Poignée de main entre Theresa May et Arlene Foster devant le 10 Downing Street. © REUTERS

Comment Theresa May a vendu son âme pour sauver sa peau

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Theresa May a signé lundi un accord de gouvernement avec le DUP nord-irlandais… contre un milliard de livres. Un acte politique qui pose question et qui a soulevé une salve de critiques, notamment dans les autres régions du pays.

La Première ministre britannique Theresa May a signé un accord de gouvernement avec le DUP, parti ultra-conservateur nord-irlandais. Mais retrouver la majorité absolue après avoir perdu son pari des élections anticipées du 8 juin a un coût, loin d’être anodin : un milliard de livres (environ 1,1 milliard d’euros). Arlene Foster, leader du DUP, a en effet annoncé que l’Irlande du Nord allait recevoir cette somme au cours des deux prochaines années.

L’intérêt personnel de Theresa May

Le jeu en vaut effectivement la chandelle : l’alliance avec le DUP permet à la dirigeante des Tories d’atteindre les 326 sièges requis pour retrouver une majorité absolue. Ce deal coûteux est aussi satisfaisant de manière personnelle pour Theresa May, puisqu’il lui permet de conserver son poste de Première ministre britannique. « L’accord de Theresa May avec le DUP ressemble à un pot-de-vin. (…) Cet accord utilise l’argent public uniquement pour l’intérêt d’un parti« , écrit The Independent. Jeremy Corbyn, le leader du parti travailliste et principal challenger de May durant les élections, a également fustigé un arrangement qui « ne va pas dans l’intérêt national mais dans l’intérêt de Theresa May« .

Cette dernière s’est « félicitée de cet accord qui va nous permettre de travailler ensemble dans l’intérêt de l’ensemble du Royaume-Uni et nous donner la certitude dont nous avons besoin alors que nous lançons notre sortie de l’Union européenne« . Avec ce deal, May bénéficiera du soutien du DUP sur plusieurs thématiques (budget, Brexit, économie, sécurité). Mais cette somme ne lui offre cependant pas une allégeance absolue. Pour le reste des sujets, le texte prévoit « un accord au cas par cas« .

Critiques et consternation dans les autres Régions

Cet accord monnayé avec un parti régional risque de créer un précédent dans les politiques régionales. La Première ministre britannique doit à présent faire face au jeu politique de l’Ecosse, du Pays de Galles et de certaines régions de l’Angleterre qui, à leur tour, demandent davantage de budget pour leurs régions.

L’annonce de l’accord de gouvernement, et surtout de sa compensation financière pour l’Irlande du Nord, ont effectivement fait l’effet d’une bombe dans les autres régions du pays. Les deux autres nations constituantes du Royaume-Uni, le Pays de Galles et l’Ecosse, ont aussitôt protesté, arguant notamment que l’Irlande du Nord est déjà la province la plus subventionnée du pays.

Pour le Premier ministre gallois Carwyn Jones, il s’agit d’un accord « scandaleux » et « inacceptable » qui « tue le financement équitable des nations et régions » du Royaume-Uni. Même son de cloche chez la Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, qui déplore que « tout sens d’équité a été sacrifié sur l’autel d’un accord crasseux avec le DUP pour permettre à la Première ministre de s’accrocher au pouvoir« .

L’accord fait également grincer des dents chez certains Conservateurs, mais business is business. Pour Stephen Crabb, député conservateur, « nous ne sommes pas habitués à ça en Grande-Bretagne, mais c’est le prix à payer pour faire des affaires. Nous avons besoin d’une majorité fonctionnelle« , assure-t-il en utilisant une expression communément réservée aux accords commerciaux.

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