Manifestants sur le monument de la Plaza Italia, pointant leur laser vert vers la police anti-émeute lors des manifestations contre les politiques de Sebastian Piñera et les inégalités, le 15 novembre 2019 à Santiago, Chili.

Chili: retour sur un mois de crise sociale, la pire depuis la fin de la dictature de Pinochet

Le Vif

Depuis un mois, le Chili vit au rythme de manifestations massives, souvent émaillées de violences, pour réclamer des réformes sociales et politiques d’un modèle ultra-libéral accusé de bénéficier seulement aux plus riches.

L’appel lancé par des lycéens à frauder dans le métro après une hausse de 3% du ticket à Santiago, suivi par une flambée inédite de violence, s’est transformé en la pire crise sociale connue par le pays sud-américain depuis la fin de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990).

Si, jusqu’au 18 octobre, les effets du changement climatique sur le pays et la préparation de la conférence internationale sur le climat COP 25 – depuis annulée – dominaient le débat politique, le pays discute aujourd’hui d’une nouvelle Constitution, ainsi que de la façon de réformer les systèmes de santé, d’éducation et de retraites, presque totalement privatisés. « Au cours des quatre dernières semaines, le Chili a changé. Les Chiliens ont changé, le gouvernement a changé, nous avons tous changé », a admis dimanche le chef de l’Etat conservateur, Sebastian Piñera qui, à l’instar du Parlement, a dû revoir de fond en comble son programme politique.

Vendredi, les partis ont conclu un accord sur l’organisation d’un référendum en avril 2020 pour remplacer la Constitution actuelle, héritée de la dictature et accusée de maintenir de fortes inégalités dans la société en limitant au maximum l’intervention de l’Etat.

En trente ans de démocratie, aucune tentative de remplacement de cette Constitution, rédigée en plein régime militaire de façon à ce que les secteurs conservateurs de la société puissent se maintenir au pouvoir, y compris après la fin de la dictature, n’avait abouti. « Nous sommes tous conscients que nous étions dans une camisole de force avec cette Constitution héréditaire et pétrifiée », a déclaré l’ex-président de centre gauche Ricardo Lagos (2000-2006), qui était finalement parvenu en 2005, grâce à un large accord politique, à en éliminer les principes les plus anti-démocratiques.

Un sondage de l’Institut Cadem publié dimanche a révélé que 67% des Chiliens considèrent comme « positif ou très positif » l’accord sur le référendum constitutionnel.

Retour à la normalité ?

Le « réveil » a été brutal dans ce pays jusqu’à présent considéré comme un havre de stabilité politique et loué pour la solidité de son économie : la vague de contestation a fait 22 morts – la plupart dans des incendies lors de pillages et cinq à la suite d’interventions des forces de sécurité – ainsi que plus de 2.000 blessés.

Symbole de la répression policière dénoncée par de nombreuses organisations locales des droits de l’Homme, les quelque 200 Chiliens blessés aux yeux, parfois jusqu’à en perdre la vue, par des tirs de chevrotine en caoutchouc utilisés contre les manifestants.

Le président Sebastian Piñera a reconnu dimanche des violations des droits de l’homme de la part des forces de l’ordre, qui ont poussé l’ONU à envoyer une mission d’enquête dans le pays. « Il y a eu un recours excessif à la force, des abus ou des délits ont été commis et les droits de tous n’ont pas été respectés », a admis le chef de l’Etat, assurant qu’il n’y aurait pas « d’impunité ».

Depuis le 18 octobre, plus de 15.000 interpellations ont eu lieu, dont 3.500 pour des pillages, selon un bilan rendu public lundi par la police. Au total, 5.300 actes violents ont été perpétrés par les manifestants.

La chaîne américaine Walmart a déposé plainte contre l’Etat chilien pour les dommages dans ses magasins, dont 28 ont été pillés, 34 incendiés et 17 totalement détruits.

Après un mois de crise qui a considérablement bouleversé le pays, les Chiliens se retrouvent désormais divisés entre ceux qui souhaitent revenir à la normalité et ceux qui veulent maintenir la pression sur le gouvernement, appelant à des réformes plus rapides pour répondre à leurs préoccupations économiques et sociales les plus urgentes.

De nouveaux appels ont été lancés sur les réseaux sociaux lundi pour manifester sur la Plaza Italia à Santiago, où 1,2 million de personnes s’étaient rassemblées le 25 octobre dans une mobilisation historique.

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