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Cinq questions sur la loi définissant Israël comme « l’Etat-nation du peuple juif »

Le Vif

Le Parlement israélien a débattu mercredi de la loi définissant Israël comme « l’Etat-nation du peuple juif », dénoncée comme « discriminatoire » par l’opposition et l’importante communauté arabe israélienne. Voici ce que dit le texte, ce qu’il ne dit pas, et pourquoi il cause une telle controverse.

Pourquoi la loi est-elle controversée ?

Qu’Israël soit l’Etat-nation du peuple juif comme l’affirme la déclaration d’indépendance de 1948, est considéré comme une évidence par de nombreux Israéliens.

La controverse actuelle porte autant sur ce que dit la nouvelle loi, qui définit Israël comme le « foyer national du peuple juif », que sur ce qu’elle passe sous silence.

Aucun article ne mentionne en effet l’égalité entre les citoyens ou le caractère démocratique du pays, faisant craindre que le caractère juif d’Israël ne prime sur les autres principes, ce qui est une revendication de longue date des nationalistes religieux israéliens.

D’autres dispositions inquiètent d’autant plus les minorités que le texte fait partie des lois fondamentales qui font office de Constitution, inexistante en Israël.

Israël est ainsi défini dans la loi comme le foyer historique des juifs et leur confère un droit « unique » à l’autodétermination.

Une autre clause stipule que l’établissement de communautés juives relève de « l’intérêt national » et fait de l’hébreu l’unique langue officielle du pays, rabaissant l’arabe à un simple statut spécial aux contours encore flous.

Les Arabes israéliens, qui représentent 17,5% des huit millions d’habitants, craignent désormais d’être victimes de discriminations dans de nombreux domaines dont l’attribution de logements, de terres ou de financements.

Egalité et démocratie sont-elles protégées par d’autres lois ?

Partiellement. Les lois fondamentales définissent Israël comme « juif et démocratique » mais aucune mention n’est faite du principe d’égalité entre les citoyens, sauf dans la déclaration d’indépendance.

Ces lois fondamentales garantissent un droit à la dignité humaine qui a été interprété par les juges comme garantissant l’égalité, explique à l’AFP Amir Fuchs, du centre de réflexion Israel Democracy Institute.

Expert lors des débats sur la loi, il la juge « terrible » car elle « change la définition d’Israël ». Selon lui, tout repose désormais sur l’interprétation de ce texte par les juges.

Egalité et démocratie « sont inscrites dans la loi israélienne, non seulement dans les lois fondamentales mais aussi à travers les nombreuses décisions de la Cour suprême et la jurisprudence », contredit Emmanuel Navon, chercheur au Kohelet Policy Forum, un centre de réflexion qui a soutenu la nouvelle législation.

Que pourrait changer cette loi?

Pour Amir Fuchs, les effets sont plus symboliques que pratiques dans l’immédiat. Mais les conséquences concrètes pourraient se faire sentir à long terme.

« Si vous parlez à quelqu’un qui est Arabe ou qui n’est pas juif, il vous dira, à juste titre, que cela lui envoie un message disant: « vous n’êtes pas un citoyen à part entière dans ce pays », explique-t-il.

Selon lui, la loi pourrait également ouvrir la voie à d’autres législations. Il imagine que certains textes pourraient alors exiger que des parlementaires ou de nouveaux citoyens soient obligés de prêter serment en jurant d’être loyaux à un Etat « juif et démocratique ».

La loi était nécessaire afin de protéger l’identité d’Israël en tant qu’Etat juif, plaide Emmanuel Navon, par exemple contre d’éventuelles législations qui permettraient aux Palestiniens épousant des Arabes israéliens d’obtenir plus facilement la nationalité israélienne, menace potentielle à long terme pour la majorité démographique juive.

Pourquoi une telle loi maintenant ?

Les nationalistes religieux israéliens, dont ceux qui s’opposent à la création d’un Etat palestinien et veulent annexer la Cisjordanie, un territoire palestinien occupé par Israël depuis plus de 50 ans, réclament depuis des années une telle loi.

Pour de nombreux analystes politiques, le calendrier est dicté par les calculs du Premier ministre Benjamin Netanyahu, à la tête du gouvernement considéré comme le plus à droite de l’histoire du pays.

Impliqué dans plusieurs affaires de corruption, il pourrait être tenté d’avancer les élections législatives prévues pour novembre 2019. Cette loi lui permet de consolider le soutien de sa base et de saper ses concurrents de droite.

Quelle est la réponse des opposants ?

Cinq recours ont été déposés contre la loi devant la Cour suprême. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté samedi à Tel-Aviv contre le texte, une opposition menée par les druzes, minorité arabe forte de 130.000 personnes et soumise à la conscription contrairement aux autres Arabes israéliens.

Lors du débat mercredi au Parlement, des députés d’opposition ont demandé que la déclaration d’indépendance soit élevée au rang de Constitution.

M. Netanyahu a affirmé dimanche que sans la loi, « il sera impossible de garantir pendant des générations l’avenir d’Israël comme Etat national juif ».

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