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Des Occidentaux meurent dans un attentat à Bamako, premier de ce type dans le pays

Face à l’attaque, qualifiée de « terroriste » par le gouvernement malien, revendiquée par le groupe djihadiste Al-Mourabitoune de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, Bamako a affirmé qu’il ne se laisserait « pas intimider par ceux qui n’ont d’autres desseins que de faire éloigner les perspectives de la paix ».

Samedi en fin de journée, le groupe djihadiste Al-Mourabitoune de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar a revendiqué cet attentat dans un enregistrement audio diffusé par l’agence privée mauritanienne Al-Akhbar. « Nous revendiquons la dernière opération de Bamako menée par les vaillants combattants d’Al-Mourabitoune pour venger notre prophète de l’Occident mécréant qui l’a insulté et moqué, et notre frère Ahmed Tilemsi » tué par l’armée française en décembre, affirme un porte-parole sur cet enregistrement .

Premier attentat de ce type à Bamako

« Les Maliens doivent comprendre qu’il n’y a rien au-dessus de la paix », a déclaré le Premier ministre Modibo Keïta à l’issue d’un Conseil de défense présidé par le chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Keïta. Le Premier ministre a appelé à « ne pas se laisser distraire » à un moment crucial des négociations avec la rébellion à dominante touareg du nord, qui est sous forte pression internationale, y compris de l’ONU, pour parapher d’ici fin mars un accord de paix, comme l’a déjà fait le gouvernement le 1er mars à Alger. Les deux hommes se sont rendus sur les lieux de l’attentat, dans le quartier de l’Hippodrome, haut lieu de la vie nocturne dans la capitale.

« C’est le premier attentat de ce type à Bamako », explique Pierre Boilley, directeur de l’Institut des mondes africains (IMAF). Outre les tués, la fusillade a fait au moins huit blessés, dont trois Suisses grièvement touchés, parmi lesquels une femme, selon des sources hospitalières. La Suisse a confirmé que deux de ses militaires étaient dans un état grave. Selon des témoins et des sources policières, au moins un homme armé est entré peu après minuit (heure locale et GMT) à « La Terrasse », un établissement sur deux niveaux (boîte de nuit au rez-de-chaussée et bar-restaurant à l’étage) apprécié des expatriés. Il a lancé des grenades avant d’ouvrir le feu, puis jeté deux autres grenades en partant à bord d’un véhicule conduit par un complice, en direction d’une patrouille de police, tuant un policier. Entre-temps, il a également tué un Belge et deux Maliens, un gardien et un policier, dans une rue voisine. L’assaillant, qui était masqué, selon la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), a crié « mort aux Blancs! », a affirmé une source diplomatique. La victime belge, Ronny Piens, était officier de sécurité auprès de la délégation (ambassade) de l’Union européenne au Mali, a appris l’agence Belga de sources sûres. Le quadragénaire, père de deux enfants, avait travaillé auparavant pour la Défense belge pendant plus de 25 ans. Le Français tué, 30 ans, se nommait Fabien Guyomard, d’après le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius. Installé à Bamako depuis 2007, il travaillait à ICMS Africa, une société américaine spécialisée dans la construction de luxe, a indiqué à l’AFP un ami de la victime, Zakaria Maïga, qui a « identifié sa dépouille ». Tant le parquet fédéral belge que le parquet de Paris ont ouvert une enquête. « Je condamne ce lâche attentat à Bamako au Mali. Mes condoléances aux familles des victimes », a réagi sur Twitter le Premier ministre Charles Michel. « Je condamne la terreur ignoble qui a à nouveau lâchement frappé à Bamako. Nos pensées vont aux victimes, dont un Belge, et à leurs proches », a également tweeté le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders. Le président français François Hollande a lui aussi dénoncé « avec la plus grande force le lâche attentat ». La Minusma, qui a déployé quelque 10.000 militaires et policiers dans le pays, a condamné une « attaque odieuse et lâche » et annoncé avoir « mis à la disposition des autorités maliennes des enquêteurs et experts en scènes de crime ».

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a fustigé une attaque « horrible et lâche ». Deux suspects maliens, arrêtés et interrogés peu après l’attaque, se sont avérés être des délinquants « pas impliqués » dans l’attentat, selon la police. Le nord du Mali était tombé au printemps 2012 sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda, en grande partie chassés par l’opération militaire « Serval », lancée par la France en janvier 2013, à laquelle a succédé en août 2014 « Barkhane », dont le rayon d’action s’étend à l’ensemble de la zone sahélo-saharienne. Des zones entières du nord du pays échappent toujours au pouvoir central, mais les attaques djihadistes, qui s’étaient multipliées depuis l’été, surtout contre la Minusma, ont diminué d’intensité. Les forces françaises ont constaté récemment « une certaine retenue » de la part des groupes djihadistes, qui « ne cherchent pas systématiquement à reprendre pied comme nous avions pu l’observer précédemment », avait déclaré jeudi le porte-parole de l’état-major des armées françaises, le colonel Gilles Jaron. L’ambassade de France « a constitué une cellule de crise, averti les Français, qui sont environ 6.000 au Mali, dès cette nuit et renforcé la sécurité de nos implantations en liaison avec les autorités maliennes », selon Paris.

Qui était la victime belge

La victime belge de cet attentat était officier de sécurité auprès de la délégation (ambassade) de l’Union européenne au Mali. Il s’agit de Ronny Piens, a appris l’agence Belga de sources sûres. L’homme avait travaillé auparavant pour la Défense belge pendant plus de 25 ans. Il était parachutiste de formation. Il avait notamment servi au Kosovo et avait été actif au sein de la structure d’intervention rapide « B-Fast » déployée en Haïti à la suite du tremblement de terre de 2010. Ce lieutenant-colonel avait rejoint il y a trois mois le Service européen d’action extérieure (SEAE) pour en devenir le « conseiller régional de sécurité » à Bamako.

Après l’annonce de son décès, le parquet fédéral a indiqué avoir ouvert une enquête. L’attaque commise à Bamako, la capitale du Mali, a fait cinq morts, un Belge, un Français et trois Maliens. Selon la police locale, au moins un homme armé a ouvert le feu dans le bar-restaurant La Terrasse, un établissement en étage apprécié des expatriés. Environ 270 Belges se trouvent actuellement au Mali d’après Hendrik Van de Velde, le porte-parole des Affaires étrangères.

L’armée belge déployée

Il s’agit d’un détachement actuellement fourni par le bataillon Carabiniers prince Léopold-Grenadiers de Bourg-Léopold (Limbourg) affecté à la mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM Mali), forte de quelque 560 personnes, d’une vingtaine de nationalités, dont nombre d’Allemands.

Ces militaires sont stationnés à Koulikouro (à une soixantaine de km de Bamako), où se déroule l’essentiel des activités de formation assurées par l’EUTM. Ils sont chargés d’assurer la protection de l’académie militaire de Koulikouro et celle des formateurs et des unités maliennes lorsqu’ils se rendent sur des terrains d’exercice.

Quelques Belges se trouvent également au QG de la mission européenne, installée à Bamako, a-t-on rappelé samedi de source militaire.

L’EUTM Mali avait été lancée dans la foulée de l’opération française Serval qui avait permis de repousser début 2013 les groupes armés qui avaient envahi le nord du pays et qui menaçaient de conquérir tout le pays. Elle a pour objectif de « prodiguer des conseils et des formations aux forces armées maliennes afin de les aider à reconstruire leur outil de défense sous le contrôle des autorités civiles légitimes ».

Ces formations sont conduites dans un large domaine d’activités: l’entraînement des groupements tactiques interarmes, incluant leur formation en droit international humanitaire et sur les droits de l’homme, le conseil au commandement, l’appui à la chaîne logistique, ainsi que la gestion des ressources humaines.

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