Cet homme vit en face de l'ambassade américaine à Cuba © Reuters

Cuba : les diplomates et les mystérieuses attaques acoustiques

Le Vif

L’affaire, qui remonte à plusieurs mois, n’a été dévoilée que cette semaine et la diplomatie américaine ne livre ses informations qu’au compte-gouttes. Mais si cette piste est avérée, elle aurait tout d’un roman d’espionnage.

Déjà fragilisées par le durcissement imposé par Donald Trump, les relations entre les Etats-Unis et Cuba sont mises à l’épreuve par de mystérieux « incidents » médicaux subis par des diplomates américains et qui ont déjà provoqué une première riposte de Washington. L’affaire, qui remonte à plusieurs mois, n’a été dévoilée que cette semaine et la diplomatie américaine ne livre ses informations qu’au compte-gouttes.

Fin 2016, des Americains travaillant à l’ambassade des Etats-Unis à La Havane commencent à se plaindre « de divers symptômes physiques ». « Pour des raisons médicales », les Etats-Unis finissent par « rapatrier des Américains », a précisé mercredi la porte-parole du département d’Etat Heather Nauert, sans fournir d’explication sur ces « incidents » ni le nombre de personnes concernées. Jeudi, le Canada a précisé qu’un de ses diplomates avait subi une perte d’audition, tout comme plusieurs collègues américains.

Selon CNN, qui cite de hauts responsables américains sous couvert d’anonymat, Washington est sur la piste d’une possible « attaque acoustique » menée avec des appareils soniques sophistiqués déployés à l’intérieur ou à l’extérieur de la résidence de diplomates américains.

Interrogée jeudi, la porte-parole du département d’Etat n’a ni confirmé ni démenti une telle hypothèse. « Nous essayons encore de déterminer la vraie cause de leur situation », a-t-elle dit. « Une enquête est en cours, nous n’avons pas de réponse définitive », « nous ne pouvons pas accuser à ce stade un pays ou qui que ce soit ».

Signe que l’affaire est prise au sérieux, les Etats-Unis ont toutefois décidé dès le 23 mai, sans attendre d’y voir plus clair, l’expulsion de deux diplomates cubains en poste à Washington, puisque « Cuba est responsable pour la sécurité de nos diplomates sur place ».

‘Contact régulier’

Une décision susceptible d’envenimer les relations entre les Etats-Unis et Cuba, rétablies en 2015 après un demi-siècle de rupture et qui se sont déjà à nouveau dégradées avec l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche. Le président américain a durci le ton face à La Havane en juin, portant ainsi un coup au rapprochement initié par son prédécesseur Barack Obama.

Cuba a de fait protesté contre l’expulsion de ses diplomates. Mais le ton ne semble pas être monté outre mesure entre les deux pays.

La Havane a parallèlement lancé une enquête « exhaustive, prioritaire et urgente » pour faire la lumière sur ces événements. Et a semblé exclure une possible intervention d’un pays tiers, assurant n’avoir « jamais permis que le territoire cubain soit utilisé pour une quelconque action visant des fonctionnaires diplomatiques accrédités et leurs familles, sans exception ».

« Nous restons en contact régulier avec le gouvernement cubain » qui fournit « une certaine aide dans cette enquête », a reconnu jeudi Heather Nauert à Washington, disant espérer que cette coopération permettra « de résoudre ce problème d’une manière satisfaisante ».

Si elle était confirmée, une « attaque acoustique » visant des diplomates étrangers serait une première sur le territoire cubain, même si pour les quelques dizaines de fonctionnaires américains postés à Cuba avant le rapprochement entre les deux pays, représenter les Etats-Unis dans le pays de Fidel Castro a longtemps relevé de la gageure.

Fermée entre 1961 au moment de la rupture des relations diplomatiques, l’ambassade américaine avait rouvert en 1977 sous la forme d’une « section d’intérêts » après un accord entre Jimmy Carter et Fidel Castro. Elle a longtemps été considérée par La Havane comme le fer de lance de la subversion et des conspirations fomentées par Washington. A l’époque, le dirigeant cubain la qualifiait de « nid d’espions ».

Etroitement surveillés, parfois harcelés et toujours limités dans leurs déplacements, les chefs de mission les plus malmenés par les autorités cubaines et les médias d’Etat ont été Vicki Huddleston (1999-2002) et James Cason (2002-2005), un ancien de la CIA. A la même époque, les diplomates cubains en poste aux Etats-Unis se plaignaient aussi souvent d’être entravés dans leur mission.

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