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Crise des déchets radioactifs, impossible de s’en débarrasser

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Alors que les déchets radioactifs continuent de s’empiler dans le monde, les pays nucléarisés tentent de trouver des solutions sures et fiables pour les gérer… Le point sur une situation inquiétante.

Depuis des décennies, les combustibles radioactifs générés dans tous les réacteurs nucléaires s’accumulent sur notre planète. Des méthodes durables (et surtout fiables) doivent être mises en place pour les éliminer. Et pourtant, à ce jour, « aucune solution, nulle part, n’a été trouvée pour la gestion à long terme des énormes volumes de déchets nucléaires« , s’alarme Greenpeace dans son nouveau rapport sur la crise mondiale des déchets radioactifs.

Si l’industrie électronucléaire produit des déchets à chaque étape du processus – de l’extraction de l’uranium à son enrichissement – Greenpeace s’intéresse particulièrement aux déchets hautement radioactifs. Selon le rapport, il faut compter chaque année 12 000 tonnes de combustibles usés radioactifs supplémentaires, réparties dans environ 14 pays. Il faut savoir que 250 000 tonnes de déchets s’entassent déjà dans les sites de stockage, et que plusieurs millions de mètres cubes de déchets de « faible » ou « moyenne » activité seront générés par le démantèlement des 450 réacteurs encore en service aujourd’hui. Le constat est clair : si nous ne trouvons pas une solution sur le long terme, nous arriverons vite à saturation.

Le stockage des déchets en Belgique

Dans le cadre de son rapport, Greenpeace a demandé à des experts d’analyser les politiques actuelles et futures en matière de déchets nucléaires. Dans la plupart des pays étudiés, la piste du « stockage géologique » – l’enfouissement définitif des déchets dans de grandes profondeurs – est privilégiée.

La Belgique, par exemple, fut le premier pays à disposer d’un laboratoire souterrain dans de l’argile plastique, « l’argile de Boom ». En 1980, le Centre d’étude de l’énergie nucléaire (SCK-CEN) situé à Mol décide, en effet, de lancer la construction d’un laboratoire à 225 mètres de profondeur. Baptisé HADES, le laboratoire fut le lieu de bon nombre d’expériences : « les scientifiques y étudient les caractéristiques chimiques et microbiologiques de l’argile, à quelle lenteur les éléments radioactifs s’y propagent et à quelle vitesse les matériaux d’emballage des déchets se dégradent« , explique le SCK-CEN.

C’est là qu’est développé un concept de dépôt : les déchets sont disposés dans des fûts, constitués d’une paroi en acier inoxydable, qui sont à leur tour emballés dans un conteneur de stockage spécialement conçu à cet effet. L’argile, elle, veille à ce que les substances radioactives restent isolées de l’homme et de l’environnement pendant des milliers d’années.

Quelques risques

Malgré ces décennies d’investissement dans la recherche et le développement à Mol, « des risques inhérents, importants et multiples » demeurent, rapporte Greenpeace. Dont notamment :

  • la profondeur du site de stockage, trop proche de la surface et de sources d’eau potable ;
  • l’épaisseur de la couche d’argile, trop faible ;
  • ou encore le choix de l’argile, une roche saturée en eau.

La situation dans les autres pays

Pour la France, qui possède le deuxième plus important parc de réacteurs nucléaires dans le monde, la situation est tout aussi inquiétante. « Plus de 60 ans après le lancement du programme nucléaire français, le pays ne s?est pas rapproché pour autant d?une « solution » à la crise des déchets nucléaires ni même d?une reconnaissance de l?ampleur du défi« , résume Greenpeace.

L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a donc décidé d’ouvrir un laboratoire à Bure (Meuse), un site argileux où stocker les déchets de haute (ou moyenne) activité. Le projet est pourtant critiqué en raison de plusieurs dangers : risques d’explosion, d’incendie, d’infiltration des eaux et d’irréversibilité du stockage.

Le Japon, qui a déjà subi les affres du nucléaire (Hiroshima et Nagasaki) par le passé, a lui aussi fait construire un centre de recherche à Horonobe, sur l’île d’Hokkaido. Confronté à une instabilité de la zone, qui regorge de fissures souterraines, le pays a néanmoins été rapidement contraint d’abandonner le projet.

En Suède et en Finlande, la recherche sur le stockage est plus avancée. En 2018, la Société suédoise de gestion du combustible et des déchets nucléaires (SKB) a demandé les autorisations pour construire un système souterrain utilisant la méthode KBS-3 : les déchets sont d’abord stockés une première fois pendant 30 ans, ils sont ensuite encapsulés dans des bidons en fonte, eux-mêmes enfermés dans des capsules en cuivre et enterrés dans de l’argile de bentonite. En Finlande, une installation est également en cours de construction, à Onkalo. Deux projets lancés, certes, mais qui n’ont pas encore réellement abouti à cause de nombreux problèmes et difficultés techniques.

En 42 ans, le gouvernement britannique en est à sa sixième tentative « de trouver une collectivité disposée à accueillir un site de stockage de déchets radioactifs « , rapporte Greenpeace. Les autorités et l’industrie nucléaire persistent à croire que le stockage géologique « est la seule voie à suivre« . Mais sans le consentement de la communauté, aucun projet ne peut voir le jour. Paradoxalement, malgré ce manque d’accord notoire, le Royaume-Uni s’est tout de même lancé dans la construction de nouveaux réacteurs à Hinkley Point.

Enfin, les États-Unis, qui génèrent 30% du stock mondial total de combustibles nucléaires usés, n’ont toujours pas trouvé de site de stockage géologique. Le projet d’enfouissement des déchets prévu depuis quelques décennies à Yucca Mountain, une montagne située dans le Nevada, a été annulé « par l’administration Obama en 2010 en raison du problème de l’acceptation scientifique et publique du projet« .

Le stockage géologique, une bonne idée ?

Si de nombreux projets sont en cours dans plusieurs pays, aucun d’entre eux n’a réellement abouti et leur coût, souvent élevé, peut également poser problème. Raisons pour lesquelles l’ONG dénonce le stockage géologique des déchets nucléaires et plaide pour le stockage en subsurface. « La principale différence entre cette option et un site d’enfouissement géologique est que ces installations sont des entreposages permettant de récupérer les colis, situés généralement à environ 30 mètres sous la surface, avec une durée de vie de 100 à 200 ans. Par conséquent, les conditions géologiques sont moins importantes que pour des sites de stockage permanents en profondeur« , explique Greenpeace.

Une chose est sure : même si on mettait un terme à l’énergie nucléaire et qu’on fermait définitivement tous les réacteurs, cela ne résoudrait en rien le problème des 250 000 tonnes de déchets qu’on a aujourd’hui sur les bras. D’où la nécessité pour les générations actuelles et futures de plancher sur la question…

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