charlottesville en août 2017, et à évoquer, quoique timidement et après l’incrimination de la gestion de la santé mentale et du rôle d’Internet, la question de la législation sur les armes. Il faut se garder cependant de voir dans l’attitude du président la promesse d’un revirement idéologique sur le 2e amendement de la Constitution des Etats-Unis et sur son traitement de l’extrême droite blanche. Le locataire de la Maison-Blanche est surtout en campagne électorale. Il connaît l’importance potentielle de la communauté hispanique pour s’assurer un second mandat. Rien de surprenant. En replaçant le spectre du chaos migratoire au coeur des débats comme il l’a fait depuis l’annonce de sa candidature et en amadouant, par son discours supposé compassionnel après le drame d’El Paso, une classe moyenne latino susceptible d’élargir sa base électorale, Donald Trump agit avec le cynisme d’un authentique dirigeant populiste.

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