Hillary clinton vs Bernie Sanders (et Barack Obama en guest) © Reuters

Déclarée gagnante et soutenue par Obama, Hillary Clinton ne crie pourtant pas victoire

Le Vif

La démocrate Hillary Clinton a passé lundi la barre du nombre de délégués lui assurant de devenir la première femme à briguer la Maison Blanche pour un grand parti américain, selon l’estimation de plusieurs médias américains.

La candidate n’a pas crié victoire, craignant une démobilisation de ses partisans lors du dernier « super mardi » des primaires dans six Etats dont la Californie, où son adversaire Bernie Sanders espère arracher une victoire symbolique. Et, ajoutant à la confusion, le sénateur du Vermont a immédiatement dénoncé la précipitation médiatique, affirmant que sa rivale ne pourrait pas revendiquer de victoire avant la convention d’investiture de Philadelphie, fin juillet.

Selon l’agence de presse Associated Press, l’ancienne secrétaire d’Etat a tout juste atteint la majorité absolue de 2.383 délégués nécessaire pour l’investiture, en comptant les délégués remportés lors des primaires ainsi que les superdélégués, ces élus du parti disposant du droit de vote à la convention de Philadelphie, du 25 au 28 juillet.

Les chaînes NBC, ABC et CBS ont dans la foulée déclaré Hillary Clinton vainqueur des primaires, même si l’investiture ne sera officielle qu’après le vote de la convention. Bernie Sanders a environ 800 délégués de retard sur elle. « Selon les informations, nous sommes au seuil d’un moment historique et sans précédent. Mais nous avons encore du travail, n’est-ce pas ? Nous avons six élections demain (mardi) et nous nous battrons pour chaque voix, surtout ici en Californie », a déclaré Hillary Clinton à Long Beach, près de Los Angeles.

L’ancienne Première dame était certaine de dépasser la barre fatidique à l’issue de ces primaires (Californie, New Jersey, Nouveau Mexique, Montana, Dakota du Sud et du Nord), en recevant ne serait-ce qu’une fraction des délégués en jeu. Mais en confirmant le ralliement de nouveaux superdélégués, les médias américains ont bouleversé la mise en scène prévue.

Nancy Worley, présidente du parti démocrate de l’Alabama, est l’un de ces soutiens de dernière minute. Elle a raconté à l’AFP s’être finalement décidée après avoir été appelée au téléphone trois fois par des médias américains lundi.

« Si le vote populaire est écrasant et que les délégués sont largement dans son camp, à mon avis il est fou de ne pas rassembler le parti pour battre Donald Trump », justifie cette militante, soulignant que Hillary Clinton avait largement gagné la primaire de son Etat.

Sanders résiste

L’adversaire républicain pour l’élection présidentielle de novembre est connu depuis un mois: Donald Trump. L’affrontement entre une femme et un homme d’affaires sans expérience politique est sans précédent dans l’histoire américaine, point culminant d’une saison politique extraordinaire, marquée par la colère de l’électorat républicain et la contestation des élites d’un bout à l’autre de l’échiquier politique.

Désireuse de terminer en beauté par une victoire en Californie, bastion progressiste et Etat le plus peuplé du pays, Hillary Clinton évitait le triomphalisme et hésitait à commenter l’aspect historique de sa candidature, donnant rendez-vous pour un grand discours dans son fief de New York mardi soir. « C’est très émouvant », a-t-elle toutefois glissé lundi lors d’un point presse. « Faisons en sorte que les 18 millions de fissures créées par cette femme il y a huit ans brisent enfin le plafond de verre », a lancé l’acteur Tony Goldwyn lundi lors d’une réunion publique, en référence au nombre — insuffisant — de voix obtenues par la sénatrice Clinton aux primaires de 2008 face à Barack Obama.

Le comportement de Bernie Sanders est désormais au coeur des préoccupations du parti.

Mais le sénateur du Vermont multiplie les actes de défiance. Il dénonce tout calcul incluant les superdélégués, qu’il affirme pouvoir faire changer d’allégeance avant Philadelphie. Plus de 500 sur 700 se sont ralliés à Hillary Clinton. « Mme Clinton n’a pas et n’aura pas le nombre requis de délégués désignés par les primaires pour sceller l’investiture », a déclaré son porte-parole Michael Briggs dans un communiqué. « Elle dépend des superdélégués, qui ne voteront pas avant le 25 juillet, et peuvent changer leur avis d’ici là ».

Obama prêt à se jeter dans la bataille pour « Hillary »

Le président a observé une relative neutralité dans la primaire démocrate jusqu’ici et la Maison Blanche refuse de dire précisément quand il entrera dans la danse. Mais elle laisse entendre que cela pourrait intervenir rapidement, peut-être même dès cette semaine. Une façon aussi d’encourager le sénateur du Vermont Bernie Sanders, qui fait de la résistance, à se rallier à l’ancienne Première dame sans attendre la convention de Philadelphie, fin juillet. Et de sonner le rassemblement des forces démocrates à l’approche du scrutin présidentiel du 8 novembre. « Je suis impatiente de faire campagne avec le président », a lancé la candidate lundi à Compton, en Californie, quelques heures avant que les médias américains n’annoncent qu’elle avait franchi la barre des 2.383 délégués requise pour empocher l’investiture.

Les liens entre la Maison Blanche et l’équipe de campagne de Hillary Clinton sont étroits, ne serait-ce que par le nombre de personnes qui sont passées de l’une à l’autre. John Podesta, directeur de campagne de l’ancienne secrétaire d’Etat, a travaillé au côté de M. Obama à la Maison Blanche pendant des années.

Au-delà de l’évidente volonté de ne pas laisser M. Trump le remplacer dans le Bureau ovale — difficile d’imaginer deux hommes aussi différents, dans leur parcours, leur style, leur vision du monde — M. Obama semble avoir envie de goûter, une dernière fois en fin de mandat, à la saveur singulière d’une campagne présidentielle. Il peut pour ce faire s’appuyer sur une solide cote de popularité. Selon les derniers chiffres publiés par Gallup, 52% des Américains approuvent son action. Il peut aussi compter sur son indéniable charisme sur les estrades.

D’ici le 8 novembre, « Obama doit garder sa cote de popularité au-dessus de la barre des 50% et tout faire pour amener les minorités aux urnes », explique à l’AFP Larry Sabato, politologue de l’Université de Virginie.

De fait, le 44e président des Etats-Unis peut jouer un rôle central pour mobiliser la coalition qui l’a porté au pouvoir en 2008 puis réélu en 2012: les femmes, les jeunes, les Noirs et les Hispaniques.

Pas d’appui présidentiel pour Trump

Ne risque-t-il pas de faire de l’ombre à la candidate et de souligner, en creux, le principal point faible de l’ancienne Première dame: son incapacité à enthousiasmer les foules ? « Elle a besoin de chaque gramme de charisme d’Obama et elle le prendra sans la moindre hésitation », tranche Larry Sabato.

Les équipes de M. Obama soulignent avec un plaisir évident que cela fait des décennies qu’un président sortant ayant fait deux mandats n’avait pas été sollicité par les responsables de son parti ou par un candidat.

En 2008, à l’issue de deux mandats marqués par la fiasco de la guerre en Irak, George W. Bush était plus bas dans les sondages et le candidat républicain John McCain avait gardé ses distances avec lui.

Huit ans plus tôt, Bill Clinton avait lui, au contraire, quitté la Maison Blanche avec une cote de popularité flatteuse, mais le vice-président Al Gore, candidat à sa succession, avait choisi de limiter son rôle dans la campagne par crainte que l’affaire Monica Lewinsky, et la procédure de destitution qui y était liée, ne pèse trop lourd dans la campagne. Le calcul politique s’est avéré perdant.

La présence de Barack Obama en campagne, mais aussi celle, évidente, de Bill Clinton, soulignera la position singulière de Donald Trump, qui ne pourra, lui, revendiquer l’appui d’aucun ancien président.

« S’installer dans le Bureau ovale et être commandant en chef est une lourde responsabilité. Seuls quelques-uns de ceux qui ont occupé cette fonction difficile sont encore en vie. Et, à ma connaissance, aucun d’entre eux, même les républicains, n’ont indiqué qu’ils entendaient soutenir le candidat républicain », soulignait lundi, sûr de son effet, Josh Earnest, porte-parole de M. Obama.

Les deux derniers présidents du « Grand Old Party », George H. W. Bush (1989-1993) et son fils George W. Bush (2001-2009), ont fait savoir qu’ils resteraient à l’écart de la campagne.

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