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D-Day : « Fantastique, irréel, terrifiant »

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Perdus au milieu de l’armada lancée sur les plages normandes, une poignée de marins et d’aviateurs belges sont aux premières loges. A bord d’un destroyer anglais, l’officier-canonnier Daniel Geluyckens contribue à percer le Mur de l’Atlantique.

Ce 6 juin, aux premières lueurs de l’aube, le lieutenant de vaisseau Daniel Geluyckens est sur le pont. Le Jervis est arrivé à bon port, en vue des côtes normandes. C’est sans encombre que destroyer de la Royal Navy a traversé la Manche, libre de toute présence ennemie, sous le grondement incessant des vagues aériennes lancées en direction du continent. « C’était franchement fantastique, irréel ! » se souvient Daniel Geluyckens, l’un des derniers survivants belges de l’épopée du D-Day.

L’officier canonnier peut se concentrer sur l’objectif qui lui a été assigné. Ce canon allemand de 88 mm, abrité dans un blockhaus camouflé en petite maison, n’a plus de secrets pour lui. Daniel Geluyckens a étudié la position sous toutes les coutures, sur ces multiples photos étalées devant lui. Il a fini par en rêver la nuit. Et voilà la pièce d’artillerie à mettre hors d’état de nuire qui se dévoile, à travers ses jumelles de tir.

« On n’a pas le temps d’avoir peur »

« Open fire. » 6 heures 25 précises, les pièces du Jervis entrent en action. Ordre est donné de pilonner l’objectif sans interruption, en ajustant les cadences de tir aux bombardements aériens. Daniel Geluyckens, écouteur sur les oreilles, accomplit son oeuvre de destruction à la façon d’un métronome. « Dans ces circonstances, on n’a pas le temps d’avoir peur. » Et pourtant… Deux gerbes d’eau impressionnantes s’élèvent à hauteur de la passerelle du destroyer. Un canon ennemi de 88 mm vient de donner la réplique. Repérée, la pièce est réduite au silence.

« Cease fire. » L’heure des péniches d’assaut est arrivée. Moment fatidique, « spectacle terrifiant ». A 1 500 mètres de la plage, le Jervis est prêt à répondre à toute demande de soutien. Nouvelle séance de tir sur un village d’où l’ennemi riposte. Et déjà la nuit qui tombe, les navires qui se dispersent pour le mouillage. Daniel Geluyckens vient d’apporter une modeste mais précieuse contribution à l’anéantissement du Mur de l’Atlantique. Il termine le D-Day avec un moral de vainqueur. « Nous n’avons jamais douté du succès de l’opération. »

Ce jour-là, le pavillon belge a fait aussi bonne figure sur le Godetia et le Buttercup, deux corvettes de la section belge de la Royal Navy qui ont escorté les convois et protégé la zone d’assaut. D’autres Belges sont au charbon, sur des dragueurs engagés dans la lutte anti-mines. C’est aussi le cas du commandant Georges Timmermans, qui conduit la 202e flottille de péniches de débarquement chargée de déverser sur les plages 1 200 soldats britanniques. Non sans casse : à la fin du jour, la flottille a perdu 22 de ses 39 péniches.

Dans les airs, des pilotes belges sont de la partie. Plusieurs missions de couverture aérienne des convois et des plages de débarquement, sont effectuées à basse altitude par les Spitfire des 349e et 350e escadrilles de la RAF sous cocardes tricolores. R.A.S., rien à signaler : la chasse allemande ne se manifeste pas. Mais au soir du 6 juin, un pilote belge n’est pas rentré : Sus Venesoen, son appareil victime d’ennuis de moteur, s’est abîmé en mer.

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