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Comment reconquérir les perdants de la mondialisation? Les propositions des experts

Le Vif

Revenu universel, formation professionnelle mieux adaptée, allocations chômage plus généreuses ou encore taxes sur les importations: les économistes rivalisent d’imagination pour porter secours aux perdants de la mondialisation dans les pays occidentaux pour répondre à leur mécontentement exprimé dans les urnes.

« Il faut penser aux « losers »! C’est la seule solution pour faire face au populisme », a affirmé à l’AFP Philippe Aghion, professeur d’économie au Collège de France. « Quand on réforme sans penser aux perdants, eh bien cela donne Trump et le Brexit », a-t-il assuré.

D’autant que les autorités s’étaient engagées à apporter des compensations aux salariés les plus exposés à la concurrence étrangère lors de la signature d’accords commerciaux, comme l’a rappelé le Prix Nobel Joseph Stiglitz, lors de récents entretiens à Paris. « Sauf qu’il n’y en pas eues », a-t-il regretté.

Depuis plusieurs mois, les appels se multiplient pour changer le fonctionnement du commerce mondial de ces trente dernières années, y compris de la part d’organisations comme le FMI et l’OCDE qui exigent une meilleure répartition des richesses.

« Le libéralisme tous azimuts, ça ne marche pas. Nous l’avons vu au Royaume-Uni et aux Etats-Unis », a constaté Agnès Bénassy-Quéré, présidente déléguée du Conseil d’analyse économique (CAE) français, en allusion au Brexit et à la victoire de Donald Trump.

« D’une certaine manière, ces évolutions récentes sont l’échec d’une vision où l’on joue à la fois la carte de la mondialisation et on laisse tomber les systèmes sociaux, la redistribution et où les perdants n’ont qu’à se débrouiller pour devenir des gagnants », a-t-elle expliqué à l’AFP.

Comment reconquérir les perdants de la mondialisation? Les propositions des experts
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Préparer les générations futures

Du coup, les économistes multiplient les propositions. « Il est très important de faire en sorte qu’il y ait le moins de perdants possible à long terme », a souligné M. Aghion. A ses yeux, la formation est prioritaire. « La première chose, c’est de préparer les générations futures. Quand les gens sont très bien formés, ils ont appris à apprendre. Par la suite, ils rebondissent facilement », a-t-il estimé.

Le professeur du Collège de France préconise une autre solution: « Il faut aider les gens à trouver un emploi en accordant des allocations chômage généreuses pour ceux qui jouent le jeu », a-t-il proposé, étendant cette mesure aux victimes de l’automatisation ou des réformes menées par l’Etat.

Partant du principe que « toutes les professions sont précarisées aujourd’hui », le politologue français Thomas Guénolé est, lui, convaincu que la solution passe par « la mise en place progressive du revenu universel dans les sociétés riches pour faire face à la robotisation », un thème dont s’est emparé en France Benoît Hamon, élu candidat socialiste à la présidentielle d’avril-mai lors de récentes primaires.

Comment financer ces mesures ? « Tout cela suppose d’avoir des moyens fiscaux. Plus de mondialisation et plus d’intégration nécessite plus d’Etat et non pas moins », a affirmé Mme Bénassy-Quéré.

M. Aghion esquisse une autre piste: « L’idée c’est de financer les coûts de transition en les gageant sur les augmentations futures de gains de productivité induits par ces réformes », a-t-il soutenu.

Sans oublier les taxes sur les importations préconisées par M. Guénolé: « Pour ne plus laisser autant de monde sur le bord de la route, le minimum dans les pays riches c’est de mettre en place des taxes anti-dumping qui sont d’ailleurs autorisées par les traités de l’OMC », a assuré l’auteur du livre La mondialisation malheureuse.

Reste aussi à savoir si ces mesures de redistribution devraient être assumées uniquement par les Etats ou si l’UE, par exemple, qui négocie les accords commerciaux au nom des pays membres, ne devrait pas elle aussi prévoir des compensations lorsqu’elle signe un traité de libre-échange. « Il y a une responsabilité européenne qui doit être assumée pour apporter des financements aux bassins d’emplois sinistrés, avec des plans de redéploiement sur d’autres activités », a affirmé Mme Bénassy-Quéré, qui évoque notamment le renforcement du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation.

Jean-Luc Demarty, directeur général du commerce à la Commission européenne, n’a toutefois pas estimé que cette responsabilité revenait à ses services. « Bien entendu, il y a des perdants dans le commerce. Mais ce n’est pas la politique commerciale elle-même qui peut s’occuper des perdants », a-t-il récemment soutenu à Paris.

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