Gérald Papy

Corée : le retour de la diplomatie à la Maison-Blanche

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le ton badin affiché par Kim Jong-un lors des séquences publiques de l’historique sommet intercoréen de Panmunjom, le 27 avril, prouve que diriger la dictature la plus fermée de la planète n’empêche pas de manier avec habileté les ressorts de la communication du monde globalisé à l’occidentale.

Le pas de deux avec son homologue du sud Moon Jae-in par-delà la ligne de démarcation entre les deux Corées, combiné à l’offensive de charme orchestrée par sa soeur Kim Yo-jong aux Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang en février dernier, en viendrait à faire oublier la répression des opposants ou les retards de développement qui prévalent en Corée du Nord. Jusqu’il y a peu, Kim Jong-un renvoyait l’image du potentat responsable de l’exécution de son oncle pour  » crime contre le parti « , celle du commanditaire de l’assassinat de son demi-frère en plein aéroport de Kuala Lumpur ou, surtout, celle du satrape menaçant ses voisins d’une déflagration nucléaire.

La rencontre à venir entre le maître de Pyongyang et Donald Trump permettra de vérifier les bonnes intentions professées entre Coréens : lancement de négociations en vue d’un traité de paix soixante-cinq ans après la fin de la guerre et dialogue politique pour une dénucléarisation de la péninsule. Le Nord-Coréen et l’Américain pourraient en tirer des dividendes, la reconnaissance internationale et la fin de la stigmatisation comme Etat paria pour le premier, un inespéré succès de politique internationale pour le second.

Devenez une puissance atomique, et vous serez craint et respecté. Renoncez-y, et vous serez trahi et combattu

Aussi mystérieux qu’inattendu, le dégel observé entre celui qui promettait  » le feu et la colère  » à la Corée du Nord et celui qui menaçait de rayer les Etats-Unis de la carte du monde est une bénédiction. Que le premier geste d’ouverture ait émané de Kim Jong-un à la faveur de son allocution du 1er janvier 2018 confirme que le régime de Pyongyang n’est pas aussi figé que certains veulent le croire.  » Une partie de la population (nord-coréenne) a « reniflé » les effluves, sinon de liberté, du moins de relative autonomie, grâce aux possibilités offertes par l’économie parallèle « , autorisée par le nouveau leader suprême, diagnostiquait Philippe Pons en 2016 (dans Corée du Nord. Un Etat-guérilla en mutation, Gallimard). A cette aune, la raison incline à partager la préférence du spécialiste pour l’avenir d’un pays empreint d’un profond nationalisme.  » Soutenir une évolution progressive de la Corée du Nord sous la houlette d’un pouvoir totalitaire, mais réformiste, paraît la seule voie réaliste pour faire retomber la tension dans la péninsule et éviter le risque d’un effondrement du régime qui déstabiliserait toute la région.  »

Le président américain cherchera-t-il à favoriser cette transition douce ? Le traitement du dossier coréen consacre en tout cas le retour à la Maison-Blanche de la diplomatie, jusqu’ici négligée sous Trump. Il constitue un test de sa crédibilité alors qu’un procès en incohérence pointe à l’horizon. Le 12 mai, le chef de la première puissance mondiale devrait, sauf illusoire plan B sous forme d’accord élargi, dénoncer l’arrangement sur le nucléaire iranien conclu par son prédécesseur et les dirigeants de cinq autres grandes puissances en 2015. Celui-ci garantit la volonté légitime de Téhéran de développer une infrastructure nucléaire civile et son renoncement, imposé par la communauté internationale, à une ambition nucléaire militaire. A peu de chose près, ce qui est attendu de la Corée du Nord à la faveur du dialogue désormais amorcé. Le message qui en découlera est potentiellement destructeur. Devenez une puissance atomique, et vous serez craint et respecté. Renoncez-y, et vous serez trahi et combattu.

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