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De nouvelles violences policières ravivent le débat américain sur le recours à la force

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

La mort de Rayshard Brooks, abattu par des officiers de police lors de son interpellation, s’inscrit dans un climat tendu. Trois semaines après le décès de George Floyd, cette nouvelle affaire de violence policière envers un citoyen afro-américain ravive le débat sur le recours à la force par les autorités, et pourrait bien remettre le feu aux poudres.

L’incident s’est produit vendredi dernier, sur le parking du restaurant Wendy’s : Rayshard Brooks, un homme noir âgé de 27 ans s’endort dans sa voiture sur l’allée du drive-in du restaurant, bloquant alors les autres clients avec son véhicule. Les forces de l’ordre sont rapidement appelées sur les lieux afin d’intervenir. Après avoir réveillé l’homme, désorienté et groggy, un agent lui demande de déplacer sa voiture plus loin, sur une place de parking. Un test révèle que l’homme est alcoolisé. Les policiers décident alors de l’emmener au poste.

Mais lorsqu’un agent essaye de lui passer les menottes aux poignets, Rayshard Brooks se débat et tente de prendre la fuite, avec ce qui semble être le taser d’un des policiers. Une vidéo prise par les caméras de surveillance du restaurant montre Brooks en train de courir à travers le parking, en pointant le taser vers les policiers qui le poursuivent. L’un d’eux sort alors son arme et tire sur l’individu, qui s’écroule. Plusieurs caméras ont capté le son de trois coups de feu. L’homme est emmené à l’hôpital, mais mourra finalement de ses blessures.

Une autopsie réalisée dimanche a montré que Brooks est décédé des suites de pertes de sang et de blessures aux organes causées par deux blessures par balle. Le médecin légiste a qualifié « d’homicide » la mort de Rayshard Brooks.

De nouvelles violences policières ravivent le débat américain sur le recours à la force
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Une colère ravivée

Cette nouvelle affaire intervient sur fond de poursuite des manifestations contre les violences policières et le racisme aux Etats-Unis et dans d’autres pays, à la suite du décès le 25 mai de George Floyd, un Afro-Américain qui a péri asphyxié par un policier blanc à Minneapolis (Minnesota). Il s’agirait du 48e cas de fusillade impliquant un policier sur lequel le GBI (Bureau d’enquête de l’Etat de Géorgie) enquête depuis le début de l’année. Quinze de ces fusillades auraient même été mortelles.

Suite à la fusillade, le chef de la police d’Atlanta, Erika Shields, a démissionné de ses fonctions. Garrett Rolfe, l’officier qui a tiré sur Brooks, a quant à lui été licencié, et l’autre officier impliqué dans l’incident a été affecté à des tâches administratives.

Des décisions qui semblent pourtant insuffisantes aux yeux de nombreux citoyens. Les manifestants d’Atlanta sont descendus dans la rue pour demander l’inculpation des policiers pour meurtre. Le restaurant Wendy’s, où se sont déroulés les faits, a même été incendié samedi. Dimanche soir, des policiers anti-émeute se sont rassemblés dans un commissariat de police à quelques kilomètres du lieu des événements. Face à eux, des centaines de manifestants pacifiques se sont mis à scander : « Ceci n’est pas une émeute ! ».

Alors que ces nouveaux détails émergent sur l’incident, des dirigeants politiques ont établi plusieurs parallèles et contrastes avec d’autres homicides récents de citoyens afro-américains par la police, qui ont eux aussi déclenché des protestations à travers la nation.

Pour beaucoup, cette violence meurtrière employée lors de la rencontre de la police avec Brooks n’était pas nécessaire. « Ils l’avaient déjà fouillé, et avaient constaté que Brooks n’avait pas d’arme sur lui – où pensaient-ils donc qu’il allait pouvoir s’enfuir ? « , s’est interrogé James Clyburn, démocrate de Caroline du Sud. « Et puis, même, il s’enfuit – mon Dieu, vous avez sa voiture, vous pouvez facilement le rattraper. Mais non, vous lui tirez des balles dans le dos. « 

Réformer complètement le système ?

En guide de protestation, de plus en plus de manifestants se regroupent autour d’un mouvement qui vise à « supprimer le financement de la police« . Les leaders démocrates du Congrès ont néanmoins souligné que leur intention n’était pas de couper le financement des services de police, mais de les remanier en profondeur.

« Nous avons besoin de réformer la façon dont les policiers font leur travail, parce que ce qui est arrivé hier à Rayshard Brooks était la conséquence de l’emploi d’une force excessive« , a déclaré Stacey Abrams, candidate démocrate au poste de gouverneur. « Le fait qu’ils soient soit gênés, soit paniqués, les a conduits à assassiner un homme qu’ils savaient n’avoir qu’un taser à la main.« 

Selon Ilhan Omar, législateur libéral de la Chambre, réformer le système n’est pas envisageable. « Vous ne pouvez pas vraiment réformer un département qui est pourri à la racine – ce que vous pouvez faire est de le reconstruire « , a-t-elle déclaré. « L’infrastructure actuelle des forces de l’ordre ne devrait plus exister« , a déclaré Mme Omar. « Et nous ne parviendrons pas à créer un processus différent tant que cette même infrastructure restera en place.« 

Le sénateur Tim Scott, républicain de Caroline du Sud, a quant à lui déclaré que cette affaire n’était pas comparable aux autres exemples de violences policières injustifiées. Si la vidéo prise par les caméras de surveillance «  est dérangeante à regarder, je ne suis pas sûr qu’elle soit aussi claire que ce que nous avons déjà pu observer à travers le pays« , a-t-il indiqué.

Ce qui est arrivé hier à Rayshard Brooks était la conséquence de l’emploi d’une force excessive.

Lorsqu’on lui a demandé s’il devrait y avoir une norme fédérale sur le recours à la force par la police, M. Scott a dit qu’il serait « difficile d’établir une pratique codifiée« , mais a ajouté qu’un effort pour trouver et mettre en avant les meilleures pratiques déjà existantes dans les bureaux de police du pays serait utile.

Il a ajouté qu’il voulait notamment voir des politiques plus claires sur l’étranglement, une méthode de restriction controversée qui empêche la bonne circulation de l’air. Certaines villes et certains États ont déclaré l’interdiction totale de telles tactiques au cours des dernières semaines.

L’organisme Human Rights Watch a lui aussi réagi à ces deux incidents récents. Il appelle à des « réformes concrètes » pour couper court aux « contrôles d’identité abusifs et discriminatoires » et au « racisme au sein des forces de l’ordre ».

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