Démineurs à l'aéroport international de Donetsk, la "capitale" des rebelles prorusses de l'est de l'Ukraine. © Belga

Démineur en Ukraine: « Tu fais une erreur, tu es mort »

Le Vif

« Tu fais une erreur, tu es mort. Il faut rester concentré et n’être distrait par rien ». Konstantin est démineur à Donetsk, la « capitale » des rebelles prorusses de l’est de l’Ukraine. Un travail à plein temps, après un an et demi de guerre contre les forces de Kiev.

Konstantin, 40 ans, nom de guerre « Kot » (Le chat), s’occupe de neutraliser et détruire des obus non explosés, des mines et des pièges munis d’explosifs. Alors que les tirs ont quasiment cessé après le cessez-le-feu conclu en septembre, ce sont ces obus, mines et pièges qui causent chaque semaine la mort de plusieurs civils et militaires dans les deux camps.

Dimanche, « Kot » a travaillé dans les villages de Spartak et Vesele, devant l’aéroport de Donetsk, dans une zone dévastée par huit mois de bombardements et quasiment désertée par ses habitants.

Dans le jardin d’une maison abandonnée, un obus de tank. « Il est en mauvais état. C’est dangereux de le transporter, il faut le détruire sur place », annonce-t-il en portant à bout de bras sa découverte jusqu’à un trou au pied d’un arbre. Un détonateur, 400 grammes de TNT, et l’obus explose en bordure du village dans un petit nuage noir.

Konstantin travaille sans gilet pare-éclats ni casque: « Une protection? Un obus de tank contient 10 kg d’explosifs. Si ça se passe mal, rien ne peut te protéger! », assure-t-il.

Un peu plus loin, sur une petite route, c’est un obus de mortier au deux tiers planté dans l’asphalte et impossible à extraire qu’il faut neutraliser. Nouvelle charge de TNT bien scotchée sur l’obus, suivie d’une forte explosion.

Comme en écho, des tirs d’armes automatiques et de mortiers éclatent régulièrement, venant rappeler que le cessez-le-feu reste fragile, surtout dans la zone de l’aéroport de Donetsk dont il ne reste plus que des décombres. « On tire ici tous les jours et toutes les nuits. Nous ne faisons même plus attention », raconte Lida, 60 ans, qui vit à Vesele sans eau courante, ni gaz ni électricité, à quelques centaines de mètres de la piste d’envol de l’aéroport.

A plusieurs reprises, « Kot » est appelé pour rien: un habitant revenu dans sa maison a découvert dans un mur ou dans sa cave un morceau de Grad ou d’Ouragan tiré par des lance-roquettes multiples mais il s’avère qu’il s’agit d’une partie inerte, sans danger.

Le pire, la mine OZM 72

Des mines et des pièges ont été posés un peu partout dans la nature: pour protéger la ligne de front, un poste avancé en forêt ou dans les champs, ou un barrage sur une route.

« Le pire, c’est la mine antipersonnel OZM 72 attachée à des fils tendus par terre. On en trouve beaucoup. Quand on touche les fils, la mine saute à 90 cm de hauteur avant d’exploser. C’est la mort assurée », explique « Kot ».

Avec les militaires, notamment les démineurs, les agriculteurs sont les principales victimes, selon des informations officielles ukrainiennes et rebelles: un tracteur qui saute sur une mine antitank, une vieille femme dont les vaches se prennent les pattes dans ces fils quasi invisibles tendus au ras du sol et reliés à des explosifs, un homme qui fauche son champ et active une mine antipersonnel…

« Le plus difficile pour moi, c’est quand un obus est tombé dans une maison. Faire exploser l’obus pour le détruire, n’importe qui peut faire ça. Trouver le moyen de le neutraliser sur place, sans tout faire sauter, c’est plus compliqué », explique le démineur.

Une dizaine d’enfants sont morts ces dernières semaines dans l’est de l’Ukraine en jouant avec des obus non explosés ramassés dans des maisons abandonnées ou dans des champs.

Le Comité International de la Croix Rouge, les autorités ukrainiennes et les rebelles ont publié des brochures et diffusé des films à la télévision pour mettre en garde la population. A Donetsk, au marché central, une annonce répétée au haut-parleur invite à signaler la présence de tout engin suspect.

« Soixante-dix ans après la fin de la deuxième Guerre mondiale, on trouve encore chez nous des obus de cette époque. C’est pourquoi je pense que j’ai encore du travail pour longtemps! », estime le démineur.

Cette perspective ne semble pas inquiéter « Kot » qui se félicite de faire ce travail « qui permet de sauver des vies ». « Malheureusement, beaucoup de démineurs boivent pour évacuer le stress », relève-t-il. « C’est dangereux. Il ne faut pas avoir les mains qui tremblent dans notre travail ».

Sur son uniforme, l’écusson de son unité de sapeurs du bataillon Vostok porte une devise lapidaire: « Pas le droit à l’erreur ».

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