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Charlie Hebdo : « Selon les extrémistes, la force est le seul moyen de se faire entendre »

Manifestations d’intégristes catholiques pour protester contre une pièce de théâtre, incendie de Charlie Hebdo à la suite d’un numéro sur la charia… Les mouvements extrémistes font parler d’eux. Olivier Bobineau, sociologue des religions, fait le point sur ces groupuscules religieux.

Peut-on établir des points communs entre les manifestations d’intégristes catholiques devant le théâtre de la Ville à Paris pour protester contre la pièce Sur le concept du visage du fils de Dieu de Roméo Castelluci et l’incendie du siège de Charlie Hebdo qui s’apprêtait à publier un numéro spécial sur la charia ?

Il s’agit à chaque fois des mouvements antimodernes, opposés aux valeurs de notre société. Que ce soit dans le cas des manifestations contre une pièce de théâtre ou l’incendie du siège d’un journal, ces événements choquent, par delà les clivages politiques, car ils constituent une atteinte à la liberté et à la souveraineté des individus. Quelle que soit leur religion, ces extrémistes ne sont pas soutenus par les instances religieuses et vivent leur foi en dehors de la société. Leurs idées sont, en apparence très différentes, mais il s’agit de mouvances complètement marginales qui luttent contre ce qu’elles considèrent comme une forme de blasphème. Imposer leurs idées par la force est donc le seul moyen, selon elles, de se faire entendre. C’est également un cri de désespoir: après avoir essayé de s’exprimer par les urnes, elles n’ont plus aujourd’hui que l’action coup de poing pour clamer leur indignation.

Qui sont ces radicaux ?

Ces groupuscules radicaux sont généralement constitués d’individus en quête d’identité. Ils viennent de tous les milieux sociaux et de partout en France, mais ne se mélangent pas. Dans chaque groupe, on retrouve une homogénéité de milieux, d’âges, parfois même de quartiers ou d’écoles. Cette nouvelle forme d’individualisme – dite « confinitaire » – apparue dans les années 1980, pousse le repli identitaire à son maximum. Les individus appartenant à ces mouvements ont construit leur identité en s’insérant dans un groupe qui partage les mêmes idées, en l’occurrence le radicalisme religieux.

Est-ce qu’Internet a permis à ces mouvements de se développer ?

Ces groupes religieux ont pu élargir leur base grâce à Internet. Des individus qui n’avaient aucune prédisposition sociale ou économique pour intégrer ce genre de mouvements ont pu entrer en contact avec ces groupuscules, grâce à Internet, aux réseaux sociaux… Le Web a également permis le développement d’une sociabilité « confinitaire », c’est-à-dire entre personne partageant les mêmes idées, ce qui a entrainé une radicalisation de ces idées.

Caroline Politi, L’Express.fr
Olivier Bobineau est l’auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Les formes élémentaires de l’engagement. Une anthropologie du sens aux éditions Temps Présent et Dieu et César, séparés pour coopérer aux éditions Desclée de Brouwer.

Lexique

Intégrisme : Ce mouvement tire son nom d’un parti politique espagnol de la fin du XIXe qui réclamait la subordination de l’Etat à l’Eglise catholique. Selon eux, l’intégrité de la tradition doit primer sur la modernité. Aujourd’hui, l’utilisation de ce terme est galvaudée car étymologiquement, il ne peut s’appliquer qu’aux mouvements radicaux catholiques.

Fondamentalisme : Créé à la même période aux Etats-Unis par l’Eglise évangélique, le fondamentalisme rappelle les points fondamentaux de la doctrine chrétienne. Le mouvement se rattache à la lecture des Ecritures saintes et non à leur interprétation ;

Radicalisme : Ce mouvement prétend rappeler les points fondamentaux de la théologie protestante.

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