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 » De plus en plus de gens considèrent la Russie comme une victime de la politique occidentale »

Stagiaire Le Vif

Comme l’ont récemment prouvé les propos de Jean-Luc Mélenchon sur la « victimisation politique » de Vladimir Poutine, la classe politique européenne est loin de condamner unanimement le régime russe. Comment expliquer que certains partis se rapprochent sensiblement du Kremlin ? Tentative de réponse avec Xavier Follebouckt, chercheur à l’UCL et expert en géopolitique.

Pourquoi certains partis européens soutiennent-ils ouvertement le régime de Vladimir Poutine ?

Xavier Follebouckt : Cette tendance est essentiellement observée chez les partis des extrêmes, mais il s’agit en fait de deux tendances différentes. À l’extrême gauche, on considère la Russie comme la championne de l’anti-impérialisme et de l’ultra-capitalisme américain. Poutine incarne la preuve vivante qu’une grande puissance peut s’opposer à l’hégémonie mondiale des États-Unis. Cela leur plaît, évidemment.

L’extrême droite apprécie quant à elle l’efficacité et le pragmatisme de Poutine, qu’elle considère comme garant de valeurs traditionnelles chrétiennes (le mariage, l’hétérosexualité…) que l’Europe décadente bafoue. Pour elle, la Russie contre l’Europe, c’est la tradition contre la déchéance.

Qu’ont-ils à y gagner ? Ne risquent-ils pas de froisser les électeurs ?

Ces partis surfent sur la vague antisystème. Ils adoptent un discours pro-Poutine parce que le message classique ne fonctionne plus et que les gens ne se sentent plus en phase avec notre système actuel.

Finalement, ce rapprochement arrange les deux camps : d’une part, la Russie peut s’appuyer sur des partis « alliés » à l’ancrage assez important, comme le FN en France, tandis que ces derniers attirent la part du peuple favorable au Kremlin et hostile à l’Occident.

Au sein de la population européenne, la vision négative de la Russie n’est plus aussi prédominante qu’auparavant. Les opinions divergentes foisonnent et de plus en plus de gens considèrent ce pays comme une victime de la politique occidentale.

Comment expliquer la forte popularité de Poutine en Russie, alors que le pays traverse, notamment, une grave crise économique ?

Il y a plusieurs raisons. Tout d’abord, la politique menée par le gouvernement russe est acceptée, car elle permet à la Russie de faire son retour sur la scène internationale, en défendant ses intérêts face aux Occidentaux qui veulent l’affaiblir.

Il faut également aborder la question médiatique. Contrôlés par le Kremlin, les médias russes véhiculent l’image d’une Russie acculée par les sanctions occidentales, mais qui reste debout grâce à un seul homme : Poutine. Ils répandent en outre l’idée que le pays est en guerre. Et par temps de guerre, on accepte toujours de faire plus de sacrifices, notamment économiques.

Enfin, Vladimir Poutine surfe encore sur la popularité acquise lors de son arrivée au pouvoir. Au début des années 2000, lorsqu’il a succédé à Boris Eltsine, la Russie sortait de longues années de crise et de récession. Poutine a stabilisé le pays et a redonné confiance au peuple. En face, aucune alternative n’est proposée : la vraie opposition, dont faisait partie Boris Netmsov, est sans figure forte, complètement désorganisée. Les Russes préfèrent avoir un leader autoritaire qu’ils considèrent comme compétent plutôt que de sombrer dans le chaos. Car si Poutine disparaît, personne ne sait ce qu’il adviendrait.

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